Au nom du sacro-saint droit de réserve imposé par l’instance qui les gère, les arbitres algériens sont interdits de faire la moindre déclaration, même pas pour défendre leur honneur souvent bafoué !
Avant, on l’appelait l’homme en noir, tel un juge dans sa robe qui faisait régner la loi sur les terrains de football. Certains prenaient même le grade de chevalier du sifflet, tellement il sublimait leur métier et leur façon théâtrale de gérer un match. Depuis, ils ont pris des couleurs puisque les arbitres, car c’est d’eux qu’il s’agit, peuvent s’habiller en jaune, en bleu, en vert et même en violet. C’est selon, sauf que leur métier n’est pas forcément rose à tous les coups, notamment chez nous où même si l’arbitre n’est ni coupable ni victime, il est suspect.
Si ailleurs, l’erreur est humaine et le débat porte beaucoup plus sur la meilleure manière d’améliorer le niveau de l’arbitrage et de limiter au maximum les fautes qui peuvent fausser le résultat d’un match, en Algérie on en est à «est-ce que l’arbitre est corrompu ou pas ?».
Il y a quelques jours seulement, lors d’une banale rencontre de championnat de France de Ligue 1, un certain Evian Thonon-Gaillard-AC Ajaccio, l’arbitre M. Amaury Delerue, avait validé l’égalisation ajaccienne à la dernière minute entachée d’un hors-jeu flagrant au départ de l’action. A la fin de ce match, l’arbitre s’est confondu en excuses auprès de l’entraîneur et des dirigeants d’Evian : «Une erreur manifeste entache le but de l’égalisation d’Ajaccio. Nous avons eu cette explication avec M. Dupraz (l’entraîneur d’Evian) qui a accepté les excuses qu’on est obligé de donner ce soir au club d’Evian et à ses supporters en essayant de lui faire passer le message que vous avez quatre hommes malheureux ce soir qui se sont trompés. La justice sportive n’a malheureusement pas été rendue».
Cette déclaration de l’arbitre, même si elle n’a rien changé au résultat du match et des deux points perdus par le club savoyard, a calmé plus ou moins la colère noire des dirigeants, de l’entraîneur et des joueurs sans oublier les supporters. Cette erreur, qui n’est pas la seule puisque plusieurs autres ont été constatées lors de cette 23e journée, a davantage alimenté le débat sur l’arbitrage en France qui sera absent lors du prochain Mondial brésilien, depuis 1974.
Ce n’est pas le cas pour l’Algérie qui sera représentée, cet été, par son meilleur sifflet, Djamel Haïmoudi, qui incarne, à lui seul, l’arbitrage à deux vitesses puisque ce dernier n’est pas forcément prophète dans son pays. Il a été décrié à maintes reprises. Pourtant, il a été élu meilleur arbitre africain deux années de suite, meilleur referee arabe, il a officié le match d’ouverture et la finale de la dernière CAN-2013 et lors de la Coupe des Confédérations au Brésil, en juin dernier. Rien que ça. Cela ne l’a pas empêché de demander, il y a si peu, une mise en disposition afin de prendre un peu de répit, voire un peu de recul par rapport au championnat et ses matches qui sentent la poudre. Du coup, n’est-il pas venu le temps de donner la parole aux arbitres et de les laisser s’exprimer au lieu de cette omerta qui jette la suspicion sur tout ce qui siffle sur un terrain de foot ? Il est inadmissible qu’à l’ère de la technologie de la communication à outrance, tout le monde s’exprime à sa guise, sauf les arbitres ! A la fin de chaque match, on entend tout le monde : les joueurs, les entraîneurs, les présidents, les dirigeants, les supporters, et tout ce qui tourne autour de l’événement, sauf les arbitres. Même la Commission fédérale d’arbitrage (CFA) se mure dans un silence qui suscite moult interrogations, alors que des accusations graves sont portées à l’encontre de certains arbitres. La CFA censée protéger les arbitres, fait le dos rond et son président, Belaïd Lacarne, minimise la grande polémique autour du corps arbitral et la qualifie de campagne de déstabilisation visant sa personne et la politique de rajeunissement du corps arbitral.
A. S-B