Plus que le chômage, c’est l’insertion des filles diplômées sur le marché du travail et le découragement des jeunes face à leur avenir professionnel qui constituent les défis majeurs de l’emploi en Algérie, estime Mohamed Saïd Musette, directeur de recherche au CREAD, qui appelle à la mise en place de dispositifs exclusifs pour ces populations cibles.
A contre-courant du discours dominant sur les problèmes d’emploi en Algérie, Mohamed Saïd Musette, directeur de recherche au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), assure « qu’il est faux de dire que le chômage représente le principal défi » en Algérie. Invité à intervenir dans le cadre d’une rencontre sur la « formation, emploi et employabilité », organisée mardi par le Forum des chefs d’entreprises, le sociologue qui travaille depuis près de 20 ans sur les dispositifs d’emploi en Algérie, a soulevé plusieurs phénomènes expliquant, selon lui, des difficultés actuelles du marché de l’emploi.
« Les jeunes sont découragés », a-t-il indiqué, citant une étude de l’OCDE sur l’emploi des jeunes en Afrique du Nord parue en 2012, selon laquelle « 25 % des 15-24 ans en Algérie n’est ni à l’école, ni à la recherche de travail ». Et pour ceux qui travaillent, le désengagement est tel qu’il mine la productivité. « C’est un phénomène mondial avec une moyenne de 17 % selon le sondage Gallup 2013. Mais l’Algérie, avec un taux de 23 %, se place parmi les premiers pays de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA), derrière la Tunisie », a souligné Mohamed Saïd Musette.
Précarisation de l’emploi
Le constat d’un désengagement croissant du salarié dans son travail va de pair avec une précarisation des emplois, matérialisée par la baisse des contrats à durée indéterminée (CDI) et la hausse des contrats à durée déterminée (CDD). « L’Algérie compte seulement 30 % d’emplois permanents et dans la région MENA, ce chiffre tombe à moins de 20 % », a indiqué le directeur de recherche au CREAD. Autre signe de précarisation de l’emploi : les rangs des travailleurs opérant dans l’informel ne cessent de grossir. On estime ainsi que « 68 % du travail informel s’opère dans le secteur privé, hors agriculture », affirme Mohamed Said Musette. « Ces travailleurs qui ne sont pas affiliés à la Caisse nationale d’assurance sociale n’ont aucune couverture sociale, ce qui les rend plus vulnérables ».
L’insertion des filles diplômées constitue un autre problème du marché du travail, selon le directeur de recherche au CREAD. « L’Etat investit de l’argent pour former ces jeunes filles qui représentent plus de la moitié des étudiants et réussissent mieux que leurs homologues masculins, mais ne les accompagne pas une fois les études terminées », déplore Mohamed Said Musette. « Si on forme des compétences, ce n’est pas pour qu’elles restent à la maison », ajoute-t-il avant d’appeler à la mise en place de dispositifs exclusifs pour les filles diplômées et les mineurs, autre « population cible » sur laquelle il faudra agir pour réduire le chômage.