Les dernières sorties médiatiques du secrétaire général du Front de libération nationale ont mis les cadres de ce parti dans une situation très inconfortable.
Manquant de «visibilité», nombre d’entre eux ne savent pas s’ils doivent soutenir la vision de Amar Saïdani sur des questions aussi sensibles que les missions du Département du renseignement et de la sécurité et l’instauration d’un «Etat civil».
Le secrétaire général du FLN parle, et c’est tout son parti qui se pétrifie. Les vieux briscards du Front de libération nationale ne savent toujours pas quoi penser des dernières déclarations de Amar Saïdani.
Commençons par Abdelhamid Si Affif qui s’était opposé à l’intronisation de Saïdani avant d’assister à la session du Comité central du 29 août. «Je n’ai pas soutenu l’actuel secrétaire général, ma présence, et celle de mon groupe, à la session du Comité central était une action pour garantir la stabilité du parti», a-t-il tenu à préciser. «Dans la situation actuelle, le secrétaire général est seul porte-parole du FLN.
Il n’y a pas de Bureau politique, donc il est seul habilité à parler au nom du parti.» Si Affif soutient-il pour autant les positions de son secrétaire général sur le DRS, l’armée et l’instauration d’un «Etat civil» que Saïdani attribue à Abdelaziz Bouteflika ? La question provoque une vive réaction de sa part : «Non, ne parlez pas de ça ! Je me situe très loin de tout ça !
Ces affaires me dépassent. Je ne me mêle pas de ce qui ne me regarde pas.» Justement, le patron du FLN se mêle-t-il de choses qui ne le regardent pas ? «Le contexte actuel est difficile et complexe.
Il doit avoir ses raisons. Mais il doit agir de la sorte car il tire sa force du président de la République. En fait, tout le monde tire sa force du président de la République et tout le monde est au même niveau sur ce plan-là. En Algérie, il n’y a pas de hiérarchisation du pouvoir.
Le chef de l’Etat est au sommet et les autres sont en dessous, mais au même niveau», explique-t-il. L’incompréhension est également perceptible parmi les cadres les plus proches de Amar Saïdani. C’est le cas notamment d’Ahmed Boumahdi, rédacteur de la demande d’autorisation pour la tenue du Comité central du mois d’août. L’homme se fait méfiant. «Je vois où vous voulez aller avec vos questions.
Je sais comment réfléchissent les journalistes…» Puis il tente une feinte : «Le secrétaire général a le droit d’évoquer tous les sujets. Absolument tous. Pourquoi n’appelez-vous pas Sellal et Bensalah pour leur demander pourquoi ils s’attaquent à Saïdani et à notre parti ? Je ne veux pas entrer dans une polémique basée sur de fausses interprétations.
Pour ma part, je soutiens notre secrétaire général. Il est responsable de ses dires.» Le soutient-il également lorsqu’il évoque la nécessité de bâtir un «Etat civil» et que, par opposition, laisse clairement entendre que l’Algérie est un Etat militaire ? Nouvelle réaction courroucée : «Encore des interprétations, les journalistes ne font que de fausses interprétations !
Ce n’est pas du tout ce que j’ai compris des déclarations de Saïdani», puis il ajoute, dans une liste à la Prévert, «il est vrai qu’il y a un problème sécuritaire au sein des communes. Certains font de la brosse. Nous sommes avec les militaires. Ce sont eux qui ont lutté contre le terrorisme. L’Etat est civil, il n’est pas militaire ! Ce sont les politiques qui ont le pouvoir. » ` Ahmed Boumahdi s’excuse avant de raccrocher.
Nous avons également sollicité l’avis de Madani Houad, sénateur du tiers-présidentiel et fervent défenseur de Amar Saïdani. «Je dois dire que j’ai lu comme tout le monde ce que le secrétaire général a déclaré dans les deux entretiens. Mais je ne peux parler de ce que je ne sais pas. J’ai essayé de comprendre. Mais je me suis fatigué. Je n’ai pas réussi.
Mais en qualité de secrétaire général du FLN, il a le droit de dire ce qu’il veut.» Avouons qu’il en faut beaucoup pour «fatiguer» Madani Houad. Et que pense Mustapha Mazouzi, ancien député de Biskra et actuellement membre du Comité central, de toute cette situation ? Rien, sauf que sa réaction s’avère être une petite perle.
Il dira, alors que n’avions pas fait référence au média dans lequel a été publiée la seconde interview, : «Je n’ai pas lu le texte qui a été publié par TSA…» Et dans la catégorie «je ne réponds pas aux questions gênantes», on retrouve la déclaration de Mohamed Allioui : «Je me dirige vers l’aéroport pour récupérer mon frère qui revient du Hadj. Je ne peux pas aborder ce sujet avec vous. Rappelezmoi demain.» Demain sera un autre jour…
T. H.
IL S’ATTAQUE AU DRS ET AU PREMIER MINISTRE: QU’EST-CE QUI FAIT COURIR LE SG DU FLN ?
De tous les secrétaires généraux du Front de libération nationale (FLN), Amar Saïdani est de loin celui qui agit le plus par bravade, entretenant en même temps deux adversités : accabler le DRS et se quereller avec le Premier ministre.
Deux choses peuvent lui avoir inspiré cette méthode bulldozer : la nature de l’enjeu et une contrainte temps. Relativement au DRS, Amar Saïdani signe la caution de son parti, le FLN, à l’entreprise de démembrement des services de renseignement que Bouteflika a engagée en vue de réduire de leur influence sur la vie politique, les institutions et l’administration.
Dans cette entreprise risquée, tant est qu’elle n’est pas exempte d’effet boomerang, le chef de l’Etat avait besoin d’appuis partisans.
Et en la matière, il n’y a pas plus indiqué que le FLN, parti majoritaire dans les assemblées élues et partie intégrante du gouvernement, pour embrayer à la suite de Bouteflika et justifier, a posteriori, que les entailles opérées dans le DRS relèvent de la bonne cause.
C’est d’ailleurs pour les besoins de cette mission précise qu’Amar Saïdani a été coopté puis imposé à la tête du parti, alors que ne manquaient pas les prétendants parmi les vieux caciques et autres jeunes loups.
Pour une telle cause, Amar Saïdani est le profil idoine : il ne se pose pas de question, il fonce et ne s’encombre pas des consultations préalables pour gagner le front et impliquer l’appareil. Ses adversaires du Comité central ne manquent d’ailleurs pas de lui reprocher d’engager le parti sans se référer aux instances délibérantes.
Il n’en a cure. Il a l’appui du chef de l’Etat et cela le rassérène et l’encourage. N’avait-il pas remercié Bouteflika pour la confiance qu’il avait placée en lui devant les députés qui étaient censés l’avoir élu au poste de président de l’APN ? S’il exécute à la lettre la mission qui lui est confiée, Amar Saïdani n’est cependant pas sevré d’ambition.
Il est tel un écuyer qui attend d’être armé lui-même chevalier, après avoir enduré l’épreuve d’avoir accompagné le chevalier à la guerre, porté son écu et aidé à prendre ses armes. L’ordre auquel Amar Saïdani aspire n’est rien moins, dit-on, que le siège rapproché du fauteuil présidentiel : le poste de vice-président, en somme.
Mais il se trouve que sur son chemin se dresse un autre candidat potentiel, qui de surcroît a bonne fiche chez le DRS et jouit d’une bonne presse chez Bouteflika : le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Amar Saïdani pense qu’il ne se rapprochera de son but qu’avec l’éloignement de Sellal.
Aussi entreprend-il de le dévier de cette trajectoire politique, en lui assénant coup sur coup, dans le silence complice de Bouteflika. Il apparaît, en effet, clair que Bouteflika, qui ne déteste pas pour autant Sellal, verrait plutôt mieux Saïdani comme son dauphin, ce dernier ayant grillé ses cartes avec le DRS, présente moins de risque de trahir le gentleman agreement, base de la cohabitation future entre le Président et son dauphin. Plus encore, dans les circonstances actuelles, le viceprésident assumera de fait les charges du Président.
Agé et malade, Bouteflika ne pourrait assumer l’intégralité de ses charges. Et c’est le viceprésident qui, logiquement, devra pallier ses insuffisances. Mais alors pourquoi Saïdani met-il autant d’acharnement à vilipender Sellal, au lieu de manoeuvrer en douce ? La raison relève du calendrier. Saïdani use de la pelleteuse politique parce que le temps d’action est court.
Dans son esprit, il faut déstabiliser Sellal avant la prochaine révision de la Constitution, laquelle instituerait le poste de vice-président. Celui qui aura d’ici là terrassé l’autre aura de fortes chances d’accéder au poste. Et dans cet affrontement, Saïdani bénéficie de l’avantage du soutien du clan.
S. A. I.