La décision de la justice suisse de ne pas accorder l’immunité au général à la retraite, Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, a surpris plus d’un et en premier le concerné lui-même.
Joint par téléphone, hier, par le Quotidien d’Oran, Khaled Nezzar dira simplement «Non» au point d’interrogation concernant cette décision.
Mardi, la porte-parole du Tribunal pénal fédéral suisse, Mascha Gregori, avait déclaré à l’AFP que «l’immunité n’a pas été reconnue» au général Nezzar pour des actes commis durant son mandat, confirmant une information publiée par l’ONG suisse Trial.
Le tribunal fédéral suisse a ainsi tranché sur le dossier numéro «BB.2011.140» pour conclure que le général Khaled Nezzar ne pouvait se prévaloir d’une immunité pour éviter les poursuites judiciaires qui ont été engagées contre lui en Suisse.
Il ne peut non plus invoquer l’argument de souveraineté et de non-ingérence. Contacté par l’AFP, l’ex membre du Haut Comité d’Etat a estimé que le refus d’un tribunal suisse de lui accorder l’immunité dans le cadre d’une instruction «pour suspicion de crimes de guerre» n’était qu’une étape dans l’affaire.
L’ancien ministre de la Défense avait été arrêté à Genève le 20 octobre 2011 à l’occasion d’un voyage pour des soins de santé. Il avait été entendu pendant deux jours par le Ministère public de la Confédération suisse et avait été libéré contre une promesse de participer à la suite de la procédure.
Celle-ci avait été suspendue à la suite de la saisine du tribunal d’un recours en annulation des poursuites. Les avocats de l’ancien ministre de la Défense ont fait valoir que ses fonctions de ministre de la Défense et membre du Haut Comité d’Etat le protégeaient des poursuites. A propos de sa défense, assurée par des avocats suisses et algériens, dont Me Ali Haroun, Khaled Nezzar dira que c’est une affaire de procédure et qu’il n’a pas de détail sur son travail.
La décision de justice, qui ne préjuge pas du fond, signifie que la procédure judiciaire engagée contre lui par l’association Trial de lutte contre l’impunité et par deux Algériens résidant en Suisse l’accusant de crimes de guerre va se poursuivre. Pour les juges fédéraux, ces arguments ne sont pas recevables et l’immunité ne peut être invoquée pour des faits graves constitutifs de crimes de guerre.
«Il serait à la fois contradictoire et vain si, d’un côté, on affirmait vouloir lutter contre ces violations graves aux valeurs fondamentales de l’humanité, et, d’un autre côté, l’on admettait une interprétation large des règles de l’immunité fonctionnelle pouvant bénéficier aux anciens potentats ou officiels dont le résultat concret empêcherait, ab initio, toute ouverture d’enquête».
Le tribunal fédéral suisse a également rejeté l’argument que les poursuites engagées constituaient une ingérence de la Suisse dans «les affaires intérieures algériennes et porte atteinte à la souveraineté de cette nation».
Il admet que le principe de non-ingérence est fondé en Droit international et, que l’article 3 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) souligne qu’aucune disposition «ne sera invoquée en vue de porter atteinte à la souveraineté d’un Etat ou à la responsabilité du gouvernement de maintenir ou de rétablir l’ordre public dans l’Etat ou de défendre l’unité nationale et l’intégrité territoriale de l’Etat par tous les moyens légitimes ».
Le droit suisse autorise la poursuite de certaines infractions au droit international, notamment les violations des Conventions de Genève, dès lors que le suspect se trouve sur son territoire.
Moncef Wafi