Reghis Rabah*

Aujourd’hui il suffit qu’un simple citoyen exprime ses impressions à ses amis sur une page d’un réseau social, ces derniers la partagent et des millions d’autres en prennent connaissance et peuvent ressentir la même chose et se donnent ainsi rendez vous pour la porter tout haut dans la rue et ainsi tout s’enchaine pour devenir une protesta.
De l’autre part, la chaine Al Magharibia qui est actuellement réquisitionnée en diffusion « spéciale Algérie », se propose d’être un forum pour permettre à ce mouvement de désigner ses propres interlocuteurs afin de concrétiser leurs aspirations avec le pouvoir en place. Dans les tables rondes qu’elle organise sur le sujet, des propositions surprenantes apparaissent comme le retour à la situation de 1991 et remettre les clés aux vainqueurs encore vivants des responsables du Front Islamiques du Salut (FIS). Un autre insiste sur une option fédérale de l’Algérie pour donner plus d’autonomie aux régions mais derrière cette dernière, vise t- on leur indépendance ? Enfin le siège de Talaie El Hourriet devait regrouper ce dernier jeudi 15 partis d’opposition, quatre syndicats indépendants et 35 personnalités nationales et activistes politiques avec comme invité d’honneur deux membres du FIS dissous en l’occurrence Kamel Guemazi ancien maire de Bab El Oued et Ali Djeddi pour se donner en spectacle dans une prière conduite par ces dernier.
1-L’opposition Algérienne s’est historiquement éloignée de sa base

Les leaders politiques comme Ali Ghediri, Louisa Hanoune, Ali Benflis et bien d’autres qui voulaient se mêler aux foules des manifestants le vendredi 8 Mars, ont été hués voire même invités à quitter les lieux. Leur appel à leurs parlementaires et élus locaux n’a pas été entendu. Ils se sont montrés en faits comme des barons sans base. Face à l’atomisation de l’opposition qui pour se maintenir a besoin d’une aide des pouvoirs publics pour survire sommes nous entrain de vivre la fermeture du champ démocratique après les événements de 1991. « Rappelons que le gouvernement de Mouloud Hamrouche de septembre 1989 à juin 1991, est encore aujourd’hui comme celui qui a ouvert le plus d’espaces de libertés dans l’Algérie indépendante.
Succédant à Kasdi Merbah, ancien chef des services de renseignements, plusieurs fois ministre puis Premier ministre, Mouloud Hamrouche s’est lancé dans une politique d’ouverture politique et économique tous azimuts : il a fait adopter une loi sur la monnaie et le crédit, pièce centrale de la gestion de l’économie et tente de mettre fin aux taux de change administrés, le dinar commence à être dévalué. Dans le domaine agricole, les grands domaines socialistes sont progressivement privatisés et une grande partie des terres nationalisée est restituée à leurs anciens propriétaires. Il cherche également à mettre fin au centralisme administratif à l’intérieur et à promouvoir l’insertion de l’économie algérienne dans l’économie mondiale. Sur le plan politique, il autorise la presse privée et ouvre totalement les médias publics. Pour la première fois, la télévision accueille des débats politiques riches, libres, contradictoires et sans langue de bois. Il encourage également la formation des partis politiques.
Certains, comme le Front islamique du salut, se créent en contradiction avec les termes de la Constitution de 1989 qui interdit l’existence d’associations à caractère politique sur des bases religieuses. Il minimise d’ailleurs la portée de la victoire du FIS lors des élections locales de juin 1990, la considérant comme un vote sanction ponctuel contre le FLN qu’il s’emploie à rénover. Il prend une mesure qui lui procure beaucoup d’ennemis au sein de l’ancien parti-État : faire élire les candidats FLN aux législatives par leur section, coupant ainsi l’herbe sous les pieds des barons du parti qui n’ont aucune base électorale. Entretemps, le FIS qui a lancé sa grève générale en mai 1991 voit son mouvement s’essouffler.
Mouloud Hamrouche va ensuite entrer dans l’opposition et dénoncer l’arrêt du processus électoral de janvier 1992. En compagnie d’Abdelhamid Mehri, il prône une solution politique et souhaite refonder le FLN. Mais son message reste lettre morte et la parenthèse démocratique se referma. Depuis, les mouvements politiques ont de tout le temps donné l’impression d’avoir une existence végétative, seulement interrompue à intervalle régulier par la perspective d’une échéance électorale. N’ayant plus de structures de base opérationnelles en dehors des élections, les partis politiques sont devenus des clubs où accourent les opportunistes de tout poil à l’occasion de chaque consultation électorale propulsant à la gestion des collectivités locales (APC) des militants sans culture politique et sans véritable engagement, produisant des gestions décevantes, voire aussi catastrophiques que celle, tant décriée, des représentants du pouvoir (FLN, RND, islamistes).
Les revenus tirés de la rente permettent de créer, sinon du lien politique, du moins des allégeances. L’augmentation médiatique et substantielle (300 %) des indemnités des parlementaires en septembre 2008 est assimilable à une forme de clientélisme d’État. Par ailleurs, les prérogatives déjà limitées du parlement sont amoindries par un exécutif fort et des députés faibles. Ceux-ci, qu’ils soient opposants ou non, comme le montrent les images de la télévision publique, se font remarquer par leur absentéisme parlementaire mais aussi par leur suivisme aveugle et leur manque de réactivité.
Les parlementaires acceptent qu’un gouvernement soit nommé sans présenter son programme. Ils votent les lois de finance sans que l’exécutif présente son bilan et parfois adoptent des textes de loi contradictoires. Ainsi, la révision de la Constitution dont l’objectif principal était de renforcer l’exécutif et surtout de supprimer l’article limitant à deux le nombre de mandats du président de la République, a été approuvée à une majorité écrasante sans débat aucun, ouvrant ainsi la voie à une présidence à vie pour Abdelaziz Bouteflika, à l’instar d’autres dictateurs arabes, notamment en Tunisie, Libye, Syrie, et Égypte. Sur le plan purement procédural, le processus électoral en Algérie est donc bien rodé. Sur le plan politique, il l’est tout aussi.
Ces élections, pourtant pluralistes, ne suscitent que très peu d’inconnues quant aux vainqueurs. Les partis de la coalition présidentielle arrivent sans suspense en tête. L’inconnue, en revanche, concerne les détails chiffrés qui offrent une intéressante grille de lecture pour tenter de décoder l’évolution complexe des rapports de force. En ce qui concerne le régime, le multipartisme ne lui a pas permis de se doter d’une légitimité démocratique, mais il lui a donné la possibilité d’avoir une « démocratie de façade » utile pour son image à l’étranger. Tout comme de nombreux autres pays, Russie ou Égypte par exemple, cette façade institutionnelle de démocratie, qui inclut des élections pluralistes régulières, sert en fait à dissimuler et à reproduire les dures réalités de la gouvernance autoritaire . Mais ces régimes violent systématiquement les principes de la liberté et d’égalité, caractéristiques fondamentales de la démocratie, transformant ainsi les élections en instruments du régime autoritaire »
2-L’opposition justifie ses échecs par des subterfuges divers
Il ne faut pas se voiler la face, la participation des différents partis à la gestion des collectivités locales et des préoccupations législatives n’a jamais assuré un partage de pouvoir et encore moins son équilibre. Par contre, les différentes sorties de l’exécutif au sujet des partis qui boycotteraient les prochaines élections législatives montrent incontestablement la gêne pour ne pas parler carrément de la déroute de l’establishment dans la démarche de leur poursuite dans la stratégie de continuité et surtout leur aveu d’échec de trouver un leader charismatique comme alternative. La tentative des personnalités politiques comme Lamamra, Lakhdar Brahimi ou même Chakib Khelil semble s’éloigner puisque leur Cv n’a pas recueilli l’unanimité de l’ordre établi.
Il s’exprime peu par personne interposée et voilà qu’il accorde carrément une interview au Groupe Business Oxford dans laquelle chiffres à l’appui il fait l’éloge « économique » de ses 4 quinquennats avec une perspective rassurante pleine de défis dont notamment l’allégement de l’Algérie vis à vis de sa dépendance des hydrocarbures. Le plus surprenant est qu’aucun quotidien national privé n’a fait la moindre allusion à cet entretien à part les médias lourds de l’Etat et El Moudjahid, exception faite de certains journaux électroniques comme Al Hugginton Maghreb ou Matin d’Algérie. L’ont-ils considéré comme un non événement eu égard au match qui opposait le lendemain l’Algérie à la Tunisie ou n’ont en ils pas cru leurs oreilles ?
3-Conclusion
« Malgré l’avènement du multipartisme depuis 1989, les partis d’opposition non seulement fonctionnent selon un mode autoritaire, ce qui n’est pas un obstacle en soi, mais ils n’ont pas pour objectif de conquérir le pouvoir. Ainsi, au lieu de se présenter comme une force d’alternance ayant un projet de société, des modes d’actions politiques renouvelés et un système de valeurs, les partis de l’opposition, se sont adapté aux règles du jeu. À défaut, ils ont disparu de la scène politique. Les partis dits démocratiques, tels que le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) ou le Front des forces socialistes (FFS), n’ont pas instauré un semblant de démocratie interne.
Cette situation explique aussi le discrédit dont souffrent ces partis aux yeux de l’électorat et de leurs militants de base. Le régime, quant à lui, a su récupérer ces partis : Le MSP s’est laissé complètement coopter. Le PT flirte comme le RCD avant lui avec les sirènes du pouvoir. Nahda puis El Islah se sont brisés de l’intérieur et le FFS prêche presque dans le désert. Aucun parti politique, aucune personnalité publique ne parvient à émerger de façon suffisamment forte pour apparaître comme un challenger sérieux face au dirigeant actuel.
*Consultant, Economiste Pétrolier