C’est avec une vive émotion et beaucoup de peine que nous avons appris, le décès d’Ammi Smaïl Khabatou à l’âge de 94 ans. Le doyen des entraîneurs s’en va en silence.
Smaïl Khabatou, né le 8 septembre 1920 à Alger (il est originaire de Mizrana du côté de Tigzirt), n’était jamais à court d’argument ni en manque d’énergie. Celui que tout le monde appelle affectueusement “Ammi Smaïl” aura eu une carrière des plus brillantes, c’est en 1935 que celle-ci débute. Khabatou signe sa première licence de footballeur dans la catégorie minime au sein du Stade Algérien de Belcourt. Il y restera trois années et s’est vu faire un surclassement puisqu’il jouera en équipe première alors qu’il n’avait que 17 ans. Le petit a de la classe, il est épatant, plein de talent, Khabatou va recevoir les éloges de tous, supporters, entraîneurs et dirigeants. Il contribuera grandement au sacre de son équipe qui décroche en 1938 le titre tant convoité de champion d’Alger. C’est alors qu’il n’a que 18 ans que le Mouloudia Club d’Alger fait appel à lui. Aux côtés des stars de l’époque que sont les Kheloui, Albort, Firoud, Kadouris, Missoum, Branki, le jeune Khabatou se fraye un chemin et une place au soleil. Mais, coup de théâtre, alors qu’on le voyait parti pour une longue carrière au Mouloudia, voilà qu’en 1951,il quitte le club algérois pour aller signer à l’USM Blida, où il est accueilli avec les honneurs. Il en devient l’entraîneur-joueur que tout le monde apprécie et écoute. En 1956, sur ordre du FLN, l’USMB cesse toute activité, tout comme le font les autres clubs musulmans. En 1948, il se distingue de brillante manière au stage d’entraîneurs-instructeurs (3e degré) de la FFF qui se tient à Reims et qui regroupe les sommités de l’époque venues du monde entier (Heleno Herrera, Boulogne, Batteux, Leduc, Snella..). Il se classe 7e sur 153 candidats et devient une référence aux yeux des responsables de l’auguste structure française. Cette dernière le désigne à maintes reprises pour diriger les stages de Tunis, de Casablanca et de Chatel Guyon (France).
Au lendemain de l’indépendance du pays, Smaïl Khabatou a un statut de super star, un homme exceptionnel, il se voit confier les destinées de la première équipe nationale. Sa vision du football moderne, sa rigueur dans le travail et ses énormes qualités font de lui un entraîneur hors du commun. Cependant, il quitte l’équipe nationale et reprend du service au MCA, avant de faire des passages à l’USMB, l’OMR, et le WAB…
Smaïl Khabatou, qui est doté d’un pouvoir de communication hors norme et l’influence de sa grande personnalité, est un érudit du yoga qu’il a longuement pratiqué et qu’il maîtrise parfaitement pour avoir sans cesse approfondi ses connaissances en Inde et en Chine. Au sommet de sa gloire, il conduira le Mouloudia d’Alger vers les cimes du football national et continental. Ces dernières années il se faisait très rare, il fréquentait rarement les stades, mais il état resté lucide. Hier en fin de journée, la triste nouvelle était tombée. Smaïl Khabatou n’est plus. On gardera de lui le souvenir d’un homme passionné par son métier, un homme affable, un entraîneur émérite, un grand monsieur.
M. M.
Condoléances
C’est avec affliction et peine que nous avons appris le décès de Aâmi Smaïl Khabatou. En cette douloureuse circonstance, le collectif de Compétition présente ses condoléances les plus attristées à la famille du défunt et l’assure de sa profonde sympathie. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.
Kalem : «C’est une encyclopédie qui se ferme »
« C’est avec une grande tristesse que j’ai appris sa mort. Il m’a entraîné au CRB avant qu’il parte au MCA. Avant qu’il soit mon entraîneur, il était un père pour moi. J’ai appris beaucoup de chose avec lui. Il était une encyclopédie et il connait tous sur le football. Lorsqu’il parlait c’est tout le monde qui l’écoutait et qui apprenait chaque jour de nouvelles choses avec lui. Malheureusement, des personnes pareilles, ils ont été toujours marginalisés dans notre pays. Il aurait pu apporter beaucoup de chose à l’équipe nationale et à la fédération, mais malheureusement, on lui a jamais fait appel. Enfin, je demande à Dieu, le tout puissant de l’accueillir dans son vaste paradis»
Drif : «Le grand George Boulogne l’appelait ‘’maître’’»
«Je suis très peiné. Un grand homme s’en est allé. Khabatou était une encyclopédie vivante. J’espère qu’il ira directement au Paradis. C’était l’un des grands formateurs dans le football français durant l’ère coloniale. Quand le grand George Boulogne rencontrait Khabatou qui était aussi son ami, il l’interpellait comme ça : Maître, comment ça va ? Il avait de la sagesse. En début d’indépendance, il y a eu le recyclage des entraîneurs. Khabatou était à la tête du projet. Ce recyclage a donné les Zouba, les frères Soukane et autres. C’était un homme mystique. Je me souviens qu’un jour on avait affronté le grand NAHD au 5-Juillet. Un des joueurs, je crois que c’était Bachta, a voulu rigoler avec Khabatou. Il est parti chez le coach en lui disant ceci : Aâmi Smaïl, j’ai fait un rêve. Ouchen, le gardien de but nahdiste est parti chez une femme à Bouzaréah qui lui a donné un grigri. Le match commence, et il y avait un lion dans sa cage. Ouchen ne laissait rien passer. A la mi-temps, Khabatou demande au garde-matériel de l’époque Hadj Kayas de prendre une bouteille d’eau et de la verser dans les bois d’Ouchen. La seconde mi-temps commence, et on gagne par 2 à 0. A l’ouverture du score, Khabatou s’est levé et a crié pour se faire entendre par Ouchen : «Va maintenant à la femme de Bouzaréah.» Il y en a beaucoup des histoires comme celle-ci. C’est un grand homme qui s’en va. Une page s’est tournée. Le MCA, c’est une grande famille.»
A.Z.
Chaâbane : «C’était le doyen des entraîneurs»
«Je suis vraiment triste par cette nouvelle qui est tombée sur nous comme une foudre. Allah yerahmou. Il a toujours répondu présent. Il n’a jamais fui ses responsabilités. Dans la matinée, on parlait de lui avec les amis. On est tous très tristes. Il a toujours répondu présent pour le Mouloudia et les milieux sportifs. »
Bencheikh : «L’Algérie n’enfantera plus jamais quelqu’un comme lui»
«Il était unique. Il adorait les jeunes. C’est lui qui a bâti l’équipe de 1976. Ce qui est dommage, c’est que tout son bagage, il l’a pris avec lui. Tous ses trésors sont partis avec lui. Là où il passait, il laissait de grands joueurs comme les Bousri, Aït Mouhoub, Oudina, Mahiouz, Zenir, Betrouni et autres. C’était le major de promo des entraîneurs européens. Quand on jouait à l’étranger, je me souviens que les entraîneurs lui demandaient des conseils. Il n’a jamais tourné le dos à qui que ce soit. C’était un gros calibre. Quand, l’un de nous était triste ou préoccupé, il trouvait le moyen de le détendre. C’était un psy. Je me souviens, après notre entraînement au 5-Juillet, il nous prenait avec lui dans sa 404 pour manger des dates et du lben à Chéraga et c’était lui qui payait. C’est un grand homme qui s’en va. On est très peiné car le Mouloudia a perdu l’un de ses grands hommes. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons. »
A.Z.
Zenir : «C’était un père pour nous»
«Je suis abattu par la nouvelle. Rabi Yerahmou. C’est lui qui nous avait lancés. Lui et Rahal. C’était un père pour nous. Il nous inculquait l’amour du foot et celui des couleurs du Mouloudia d’Alger. J’étais cadet et il m’a fait jouer avec les seniors. Avec lui, il y a beaucoup de bons souvenirs qui resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Je suis triste. Le football algérien a perdu un grand homme. Tout le monde sait que c’est un grand amoureux du beau foot. Il m’a connu en minime. Quand il m’a fait jouer, il me demandait de monter sans crainte en me disant, si on encaisse, ça ne serait pas grave. On encaisse trois buts et on marque 4. Il savait comment vous mettre à l’aise. C’est, lui qui a été derrière la découverte de grands joueurs comme : Lalmas, Selmi Djillali et d’autres. Là où il passait, il laissait de grands joueurs. Le football algérien vient de perdre un grand homme. »
A.Z.
Kerbadj : «Je suis triste»
«Je suis attristé par la mort de l’un des monuments du football algérien. Je l’ai connu du temps où il entraînait le CRB. Là où il est passé il a laissé derrière lui de grands joueurs. Au Chabab ou au MCA, il avait le flair pour détecter les talents. Il était aussi mon voisin aux Sources. C’est un homme sage, tranquille… Je suis vraiment triste que l’Algérie perde une autre lumière. J’ai une pensée pour sa famille. »