Le journaliste Abdou Benziane, décédé samedi, à l’âge de 67 ans, a été inhumé dimanche au cimetière de Sidi Yahia à Alger. Des membres du gouvernement, des personnalités politiques, des représentants des médias nationaux, des intellectuels, des proches, ainsi que les membres de la famille du défunt ont assisté à l’enterrement. Le ministre de la Communication, M. Nacer Mehal, présent à la cérémonie d’inhumation, a qualifié Abdou Benziane, plus connu sous le nom d’Abdou B., de « grand patriote, fidèle à ses idéaux et aux combats qu’il a toujours menés ». « C’est un homme d’action, un rassembleur, un mobilisateur qui a beaucoup fait pour la profession, notamment la liberté de la presse », a-t-il dit.
Il y avait foule hier au cimetière de Sidi Yahia où a été enterré Abdou Benziane. Des membres du gouvernement, des personnalités politiques, des confrères, des amis et des proches étaient présents. Ils ont tenu à l’accompagner à sa dernière demeure. L’émotion était palpable sur tous les visages. Certains n’arrivaient pas encore à réaliser qu’Abdou B. n’est plus de ce monde, que la Faucheuse l’a emporté en ce dernier jour de l’année. Qu’elle était, une nouvelle fois, au rendez-vous en ce 31 décembre de l’année 2011. Il lui fallait encore prendre des vies comme si toutes celles qu’elle a prises pendant 364 jours ne lui suffisaient pas. El adjeel. En ce jour de 1er janvier 2012, où l’on prend toutes ses résolutions pour l’année qui commence, Abdou Benziane, connu sous le nom d’Abdou B., journaliste et ancien DG de l’ENTV, a été mis sous terre. Son cœur a lâché la veille. Victime jeudi d’un malaise lors de la première journée des Assisses nationales sur le développement local, dont il avait contribué à l’organisation, il n’a pas eu la force cette fois de résister à l’arrêt cardiaque, comme il l’avait fait en 1990 date à laquelle il avait été opéré à cœur ouvert. En cette matinée de samedi 31 décembre, il a rendu l’âme à l’hôpital Mustapha où il avait été admis. La nouvelle qui a circulé dans le milieu de la presse a consterné plus d’un. Et pour cause, Abdou B. était très apprécié par ses confrères. Ses chroniques publiées dans les quotidiens la Tribune et le Quotidien d’Oran étaient attendues par les lecteurs. Mais si sa plume était d’une grande valeur, puisque ce journaliste a toujours défendu ses idées, le nom d’Abdou B. est associé à l’âge d’or de l’ENTV. Son passage à la tête de l’ENTV au début des années 1990 a coïncidé avec l’ouverture de l’antenne au débat dans le sillage du pluralisme politique instauré par la Constitution de 1989. Une aubaine qu’Abdou B. ne laissera pas passer. Il l’exploitera à merveille. De nombreux journalistes qui font aujourd’hui le bonheur de chaînes satellitaires se sont vu offrir l’occasion de démontrer l’étendue de leur talent. On citera, entre autres, l’une des présentatrices vedettes d’El Jazeera, Khadidja Bengenna. Mais elle n’est pas la seule. D’autres journalistes ont vu leur carrière prendre une nouvelle dimension. Professionnel jusqu’au bout des angles, ceux qui ont travaillé sous sa coupe à cette époque se souviennent d’un patron qui s’est imposé comme devise, celle de repousser les limites de la liberté d’expression jusqu’à l’extrême, tout en respectant les règles de la déontologie et de l’éthique. Mais le travail rédactionnel n’est pas le seul à avoir subi l’effet Abdou B. Il a aussi encouragé l’émergence de l’élément féminin. Pour lui, rappellent ceux qui étaient à ses côtés, seule la compétence compte. C’est ainsi que durant sa gestion, des femmes ont été promues à des postes de responsabilité. D’autres se sont vu ouvrir des spécialités que l’on réservait aux hommes. Des femmes ont été ainsi formées aux métiers de caméraman et de monteuse. Mais c’est incontestablement sa gestion de l’information qui aura marqué les Algériens. A ce jour, la liberté de ton des émissions animées par Mourad Chebine est citée comme référence. «Il a cassé les tabous», déclare une ancienne cadre de la télévision, aujourd’hui à la retraite. Mme F. G. dit : “Sa porte était toujours ouverte. Il était très proche des petites catégories. Des années après son départ, les travailleurs continuent à l’appeler Si Abdou ou el maâlem. Pour eux, c’est incontestablement un grand patron.” Elle se souvient aussi que «durant les années du terrorisme, il a refusé d’habiter au Club des Pins. Il a installé un lit de camp dans son bureau. Il disait : “Je ne me mets pas en danger, mais je ne mets pas ceux qui m’accompagnent en danger non plus.”» Mme F. G. se rappelle également de lui comme d’un homme qui a toujours défendu ses collaborateurs auxquels il demandait, en contrepartie, de s’investir totalement dans leur travail. «C’était une belle personne dans la vie comme dans le travail. C’était la même personne. Il était entier.» Un hommage que la profession partage avec cette ancienne cadre de l’ENTV. Il s’en est allé un 31 décembre, à la veille d’une nouvelle année, sans pour autant réaliser ce rêve, qu’il faisait partager à travers ses chroniques, de voir l’ouverture du champ audiovisuel en Algérie devenir une réalité…
Nadia k.
Un frère plus qu’un confrère
Le cœur, cet inestimable trophée de l’être, joue parfois de sales tours. Et que Dieu maudisse donc cette mort qui frappe souvent à tort… Mais Abdou, lui, est plus fort que la Faucheuse. Lui qui l’a tant défiée et jusqu’au dernier souffle. Avant qu’elle ne le terrasse comme tout commun des mortels. Même si lui n’était pas tout à fait un commun des mortels…
Lorsque j’ai débarqué dans la profession, je connaissais déjà feu Abdou B. de réputation. Tant je me délectais de ses chroniques au sein du prestigieux et non moins défunt hebdomadaire Algérie Actualités, ou A. A. pour les intimes. Avant la grande rencontre au sein de la rédaction de l’autre défunt hebdo : Révolution africaine plus communément appelé, Révaf. Et il y avait plutôt du beau monde et du talent : outre Abdou, j’ai eu également l’insigne honneur de côtoyer les Zemzoum, Souissi, Mouny Berrah et autre Ameyar, excusez du peu… Ensuite et toujours à Révaf, je me suis retrouvé, suprême bonheur, sous la houlette du disparu. Jamais un mot déplacé, jamais de propos désobligeants, que du respect mutuel. Il était de ceux capables de se fendre d’une chronique et plutôt bien torchée, s’il vous plaît, en deux temps, trois mesures. Et cerise sur le gâteau, dans cette profession si décriée tant à tort qu’à raison au demeurant, je partageais aussi quelque part son versant noceur et épicurien… Rupture brutale et longue parenthèse ponctuées par sa nomination à la tête de l’ENTV. Ce qui lui coûtera un infarctus. Mais il en fallait un peu plus pour terrasser ce Chaoui bon chic bon genre et homme de convictions. En tout cas, il aura été jusqu’au bout de lui-même et des grandes ambitions qu’il avait pour l’audiovisuel et en ouvrant de réelles perspectives à des jeunes talents, à l’image de Mourad Chebine. Auparavant, il aura fait des pieds et des mains pour imposer sa fameuse revue les Deux écrans. Homme de grand cœur et de raison, feu Abdou, éprouvé sur le tard par toutes ces épreuves de… feu, rebondira dans la presse écrite où il illuminera, chaque semaine, de ses chroniques féroces et tendres à la fois, les colonnes du Quotidien d’Oran et de la Tribune. Faire sur le tard un bref passage dans la revue de son ami Bachir Rezzoug et se ranger enfin, si l’on ose dire, dans une boîte publique. Sans se renier pour autant. Mais lorsque la pompe s’essouffle et lâche, même les hommes au long souffle redeviennent des êtres bassement mortels. Quelle perte tout de même et pour le pays et pour la corporation orphelins subitement de l’un de leur plus beau fleuron ! Repose donc en paix, cher et illustre confrère, toi qui as tant donné.
Amar Zentar
Le ministre de la Communication rend hommage au défunt
“La famille de la presse vient de perdre l’un de ses premiers bâtisseurs”
Le ministre de la Communication, M. Nacer Mehal, a rendu hommage au défunt Abdou Benziane, plus connu sous le nom d’Abdou B., qui a mené un combat au quotidien « dans la lignée d’une Algérie plurielle et démocratique ». Dans un message de condoléances adressé à la famille d’Abdou Benziane, décédé samedi suite à un malaise cardiaque, le ministre a indiqué que le défunt « talentueux journaliste et dirigeant mobilisateur, défenseur des causes justes et avocat de la liberté d’expression, ne s’est jamais départi d’une posture patriotique pour inscrire son combat au quotidien dans la lignée d’une Algérie plurielle et démocratique ». « La famille de la presse vient de perdre l’un des ses premiers bâtisseurs en la personne d’Abdou Benziane qui a consacré une vie entière à la défense de la profession et à ses valeurs essentielles », a ajouté le ministre de la Communication dans le message. M. Mehal a indiqué que le défunt « a laissé le souvenir du confrère fidèle en amitié et du père de famille affectueux et exemplaire », soulignant qu’ »en ces moments pénibles pour tous mais résigné devant la volonté d’Allah, je m’incline en hommage à la mémoire de cet homme de rectitude qui a marqué les deux générations de la presse nationale depuis le recouvrement de l’indépendance ». Le ministre a également rendu hommage »avec respect », au défunt, pour « son engagement et son militantisme », en adressant à sa famille, ses condoléances attristées et ses sentiments de solidarité et de vive sympathie.
Bio express
Un journaliste audacieux
Le journaliste Abdou Benziane, plus connu sous le nom d’Abdou B., est décédé samedi matin au CHU Mustapaha (Alger) suite à un malaise cardiaque, a-t-on appris auprès de ses proches. Né le 12 aôut 1944 à Barika (Batna), Abdou B. est l’un des diplômés de la première promotion de l’Institut national de journalisme d’Alger dans les années soixante. Abdou Benziane qui a fait ses premiers pas de journaliste à la revue El Djeich a dirigé dans les années 1980, en tant que rédacteur en chef, la revue Les 2 écrans, un périodique consacré au cinéma et à la télévision. Il a par ailleurs travaillé à l’hebdomadaire Révolution africaine. Abdou B. a été nommé à deux reprises directeur général de l ‘ ENTV (1990-1991) et (1993-1994). En 2003, Il a été chargé du dossier de l’audiovisuel, lors de la manifestation Année de l’Algérie en France. Il a d’autre part occupé le poste de consultant auprès du Conseil national économique et social (CNES) lors des assises nationales sur le développement local.
Journaliste audacieux prônant la liberté, Benziane a collaboré dans de nombreux journaux nationaux, particulièrement la Tribune et le Quotidien d’Oran, où il était chroniqueur. En 1991, M. Benziane a subi une opération à cœur ouvert. Abdou B., qui laisse derrière lui trois enfants, a été enterré hier au cimetière de Sidi Yahia (Alger).