Décès de Mustapha Zitouni, héros de l’Equipe du FLN

Décès de Mustapha Zitouni, héros de l’Equipe du FLN

Le football algérien a perdu un ses grands symboles historiques. Mustapha Zitouni, libéro emblématique de la glorieuse Equipe du FLN, s’est éteint dans la nuit de samedi à dimanche à Nice, où il est établi depuis plusieurs années. Malade depuis plusieurs années, se déplaçant difficilement, il n’avait pu se rendre en Algérie où il aurait souhaité terminer ses jours au milieu des siens.

Il relègue le capitaine de la France sur le banc, mais renonce au Mondial pour défendre l’Algérie combattante

Zitouni n’était pas un défenseur anonyme, comme le sont la majorité des joueurs évoluant à ce poste plutôt discret. Il s’était imposé de façon telle à l’AS Monaco durant la saison 1957-1958 qu’il avait été pris en sélection de France. Mieux : il avait relégué sur le banc des remplaçants le capitaine des Bleus, Robert Jonquet, joueur de la fameuse équipe du Stade de Reims qui écrasait tout sur son passage. Il était devenu, en quelques matches, titulaire indiscutable avec la France et devait participer à la Coupe du monde 1958 qui s’était déroulée en Suède. C’est que, répondant à l’appel du devoir, il prit une décision patriotique historique : renoncer au Mondial (comme l’a fait aussi Rachid Mekhloufi) pour rejoindre l’Equipe du FLN afin de faire entendre, sur les terrains de football, la voix de l’Algérie combattante, renonçant ainsi à une brillante carrière internationale.

Retour en Algérie

à l’indépendance comme entraîneur-joueur du RCK

Ce travail militant l’a vu participer à des dizaines de matches avec l’Equipe du FLN contre des sélections et équipes de pays frères et amis. A l’indépendance, il avait presque

34 ans, donc pratiquement fini pour une suite de carrière en Europe, mais il a mis son talent et ses connaissances au service du football algérien en devenant entraîneur-joueur du RC Kouba tout en jouant encore quelques matches avec la sélection de l’Algérie indépendante. C’était un juste retour aux sources puisque Zitouni, né à Alger le 19 octobre 1928, a débuté sa carrière en Algérie, plus précisément à l’OM Saint-Eugène. Avec le club koubéen, il a disputé une finale de Coupe d’Algérie, perdue face au CR Belcourt. Depuis sa retraite comme footballeur, il s’est fait très discret, refusant les feux de la rampe.

Le Ballon d’Or des années 60 lui a été attribué symboliquement

Lors de la cérémonie du Ballon d’Or algérien 2013, il avait été lauréat, au même titre que Rachid Mekhloufi et Ahcene Lalmas, d’un titre symbolique : le Ballon d’Or des années 60. Malheureusement, sa maladie l’avait empêché d’être à Alger pour se faire remettre le prix. Cette distinction démontre à quel point il avait marqué, de son incontestable talent, la génération de son époque. Même les footballeurs français octogénaires et septuagénaires encore en vie reconnaissent sa valeur, souvent tue en France comme un sujet tabou.

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Mekhloufi : «Pour l’Algérie, il avait même décliné une offre du Real Madrid»

Rachid Mekhloufi connaît très bien Mustapha Zitouni. Non seulement ils ont joué ensemble au sein de l’Equipe du FLN, mais ils avaient même été internationaux français, et titulaires par-dessus le marché. D’ailleurs, ils allaient disputer ensemble la Coupe du monde 1958 en Suède lorsqu’ils ont reçu l’appel du FLN et ont tout quitté pour rejoindre clandestinement la Tunisie. «L’Algérie a perdu un monument. C’était un grand joueur, l’un des meilleurs défenseurs de tous les temps, mais aussi un homme au grand cœur, aussi discret dans la vie qu’il était efficace sur les terrains», nous a-t-il déclaré hier.

«Parce qu’il avait muselé Di Stefano, Santiago Bernabeu

lui avait offert un chèque en blanc»

L’ancien meneur de jeu de l’AS Saint-Etienne retient deux choses de son ancien compagnon de lutte : «Pour l’Algérie, il avait renoncé à une Coupe du monde où il allait être titulaire avec la France et avait même décliné une offre du Real Madrid.» Et d’expliquer : «A la fin du match France – Espagne (2-2, disputé le 13 mars 1958 au Parc des Princes, à Paris, ndlr), le président à l’époque du Real Madrid, Santiago Bernabeu, s’était présenté à lui à la sortie des vestiaires et lui avait proposé un chèque en blanc pour rejoindre le Real. Contre l’Espagne, il avait complètement étouffé Alfredo Di Stefano, meilleur attaquant au monde à l’époque, et le patron du Real a estimé qu’un défenseur qui réussit à museler son meilleur joueur mérite de jouer pour son équipe. Zitouni a refusé, préférant défendre la cause de l’Algérie combattante. Voilà un vrai geste patriotique.»

«Eusebio a vu son corps  exposé à la Luz et un deuil de 3 jours décrété à sa mémoire, quant à Zitouni…»

Dans un témoignage fait il y a quelques mois, Ammar Rouaï avait raconté que Di Stefani en personne avait approché Zitouni pour tenter de le convaincre de venir au Real Madrid «jouer dans la meilleure équipe au monde», comme il le lui répétait. «Ne vous en faites pas, je vais bientôt jouer dans la meilleure équipe au monde», s’était-il contenté de répondre, allusion à l’équipe de son pays, l’Algérie. Mekhloufi regrette une chose : le manque de reconnaissance nationale à l’égard des footballeurs ayant servi le pays de manière désintéressée. «Le Portugais Eusebio est mort également dans la nuit de samedi à dimanche, comme Zitouni, mais lui a vu son corps exposé cet après-midi (hier, ndlr) au stade de la Luz de Lisbonne et un deuil national de 3 jours décrété à sa mémoire. Quant à Zitouni… Wal fahem yefham (vous m’avez compris, ndlr).»