Décès de Abdelkader Djeghloul, conseiller à la présidence : Savoir raison scientifique garder

Décès de Abdelkader Djeghloul, conseiller à la présidence : Savoir raison scientifique garder
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S’il est resté méconnu au niveau du public, Abdelkader Djeghloul n’en incarne pas moins la toute-puissance de l’intellectuel brillant qui a su rester au plus près des soubresauts qui agitaient sa société.

Il est mort, ce jeudi, à 64 ans. Il était demeuré discret jusqu’à l’ultime instant de sa vie. Il avait toutefois frôlé le lynchage médiatique lorsqu’il dut passer à la télévision algérienne pour exprimer son opinion sur les événements dont la Kabylie était la proie durant le printemps noir de 2001.

C’est la seule fois, à ma connaissance, où notre personnage devait passer sous les feux de la rampe en sa qualité de membre de la commission d’enquête sur les événements de Kabylie présidée par Issad.

On ne comprenait pas les propos de l’invité de l’ENTV qui se permettait d’émettre alors des critiques à l’égard des révoltés.

A chaud, on se souvient qu’il avait livré une analyse où il y incluait le critère de la mondialisation pour tirer la leçon de l’insurrection kabyle. L’homme réfléchissait en historien et en sociologue mu par le souci de remettre les pièces du puzzle dans un ordre structuré à l’échelle internationale.

Le souvenir d’une discussion avec lui me revient. On était en 2001, quelques jours à peine avant le déclenchement du tragique printemps. Abdelkader Djeghloul était venu à l’hôtel Aurassi pour animer une conférence traitant de la mondialisation. La discussion bifurqua sur la question de la berbérité de l’Algérie lorsqu’ on lui fait remarquer qu’il portait un nom amazigh, «Djeghloul» voulant dire «Escargot».

On ne pouvait trouver meilleure occasion pour une longue interview tant l’homme faisait preuve d’une faconde intarissable. Il évoqua alors sa mère qui parlait berbère et son Ouarsenis natal.

Il insistait sur l’importance d’officialiser la langue amazighe dans le cadre de l’Etat unitaire.

A ses yeux, deux langues méritaient d’être institutionnalisées, le moghrebi (la langue maghrébine généralement désignée par le mot «daridja») et le tamazight. «La koinè maghrébine est une réalité, en parlant algérien, on est compris partout dans le Maghreb, au Maroc, en Tunisie et en Libye, mais dès que vous foulez les pieds sur le territoire égyptien, on ne vous comprend plus» disait-il. Il avait pour Oran une affection particulière. C’est d’abord là où il a fait les premiers pas de sa carrière en y lançant le CRIDISH (Centre de recherche et d’information documentaire en sciences sociales et humaines).

Il est l’auteur d’analyses très éclairantes sur la réalité de la culture et de la société algérienne. Sa préface au «Miroir. Aperçu historique et statistique sur la Régence d’Alger» de Hamdane Khodja, premier Algérien à avoir écrit sur la colonisation, dénote d’un esprit d’une grande pénétration.

Son encyclopédisme du reste s’en ressent à la lecture de ses «Eléments d’histoire culturelle algérienne».

Il avait compris que l’Algérien ne pourrait s’accomplir que dans sa réalité anthropologique loin des principes dogmatiques professés par certains illuminés qui veulent régenter le monde par la force. Disons-le, Abdelkader Djeghloul faisait partie de cette trempe d’intellectuels qui, à l’image de Mostefa Lacheraf, savait raison scientifique garder.

Par : LARBI GRAÏNE