Décapitation judiciaire du management de Sonatrach

Décapitation judiciaire du management de Sonatrach

Le placement sous contrôle judiciaire du PDG de la Sonatrach, l’arrestation de deux de ses enfants ainsi que celles de trois vice-présidents (sur quatre) de la compagnie pétrolière nationale n’est pas un événement anodin. L’évènement fait même l’effet d’une bombe.

Sonatrach est le cœur de l’organisation économique du pays et de ses relations économiques internationales. Apprendre que le management de l’élément central – pour ne pas dire unique de génération de revenus externes est frappé de suspicion de malversations est totalement consternant.

Les très nombreux environ 1.600 depuis une dizaine d’années – marchés de gré à gré ont semble-t-il été le vecteur d’enrichissement illicite et de moyen de constituer des réseaux de corruption impliquant des cadres bancaires reversés dans l’affairisme.

L’ensemble des techniques frauduleuses, sur et sous facturation notamment, aurait été utilisé avec une prédilection, c’est la méthode la plus ancienne, pour la passation de contrats avec des bureaux d’études.

Cette pratique avait été très largement mise en œuvre dans les années soixante-dix par certaines sociétés nationales qui pouvaient transférer des montants substantiels pour des «études» inutiles, inexistantes ou dénuées de toute pertinence.

Le système de commissionnement et de rétro-commissionnement mis en place à l’époque s’est, selon les spécialistes, considérablement consolidé avec la vogue des pratiques dérogatoires à la réglementation inaugurée à la suite du tremblement de terre d’El-Asnam.

Il fallait reconstruire très rapidement et pour ce faire, on avait jugé plus efficace à l’époque de faire fi de la réglementation des changes et des règles de passation des marchés publics.

Une entreprise qui ne rend compte qu’à sa hiérarchie

Avec les contrats passés avec les bureaux d’études, les marchés de gré à gré, censés faire gagner du temps pour des opérations ponctuelles et de montants réduits, sont l’un des différents moyens de détournement de fonds publics.

Les premiers éléments de ce qu’il faut bien appeler le scandale de Sonatrach montrent déjà que l’absence de contrôle institutionnel et technique a certainement permis l’installation d’un climat propice aux malversations.

La première entreprise publique du pays, l’entité qui gère la rente stratégique et qui procure la totalité de ses moyens financiers à la République, n’est l’objet d’aucune supervision ni de la part de l’Assemblée nationale ni d’aucune institution.

Une entreprise d’une nature éminemment sensible qui ne rend de compte qu’à sa hiérarchie administrative a tendance naturellement à développer une opacité tout à fait préjudiciable à sa réputation et à celle du pays.

Cette tendance est renforcée par le fait que les capacités de contrôle des tutelles administratives sont limitées par des moyens de toutes les façons inférieurs à ceux de Sonatrach.

La compagnie pétrolière publique échappe également au contrôle du ministère des Finances, ce qui est proprement inconcevable s’agissant de la première structure économique du pays.

Les quelques tentatives de soumettre la compagnie nationale à une supervision du ministère des Finances, à l’instar de ce qui se passe partout à travers le monde, ont systématiquement avorté.

C’est peut-être l’occasion de remettre l’ouvrage sur le métier et d’appréhender de manière renouvelée l’importance de la supervision institutionnelle et technique de la principale entreprise publique algérienne.

Suspicion tenace

Le contrôle, outre sa légitime fonction juridique et administrative, possède d’évidentes dimensions sociales et super structurelles.

L’Etat de droit ardemment souhaité par tous y trouverait une expression concrète en levant, au moins partiellement, les suspicions tenaces qui pèsent sur ceux qui exercent des responsabilités. Le problème de la corruption n’a pas de solutions policières.

La police intervient a posteriori et en constatant les dégâts, identifie des responsables ponctuels qui sont présentés à la justice. Pour nécessaire qu’elle soit, l’action des services de police ne peut pas être suffisante.

La création d’une atmosphère assainie et la création des conditions d’un minimum salutaire de transparence impose la supervision permanente, la publication de comptes clairs et d’informations sur la gestion de Sonatrach.

Cela n’est nullement incompatible avec les aspects de confidentialité qui caractérisent un secteur complexe. Sans contrôle digne de ce nom, comment attendre que la structure économique nationale la plus importante, dégagée de toute obligation de reddition de comptes, soit à l’abri de dérives délinquantes ?

M. Saadoune