Un groupe djihadiste lié à Daesh (acronyme en arabe de l’Etat islamique), a revendiqué mercredi la décapitation de l’otage Hervé Gourdel, enlevé dimanche en Algérie. Roland Jacquard, président de l’Observatoire international du terrorisme, répond aux questions de metronews sur cette exécution.
Malheureusement, l’affaire était presque écrite à l’avance. Le délai était excessivement court alors que d’habitude, toutes les organisations terroristes laissent beaucoup plus de temps. On l’a vu avec les négociations pour la libération des otages français prisonniers d’Aqmi (NDLR : Al-Qaïda au Maghreb islamique), qui ont duré des mois. Là, c’était vraiment un ultimatum. C’est le signe que cette organisation est différente des autres.
En quoi ?
Elle veut être très réactive et utilise Twitter, les réseaux sociaux, comme une caisse de résonance internationale. Ce n’est pas par hasard s’ils ont choisi de publier la vidéo lors du débat à l’Assemblée sur l’intervention en Irak : ils sont excessivement bien informés. Cette organisation a besoin de commettre de tels actes de barbarie car cela lui permet de recruter. Depuis les précédentes décapitations et le début des bombardements en Irak, ils ont attiré probablement 2.500 nouveaux djihadistes en Syrie ou ailleurs, selon les services de renseignement. Même en France, tout le monde pensait que la loi antiterroriste et la surveillance d’Internet allaient refroidir un certain nombre de partisans de l’Etat islamique. Au contraire, il y a eu de plus en plus de mouvements sur les sites favorables à cette organisation terroriste.

Faut-il craindre d’autres actions de ce type ?
Malheureusement oui. Présent dans à peu près 85 pays aujourd’hui, l’EI est extrêmement déterminé et dispose de moyens importants.
Les Français sont-ils des cibles particulières ?
Aujourd’hui, ils sont ce que les Américains appellent des « soft target » (NDLR : cibles faciles), parce que les zones où ils voyagent, où ils se déplacent pour leurs affaires, sont souvent dans des endroits où ce groupe est installé. Les Américains sont plus difficiles à kidnapper aujourd’hui, donc pour l’instant les terroristes se tournent vers la France. Mais il est probable qu’à un moment, ils feront des prises d’otages de plus grande envergure avec différentes nationalités.
Quels sont les pays où les ressortissants français sont les plus menacés ?
Les pays d’Afrique du Nord et d’Afrique noire. Dans toutes les zones touristiques et toutes celles où des hommes d’affaires se rendent, en Afrique ou au Moyen-Orient, et même dans un pays comme le Liban où l’EI est désormais présente, il y a de vrais risques.
Ce sont à chaque fois des petits groupes qui font allégeance à l’EIL, comme Jund al-Khilafa en Algérie ?
Ce sont effectivement des petits groupes, et c’est cela qui fait leur dangerosité. Avec l’émulation créée par l’EI, qui demande à ces groupes de prouver qu’ils sont capables de faire partie du califat, ils vont multiplier les opérations de ce genre. Il est même à craindre qu’il y ait une autre surenchère avec Al-Qaida historique d’Ayman al-Zawahiri, qui continue à manipuler des groupes comme Al-Nosra en Syrie ou Aqmi en Algérie. Ils vont être obligés, pour affirmer leur autorité et ne pas être complètement dépassés par l’Etat islamique, de commettre des attentats. On est dans une période de surenchère très dangereuse.
Y a-t-il aussi des risques d’attentats sur le territoire national ?
Pour l’instant, la grande dangerosité provient surtout d’individus isolés, qui ont pu soit aller sur place et revenir sans être détectés par les services antiterroristes, soit s’autoradicaliser sur les réseaux sociaux. Malheureusement, on n’est pas à l’abri d’actes isolés.