Début des plaidoiries au procès el Khalifa bank, Le bal des robes noires à la barre

Début des plaidoiries au procès el Khalifa bank, Le bal des robes noires à la barre

Le procès tire à sa fin

L’expression «se faire désigner du doigt» aura pris toute sa dimension. Et pour cause, à chaque intervention des avocats de la partie civile.

Cette 28eme journée du procès d’El Khalifa Bank aura été la plus longue selon les présents. Et pour cause, elle a été entièrement consacrée aux plaidoiries des avocats constitués partie civile. Ils se sont succédés à la barre à un rythme accéléré. Ce qui a permis au juge Antar d’entendre plus d’une vingtaine de plaidoiries.

Ainsi, Mouna Hiza, avocate constituée partie civile pour le compte de l’Opgi de Chlef, declare un montant de 200 millions de dinars, déposé par cet organisme à El Khalifa Bank, à un taux d’intérêt de 10%. Elle précise que malgré les tentatives de récupération de cet avoir auprès du liquidateur, la situation est restée inchangée jusqu’à aujourd’hui. Le même cas sera évoqué par l’avocate Chenoune Nouara, pour le compte de l’Opgi de Boumerdès. Un montant de 954 millions de dinars avait été deposé à la Khalifa Bank, sans en récupérer un dinar. Elle précisera que ces montants ont servi au principal accusé et à ses proches pour se permettre une vie de prince. Elle ajoutera que ce groupe de malfaiteurs avait sciemment dilapidé les biens des entreprises publiques et ceux des particuliers pour vivre dans le faste et le luxe.

Pour sa part, Me Fein Mohamed, constitué», partie civile pour le compte de l’Algérienne des eaux fera état d’un dépôt de 200 millions de dinars à un taux de 9,5%, supporté par une convention signée avec El Khalifa Bank, il ajoutera pour étayer son plaidoyer, que le secteur de l’eau est un domaine stratégique en Algérie, et que cette opération de dépôt de fonds à El Khalifa Bank, devait être bénéfique pour le secteur, n’était-ce la malhonnêteté des dirigeants de cette banque. De son côté Me Maâtaoui Mohamed, constitué partie civile pour le compte de l’Opgi de Aïn Defla, s’est fortement indigné sur le comportement malsain des responsables de cette banque, avant d’annoncer le montant de 200 millions de dinars de dépôts à terme. Il avouera que malgré la convention qui les liait à EL Khalifa Bank, cet argent est définitivement perdu.

A ce stade du procès et devant l’éloquence des avocats de la partie civile, il semblerait que l’expression «se faire désigner du doigt» aura pris toute sa dimension. Et pour cause, à chaque intervention, les avocats s’empressent de montrer le box des accusés, au moment d’évoquer l’abus de confiance, l’association de malfaiteurs, la falsification et le vol caractérisé.

Sur ce ton, Me Moussa Derham, constitué partie civile pour le compte de l’Opgi de Khenchela, reprochera dès le début de son intervention, au liquidateur de n’avoir donné aucune suite à sa demande d’enregistrement d’une dette de 250 millions de dinars auprès d’El Khalifa Bank. Il précise que ce montant constitue un reste à récupérer d’un montant initial de l’ordre de 370 millions de dinars.

Les 566 millions de DA de l’Opgi de Bouira

Arrive à la barre au terme de la matinée, Me Aniba Abdelkrim constitué partie civile pour l’Entreprise portuaire d’Oran. Celle-ci avait effectué un dépôt de 600 millions de dinars auprès de El Khalifa Bank. Pour démontrer la gravité de cette affaire, Me Aniba, débutera son plaidoyer pour expliquer que les dirigeants de cette banque avaient délibérément affiché des taux élevés sur les placements, pour drainer les avoirs de toutes les entreprises publiques, et savaient pertinemment que celles-ci n’allaient non seulement pas toucher des intérêts, mais allaient également perdre leurs capitaux. Il finira par déplorer le fait que cette entreprise n’avait récupéré aucun centime, et se trouve actuellement dans des difficultés financières énormes. Sur la même lancée, l’avocat de l’Opgi Bouira parlera d’un mouvement confié à El Khalifa Bank de 566 millions de dinars, pour lesquels, aucun intérêt n’a été perçu, et la récupération des capitaux est toujours suspendue au niveau du liquidateur. Lui succédant à la barre, Me Youcef Belouh constitué partie civile pour la compte de l’Entreprise nationale des ciments de Chlef, s’est lancé dans un long plaidoyer, à travers lequel il dénoncera l’importance de la criminalité en Algérie, le laxisme du gouvernement, et l’absence de peines lourdes pour les crimes, qui portent atteinte à l’intégrité du pays. Dans son élan, il ne manquera pas d’évoquer des versets coraniques, ou des bribes de poésie pour étayer des propos, avant d’être sommé par le juge Antar de passer au coeur du sujet. Il finira par annoncer le montant de 138 millions de dinars pour lesquels deux chèques de El Khalifa Bank, ont été établis pour la récupération de l’intégralité de la somme déposée, sauf que le liquidateur avait rejeté cette demande.

L’Institut de cartographie aussi?

Le bal des robes noires se poursuit au tribunal de Blida, par l’arrivée à la barre de l’avocate Youcefi Djamila, pour le compte de l’Opgi de Sétif, qui, d’emblée, fustige les occupants du banc des accusés, par une rafale d’adjectifs hautement péjoratifs, elle explique que ces malfaiteurs avaient poussé l’outrecuidance jusqu’à établir trois factures pour une seule dépense, et que cela faisait partie de leur gestion quotidienne. Elle fera finalement état d’un dépôt de l’ordre de 742 millions de dinars, à El Khalifa Bank, et précisera, comme ses prédécesseurs, que cet argent n’avait jamais connu le chemin du retour. Pour leur part, Me Ouchiche Linda et Me Dahleb Souhila, respectivement constitués partie civile pour la mutuelle de la Dgsn, et l’Opgi de Bordj Bou Arréridj, déclareront également des sommes astronomiques confiées à El Khalifa Bank. Pour la première il s’agit de 257 millions, de dinars tandis que pour la seconde, un montant de 180 millions de dinars. Les deux entreprises n’ont jamais réussi à en retirer ne serait-ce qu’une partie de ces dépôts, et ce en dépit de toutes les actions entreprises auprès de la direction de la banque, d’abord, puis auprès du liquidateur, par la suite.

A la reprise des interventions des avocats de la partie civile, le juge Antar accueille à la barre Me Bachi Thouria, constitué partie civile pour l’Institut de cartographie et de télédétection, affilié à l’ANP. Elle fera part d’une dette de 250 millions de dinars auprès de El Khalifa Bank, et axera son intervention par un commentaire, dans lequel elle fustige le groupe Khalifa, et finira par dire: «Je m’en remettrai aux décisions du procureur général, il est le seul à pouvoir défendre les intérêts des victimes dans cette affaire.»

Sur ce rythme, les avocats de toutes les entreprises publiques victimes dans cette affaire, ont confirmé leur constitution comme partie civile, et assurent présenter en temps voulu un dossier de fond auprès du tribunal. Et ce en vue de récupérer les montants importants qui restent en souffrance au niveau du liquidateur.

Par ailleurs, il est à signaler, que l’avocat de la Banque d’Algérie avait introduit au début de cette journée, une requête auprès du juge Antar, pour l’autoriser à poser quatre questions à l’accusé Abdelmoumène Khalifa. Après délibération, le juge Antar signifiera un refus à cette requête, avec l’argument que cette dernière était irrecevable dans le fond. Les questions portaient sur l’aspect délibéré de El Khalifa Bank à transmettre de fausses informations à la Banque d’Algérie, sur la chronologie et les retards de ces notifications, sur la véracité de ces informations, et sur l’absence de rapports et d’états mensuels que cette banque était censée transmettre régulièrement à la Banque d’Algérie

D’un autre côté, au terme de cette journée, qui s’est avérée être un avant-goût des plaidoiries qui vont se poursuivre après le réquisitoire du procureur général prévu pour aujourd’hui, il est fortement perceptible dans les coulisses du tribunal, que ce dernier confirmera la peine qu’il avait réclamée au terme du premier procès, à savoir l’emprisonnement à perpétuité.