Les Egyptiens ont afflué en grand nombre, hier, vers les urnes au titre de la première journée des élections législatives post-Moubarak. Des élections maintenues par les autorités égyptiennes en dépit du regain des violences à la place Tahrir, qui ont fait plus de 40 morts et plusieurs blessés après plus d’une semaine de manifestations populaires réclamant le départ des militaires du pouvoir.
Les quelque 40 millions d’électeurs égyptiens doivent élire 498 députés de l’Assemblée du peuple, en plus des 10 autres membres qui seront nommés par le chef de l’armée, chef d’Etat de fait, le maréchal Hussein Tantaoui.
Le futur Parlement sera chargé de nommer une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution, une étape décisive dans la transition du pays vers la démocratie promise après le soulèvement, en attendant la prochaine élection présidentielle prévue en juin 2012, suite à l’engagement du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le pays depuis l’éviction du «Raïs», en février dernier, de céder le pouvoir aux civils. Ainsi, le système électoral complexe prévoit un découpage du pays en trois régions votant successivement.
Concernant le mode de scrutin, un tiers des sièges de l’Assemblée du peuple seront pourvus via un scrutin uninominal à deux tours, les deux tiers restants étant attribués à des listes élues à la proportionnelle. La première journée du scrutin concernera le Caire, Alexandrie, deuxième ville du pays, ainsi que des gouvernorats comme Louxor (Haute-Egypte).
Le vote pour l’Assemblée du peuple (chambre des députés) se déroulera ainsi jusqu’au 11 janvier, puis sera suivi du 29 janvier au 11 mars par l’élection de la Choura, la chambre haute consultative. La chambre basse duParlement sera le premier organe élu au niveau national depuis la chute de Moubarak, un fait qui, à lui seul, pourrait lui permettre d’entamer le monopole du pouvoir des militaires.
Le général Mamdouh Chahine, membre du CSFA, a, néanmoins, déclaré que la nouvelle Assemblée n’aurait pas le pouvoir de destituer un gouvernement nommé par le Conseil. Mais cette affirmation a été contredite par Kamal Ganzouri, Premier ministre, pourtant nommé par l’armée, à la tête d’un gouvernement de « salut national », vendredi dernier, en remplacement d’Essam Charaf.
Ganzouri, déjà rejeté par les manifestants de Tahrir en raison de son âge (78 ans) et de son passé d’ancien Premier ministre de Hosni Moubarak entre 1996 et 1999, n’a pas exclu, dimanche soir, qu’une majorité parlementaire soit à même de former un nouveau gouvernement. Les militaires avaient, d’abord, envisagé qu’une fois élue la chambre haute en mars, le Parlement choisirait une Assemblée constituante de 100 membres chargée d’élaborer une loi fondamentale soumise à référendum, avant la tenue d’une présidentielle.
LES FRÈRES MUSULMANS SE FROTTENT LES MAINS !
Ragaillardis par l’avancée spectaculaire de la vague verte post-révolutionnaire dans plusieurs pays arabes, les Frères musulmans d’Egypte ambitionnent de ratisser large lors des élections législatives qui ont débuté hier. Le succès des islamistes dans l’Assemblée constitutive tunisienne et lors des législatives au Maroc, en attendant la Libye, les islamistes d’Egypte se frottent d’ores et déjà les mains.
Les Frères musulmans et d’autres partis islamistes, qui abordent le scrutin avec de fortes espérances, se sont démarqués des dernières manifestations, rappelons-le. Donc, il est difficile de savoir si l’électorat les sanctionnera pour cette raison ou si l’organisation et la discipline des Frères musulmans permettront à leur parti nouvellement formé, Liberté et Justice, de triompher sur la myriade de groupes et de candidats indépendants qui se présentent (environ 50 formations politiques).
Compte tenu de la complexité du processus électoral, du nombre de partis apparus depuis la chute de Moubarak et du caractère novateur de ces élections dans un pays où les scrutins étaient, jusque-là, verrouillés, tout pronostic est particulièrement audacieux. Les analystes jugent, cependant, qu’aucun parti ne sera en mesure d’obtenir une majorité claire.
Ils s’attendent à ce que le camp islamiste totalise un score de l’ordre de 40% des voix et les libéraux un tiers. Par ailleurs, certaines personnalités politiques, rescapées après la chute du régime de Mourabak, tentent de se redéployer sur la scène en participant aux législatives dans des listes indépendantes ou sous d’autres bannières politiques.
De son côté, l’opposant Mohamed El-Baradei, qui se prévaut du soutien des manifestants de la place Tahrir hostiles aux militaires, s’est dit prêt à renoncer à ses ambitions présidentielles pour diriger un gouvernement de salut national, mais « à condition que le gouvernement soit doté de toutes les prérogatives pour gérer la période de transition, rétablir la sécurité, relancer l’économie et réaliser les objectifs de la révolution égyptienne », précise un communiqué du bureau de campagne de l’ancien chef de l’AIEA.
UN GAZODUC ATTAQUÉ À LA BOMBE AU SINAÏ
Des hommes armés ont attaqué à la bombe, dans la nuit de dimanche à lundi, un gazoduc à El Arich, dans la péninsule du Sinaï (Egypte), a indiqué une source sécuritaire. Ce gazoduc, situé à 20 km à l’ouest d’El Arich, chef-lieu du Nord-Sinaï, est une plaque tournante des exportations de gaz naturel égyptien vers Israël et la Jordanie.
Une colonne de fumées de 20 mètres de haut était visible de loin. Cette 9e attaque à la bombe contre le gazoduc d’El Arich, depuis février dernier, a eu lieu alors que les Egyptiens s’apprêtent à voter pour les élections législatives jugées historiques.
Mokrane Chebbine