Cela fait 30 ans que nous sommes sorti de l’économie socialiste , et que nous avons enfourché un autre modèle ( je lui cherche toujours un nom !) qui devait nous industrialiser et substituer à notre économie rentière, une économie stable, solide, et exportatrice de biens et de services hors hydrocarbures ; le résultat de cette course enthousiasmante et néanmoins amorphe est un échec patent, mais à chaque fois qu’une crise se profile, j’entends des ténors de notre pays s’adonner à des recommandations pour le moins surprenantes, qui ont pourtant déjà démontré leurs inutilité et leur inconsistance.
Nous avons eu belles promesses depuis 50 ans, mais au final, rien ou presque rien n’a été obtenu, excepté ces formidables actifs réalisés ces dernières années, à coups de milliards de dollars, grâce une politique subtile d’allocation de ressources dans des projets durables, et disons le profitables aux algériens qui ont tant souffert du manque d’infrastructures, de logements décents, d’eau et de tant d’autres choses pourtant accessibles dans des pays bien moins lotis que le nôtre.
« Ce n’est pas l’impossible qui désespère le plus, mais le possible non atteint », disait rober Mallet.
Mais ce n’est pas au personnel politique que j’en voudrai le plus, mais à tous ceux économistes et experts qui sont censés les conseiller.
Jugeons-en ! De l’industrie industrialisante à la restructuration des entreprises publiques, jusqu’à l’ouverture tous azimuts, et les incessants retours en arrière, avec ces privatisations, fort onéreuses, corrigés, par une renationalisation encore plus onéreuse, quelques années plus tard, nous avons gagné quoi ? Rien, et ce diagnostic d’échec lamentable, nous interpelle tous, et nous devons en tirer à tout jamais les leçons.
Après avoir lu les contributions de MR Benachenhou et de Mr Mebtoul, tous deux professeurs émérites en économie, je ne peux qu’être frustré, que le débat consiste pour l’un à prévenir du danger d’un retour à l’endettement, vu l’inexorable boomerang que représentera le service de la dette ( rien que nous ne sachions déjà, même si un chat échaudé craint l’eau froide) et pour l’autre de recourir à des techniques de gestion rigoristes d’un endettement maitrisé en profitant de l’aubaine des taux extrêmement bas sur le marché financier international, (en oubliant que la spéculation à laquelle nous participerions inconsciemment sans doute avec d’autres pays , conduirait plus vite qu’attendu, à une hausse vertigineuse des taux. Il est classique en effet d’emprunter à taux fixe et de placer à taux variables, mais ces deux positions perçues au départ comme sans risque aboutissent, lorsqu’elles sont inconsidérément combinés, au piège d’une exposition très sensible d’une hausse des taux). S’engager dans ces conditions dans une politique d’endettement, nous conduirait soit à continuer dans cette voie désastreuse, faute d’alternative, ou à rompre brutalement, pour se retrouver à la case départ.
Mais bon, ceci est mon humble avis, que ne partagerons peut être pas bon nombre de mes compatriotes. Mais le vrai débat, doit aborder à mon sens, la question de la rente pétrolière dont on abuse sans discontinuer, de cette addiction terrible, presque incurable, qui a plombé notre passé et qui plombe déjà notre avenir immédiat, et sans doute notre devenir.
Le travail crée la valeur, (cela est dans toutes les théories économiques), et en cela, nous Algériens, peuple si intelligent, nous l’appliquons bien ailleurs, mais on se garde étrangement de l’appliquer chez nous, ou alors très peu !
J’affirme, moi, économiste lambda, sans auréole, que le salut de l’algérie, ne viendra d’aucune recette importée, ni d’une quelconque méthode de gestion, qui n’éradiquerait pas la nonchalance ancrée dans nos gènes, la paresse, et la jouissance d’un bien trop longtemps abusé. Car si le salut pouvait venir de toutes ces voies que nous explorons depuis 50 ans, cela se saurait et se verrait déjà. Pour paraphraser BENCHENHOU, je constate que nous nous arrêtons de penser et de réfléchir, dès que le prix du baril grimpe…
Aussi, je crois fermement que pour sortir de cette impasse, qui se rappelle sans cesse à nous, il faudra s’imposer une autre voie, autre que la tentation de l’endettement et autre que le recours précipité ou réfléchi ( comme le propose Mebtoul) à un endettement rationnel. Je propose donc un moratoire, une suspension volontaire de nos exportations de pétrole et de gaz , pendant 20 ou 30 ans, voire plus, afin que nous expérimentions la seule voie d’enrichissement possible qui est la production de biens et de services par notre seul travail, et définitivement libérées des miracles de l’or noir….
Travailler c’est le fond qui manque le moins disait le laboureur à ses enfants, dans la fable de LA FONTAINE. C’est exactement cette fable qu’il nous faut méditer.
Les malins diront qu’il n’y a aucun mal à user de l’or noir au service du développement, mais quel est ce développement qui ne garantit pas notre pain quotidien et celui de nos gosses, lorsque la crise survient !
Ces mêmes malins dédaignerons ces naïves propositions, et préférerons user du vieux dicton, (fais-moi vivre aujourd’hui, et tue moi demain !), mais en croyant couper court, et en empruntant une route en apparence facile et sûre, ils ne voient jamais le trou béant qui nous surprend toujours dans un virage inattendu, et qui finira par engloutir à jamais nos rêves de développement et de progrès.
Attention, je ne prône pas l’autarcie, ni une économie à l’arrêt, ou en panne, faute de pièces de rechanges et de matières premières, mais un recours à toutes sortes de techniques de mobilisation de ressources à l’international, en remplacement de celles que ne procureront pas de façon pérenne nos exportations d’or noir, bref une économie mixte, ou le gagnant-gagnant serait le seul crédo, à coups de montage financiers dans lequel, ceux qui ont de l’expérience et disons-le clairement une avance technologique sur nous, viendrait s’associer avec nous, chez nous ; c’est déjà le cas me diriez-vous, et bien continuons dans cette seule voie , et amplifions la chose, cessons pour de bon de lorgner sur cette ressource épuisable qui a déjà épuisé trois générations d’algériens à ne rien faire de leurs mains et de leurs cerveaux, et à trop compter sur ceux des autres .
Que ces entités technologiques étrangères, créatrices de valeurs sur notre sol, viennent pratiquer chez nous, mais sans toucher à notre pétrole, ni à notre gaz, qui ne seront plus usités qu’aux seuls besoins en énergie, destinés aux industries naissantes, futurs générateurs de devises. La solution est là : une rupture totale et radicale avec l’économie rentière ( un vieux songe algérien) , quitte à ce que nous en souffrions pendant 20 ans, et de revenir enfin à une économie réelle, celle qui nourrit son homme, afin que les enfants de ce pays apprennent à compter sur eux-mêmes.
Avec mes respectueuses salutations à messieurs Benachenhou et à Mebtoul.
BELGHERBI BACHIR