Comme son aîné Zerhouni, Bedoui fait face à une situation inédite, dans un contexte social et économique difficile.
Entre les premières législatives pluralistes du premier mandat présidentiel et celles de 2017, beaucoup de chemin a été parcouru par l’administration et la classe politique. Le rendez-vous de 2002, organisé par Noureddine Zerhouni, homme de confiance du président de la République et ministre de l’Intérieur, aura été celui du retour effectif à la légalité républicaine, après le «ratage» de 1997, que l’ensemble de la classe politique avait critiqué. La mission du ministre qui consistait à donner du sens à la volonté de redressement de l’édifice institutionnel national, n’était pas de tout repos. L’échéance pour compliquée qu’elle fut à l’époque reposait sur un Code électoral, une nouvelle loi sur les partis politiques, qui ne faisait pas l’unanimité dans les rangs d’une opposition bouillonnante, en raison d’une actualité politique dramatique.
Il y a lieu de rappeler qu’à l’époque, le printemps noir battait son plein avec ses dizaines de victimes parmi les manifestants. Une situation qui a conduit au divorce entre une formation politique qui avait soutenu le programme du président de la République et un gouvernement quelque peu affaibli par l’ampleur de la protesta. On se souvient qu’à l’époque, l’Algérie était en plein dans la mise en oeuvre de la Concorde civile et au plan économique, l’argent du pétrole ne coulait pas encore à flots. En 2002, l’Algérie était un pays blessé par les séquelles d’une décennie de terrorisme, assommée par des manifestations de jeunes en Kabylie et encore coincé économiquement par une faible disponibilité financière.
Le ministre de l’Intérieur était face à une équation compliquée, qu’il fallait régler en l’espace de quelques mois seulement. Fortement critiqué sur sa première réaction à l’assassinat du premier martyr du printemps noir, Zerhouni n’avait pas bonne presse. Ce qui n’est pas pour arranger les choses pour un gouvernement qui devait réussir son premier rendez-vous électoral.
Les législatives de 2002 ont été certainement l’exercice le plus difficile du premier mandat présidentiel. Cela au plan organisationnel, concernant le volet politique, du rendez-vous électoral, il a laissé un goût d’inachevé dans l’opinion nationale, au travers du boycott de certaines formations politiques, mais également de l’annulation de beaucoup de listes de candidatures par l’administration, pressée, sans doute par un impératif d’équilibre qu’il fallait respecter. La «loi des quotas» s’est, dit-on, imposée à tous.
Les partis représentés à l’Assemblée populaire nationale n’ont pas trop commenté les accusations de l’opposition, mais le ministre Noureddine Zerhouni a brandi, tel un trophée, le taux de participation qui a dépassé les 40%. Un signe de retour de confiance entre les électeurs et les institutions élues de la République, avait expliqué le ministre. Il reste que cette élection était également historique par l’absence de représentation de la Kabylie dans le Parlement. Le ministre n’a pas réussi à organiser le scrutin dans cette région du pays, à l’époque réfractaire à tout ce qui venait de l’administration centrale. A 15 ans de distance, l’Algérie prépare le même rendez-vous électoral. Les époques ne sont pas les mêmes, les ministres également. Noureddine Bedoui a fait toute sa carrière dans l’administration. Il n’a pas de passé politique et trop jeune pour avoir un passé révolutionnaire. C’est un cadre de l’Algérie indépendante qui a une lecture prioritairement dépolitisée de sa fonction.
Il s’est attelé à moderniser l’administration, travaillé pour plus d’efficacité et a piloté le nouveau découpage administratif qui a débouché sur de nouvelles wilayas déléguées dans le Sud et les Hauts-Plateaux. Son profil de technocrate a permis de soustraire toute charge politique au département qu’il dirige. Seulement voilà, il lui revient d’organiser les élections et celles qui arrivent à grands pas, interviennent dans un contexte particulier. Elles seront les premières à se tenir sous la nouvelle Constitution, avec des nouvelles lois de procédure électorale et des partis politiques. Comme son aîné Zerhouni, Bedoui est face à une situation inédite, dans un contexte économique difficile.
Nonobstant le problème de la protesta qui n’existe plus en 2017, les deux rendez-vous électoraux ont ceci de comparable: ils constituent en soi un défi pour les ministres de l’Intérieur. Il reste que Nouredine Bedoui repose son action sur de nouveaux textes législatifs bien plus équilibrés donnant un rôle autrement plus déterminant à l’institution judiciaire. En fait, Bedoui part sur un préjugé déjà positif, en raison de la participation de toute la classe politique aux prochaines législatives, à la seule exception du parti de Ali Benflis. Leur tenue étant garantie, contrairement à l’épisode de 2002, il reste à Bedoui de confirmer la volonté de transparence de l’administration. Son principal challenge: des élections honnêtes et transparentes. Une promesse faite en 1991 par un chef de gouvernement pour des législatives qui ont débouché sur la tragédie des années 1990.