Il y a mille et une façons de vivre une compétition. Si l’ambition paraît prendre le dessus sur tout, il reste que la conception, ou si l’on veut l’approche, diffère en fonction de la philosophie prônée.
Ngomane, le sélectionneur de l’Afrique du Sud, lui, en est un prosélyte du vivre au jour le jour, comme il a tenu à nous l’expliquer, dimanche dernier, en conférence de presse. «Chaque jour passé ici est un pur bonheur. Je leur dis de le vivre intensément sans se soucier de ce que sera fait demain», nous disait-il. Cette approche donnait comme un air de singularité à ce personnage, censé vivre sous pression au quotidien, lui dont l’avenir dépend exclusivement des résultats. Et lorsqu’on est l’un des favoris en puissance au titre, l’on doit bien sentir la pression.
Peinard, Ngomane vit ce CHAN tel qu’il vient et cette sérénité mal dissimulée s’est déteinte sur le moral des joueurs qui semblent vivre en parfaite harmonie les uns avec les autres. C’est du moins l’idée qu’on s’était fait des Bafana Bafana que nous sommes allés rencontrer, un peu à l’improviste, au VIP Palace de Khartoum où ils logent durant ce CHAN en cette fin de matinée de mercredi. Un «saut» que nous avons osé, car ne sachant pas vraiment quel accueil nous allait-on nous réserver et on se serait pas aventuré à les traiter de mauvais hôtes, ces Sud-Africains, s’ils avaient décidé de ne pas nous recevoir.
«Hello man, what are you doing here !»

Les douze coups de midi ont retenti depuis déjà un moment. Dehors, le soleil chauffe, la chaleur refuse de s’affaisser. Une charmante demoiselle nous accueille à la réception avec un sourire qui décrispe encore plus nos traits. Elle nous demande de nous installer confortablement dans le salon VIP, décoré avec goût, le temps que la délégation descende. A peine avait-on le temps de nous détendre sur le mousseux fauteuil en cuir noir que Jacob Makhasi, le gardien de but et capitaine des Bafana Bafana, pointe du nez. Il sourit ! «Hello man, what are you doing here !», nous lança-t-il nous sans un large sourire, a priori pas du tout froissé par notre présence. Avec lui, le courant passe facilement, un peu grâce à une première impression positive que nous lui avons laissée dimanche en conférence de presse.
Jacob appelle Gary et tout est conclu !
La pointe de gêne que l’on pouvait ressentir d’être venu comme ça à l’improviste taper aux portes des Bafana Bafana s’est vite dissipée par la grâce du sourire accueillant du gardien de but qui nous avait promis de tout régler avec le manager du club. «Mettez-vous à l’aise, le manager va vous organiser quelque chose», rassure-t-il. Première tentative du téléphone de l’hôtel, en vain. Il décide alors de l’appeler sur son portable. Quelque cinq minutes plus tard, Gary, un homme aux longues tresses, un peu à la Yannick Noah, fait son apparition. «Welcome ! Welcome ! Im Gary !», se présentait-il non sans chercher à connaître l’objet de notre venue. Il a quelque peu fait la moue pour ne pas l’avoir averti, mais il a vite changer de ton, après qu’on eut promis de ne pas s’y éterniser. A cette heure-là, tout le monde était descendu pour le déjeuner.
Prières et liturgie avant le déjeuner
Les quelque premiers arrivés ont déjà pris place devant l’écran plasma qui orne l’autre bout du salon VIP, sans doute attirés par «The Score», un beau film de Robert De Niro et Edward Norton que diffusait MBC Action. Ça papotait très bas. Tout le monde patientait là, le temps que les rejoignent les autres pour… prier. Oui, les Bafana Bafana prient tous ensemble, avant d’aller manger. Ils remercient Dieu, nous a-t-on expliqué, pour ce pain béni qu’ils allaient partager. Moment solennel que notre présence indiscrète n’a pourtant pas empêché d’avoir lieu. A peine une minute et ça y est ! Bheki Shabangu, le fameux avant-centre sud-africain, qui donne bien des insomnies à Abdelhak Benchikha, revient s’asseoir à côté de nous, après avoir pris congé de nous, le temps de faire sa «prière». L’on devine que Gary l’a bien briefé à son retour pour ne pas verser dans des déclarations provocantes, ni de dévoiler ses cartes. Peu importe, d’autant qu’on n’allait pas lui demander de nous faire un dessin sur la manière avec laquelle ils comptent jouer.
Richard Devilliers, seul blanc du groupe
Comme son nom l’indique, Richard Devilliers est le seul blanc de l’équipe. L’immense gardien de but, qui culmine à plus d’un 1,97 m, fait office d’amalgame entre noirs et blancs, dans un pays où les blancs sont épris de rugby, tantdis que les noirs ont préféré le foot. C’est un peu l’exception qui confirme la règle, comme c’est d’ailleurs le cas chez les A où il est très rare de voir plus de deux, trois blancs dans l’équipe, plus par talent qu’autre chose, cela s’entend. On le leur avait promis, on n’allait pas s’y éterniser et on a tenu parole. Gary, le manager, n’a pas omis de nous inviter pour assister à la séance d’entraînement du lendemain, si notre souhait de rencontrer le sélectionneur Ngomane tenait toujours. Au revoir et merci !
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Shabangu : «Sur le papier, on est les favoris !»
Bheki Shabangu est l’homme providentiel de cette équipe sud-africaine. C’est le joueur par qui l’étincelle jaillit. Sa frêle silhouette de gringalet pourrait bien tromper des appréciations, car derrière, se cache un redoutable pivot, capable de frapper dans toutes les positions. C’est son nom que Benchikha a coché sur son petit bout de papier lors du dernier Afrique du Sud-Zimbabwe. Ça risque de cogner fort. Laïfaoui est averti !
Comment le groupe prépare-t-il son quart de finale face à l’Algérie ?
Bien ! Bien ! On s’était mis depuis avant-hier à travailler sur ça. Le coach a mis en place un programme de travail que nous sommes en train d’appliquer. Il fallait d’abord faire le break par rapport au premier tour. Nous avons essayé de souffler un peu, de faire le vide si vous voulez. Là, le groupe est d’attaque pour le prochain match qu’on prépare tranquillement.
Il y a comme un semblant de sérénité ou si vous voulez de tranquillité chez vous ; est-ce à dire que la pression du match ne se fait pas encore ressentir ?
Non, ce n’est pas ça. La pression est permanente. L’enjeu est quand même de taille, ce qui fait que la pression est… comment l’expliquer, est là, de fait, quoi. On vit avec. On la ressent chaque jour. Mais on essaye de relativiser aussi. On ne va pas faire comme si c’était une question de vie ou de mort, non plus ! (Rires.) On gère ça tranquillement.
Votre coach nous déclarait l’autre jour qu’il vous demandait de ne pas trop vivre crispés par l’enjeu et qu’il fallait vivre au jour le jour ; est-ce là tout l’effet de cette approche ?
Oui. Il ne nous met jamais la pression… du moins pas plus qu’il en faut. On sait tous pourquoi on est là. On bosse pour le même objectif. Il n’y a aucun joueur qui vous dira qu’il ne veut pas remporter le titre. Après, tout est question de philosophie, comme vous disiez. Chacun la vit à sa manière. Nous en tous les cas, on conçoit les choses ainsi.
Mais il y a quand même un objectif au bout, un but à atteindre, non ?
Bien sûr ! On sait tous, comme je le disais, pourquoi on est là. On veut réaliser quelque chose.
Comme gagner le titre ?
On l’espère. (I hope !)
Pour ça, il va falloir passer l’écueil de l’Algérie ; quelle impression vous a-t-elle laissée ?
Nothing ! (Aucune, ndlr)
Comment ça, vous ne savez rien de votre adversaire !
Non, rien.
Vous n’avez pas vu ses matchs ?
Non, aucun…
Pourquoi ? Vous pensez que ce n’est pas très important d’avoir une idée sur l’adversaire ?
Non, j’ai pas dit ça. C’est juste que le staff technique a déjà recueilli suffisamment d’infos sur l’adversaire. On va peut-être aussi regarder des séquences de leurs matchs. Je dis peut être… Ceci pour dire qu’il y a un coach qui fait le boulot. Nous, on reste à l’écoute.
Quel est, selon vous, sur le papier bien sûr, le favori à l’avant-veille de ce match ?
C’est difficile à dire. Je pourrai vous dire l’Afsud ! après, c’est du 50/50 sans doute. Nous avons une bonne équipe. Franchement, je n’ai pas encore vu de matchs de l’Algérie, mais on m’a dit qu’ils ont une bonne équipe. De toute façon, à ce stade de la compétition, toutes les équipes se valent.
Vous êtes le buteur attitré de cette équipe ; comptez-vous récidiver face à l’Algérie ?
Je compte bien marquer au moins deux buts.
Ah bon ?
Oui…
Vous en êtes capable ?
Vous verrez …Vous verrez. (Rires)
L’Algérie n’a encaissé que deux buts lors du premier tour ; cela peut-il constituer un signe de solidité ?
Bien sûr… Cela prouve qu’ils sont aussi solides derrière. C’est un bon challenge pour nous. Franchement, c’est un match assez difficile. On pourra toujours dire ce qu’on veut, mais une fois dedans tout peut basculer sur un détail.
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Mabena de retour
Absent lors du dernier match face au Zimbabwe, car blessé, le milieu défensif Siphiwe Mabena est de retour. Le joueur qui souffrait d’une blessure au genou semble s’être complètement rétabli. Preuve en est, il s’entraîne depuis lundi avec le groupe. Bien que sa participation au match face à l’Algérie n’ait pas été confirmée, il n’en demeure pas moins que le staff technique dit pouvoir compter sur lui.
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Biquotidien hier
Les Bafana Bafana revenaient de l’entraînement lorsque nous sommes allés leur rendre visite au VIP Palace de Khartoum. Le groupe s’était adonné à une légère séance axée exclusivement sur le réveil musculaire. La veillle, les Sud-Africains se sont entraînés au stade Al Inghaz à l’heure du match.
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Ngomane n’était pas là
Le sélectionneur sud-africain, Simon Ngomane, n’était pas là lorsque nous sommes allés à la rencontre des Bafana Bafana. Le groupe avait déjeuné sans son entraîneur qui a été retenu par une affaire dont on n’a pas voulu nous divulguer la nature. Compréhensible.