Face à la fois au défi interne d’élargissement de ses réserves nationales d’hydrocarbures, largement entamées, et de mutations rapides dans la scène énergétique mondiale, il est opportun de s’interroger sur les ajustements que devrait apporter l’Algérie à sa stratégie énergétique. Il m’apparaît qu’elles devraient être déclinées sur tous les fronts : institutionnels et réglementaires, opérationnels et commerciaux.
Le changement annoncé de la loi sur les hydrocarbures va dans ce sens. Première objectif de la révision : reconquérir la confiance de grands pétroliers internationaux pour élargir non seulement les réserves d’hydrocarbures conventionnels mais aussi d’aller vers la mise en valeur des gaz de schistes disponibles en quantité significatives et l’off shore. Tout le monde sait que, pour les sociétés pétrolières et même les autres, le manque de stabilité juridique induit un effet repoussoir plus grand que celui par exemple des problèmes de sécurité.
Ainsi si l’effet de la taxe sur les profits exceptionnels (TPE) n’est pas rétroactif, il n’en reste pas moins que cette dernière est applicable sur les contrats conclus antérieurement, qui étaient expressément régis par la loi précédente 86-14. Un compromis raisonnable est à trouver sur ce terrain car il serait un signal fort de stabilité et de recherche d’équilibre des intérêts émis en direction de la communauté pétrolière internationale.
Deuxième piste de réforme de la loi sur les hydrocarbures : améliorer la compétitivité de l’offre de recherche et de production d‘autant que l’on veut inviter les associés à aller aussi si vers la recherche et la production d’hydrocarbures non conventionnels. A cet effet le dispositif fiscal devrait être à la fois simplifié et ajusté à la concurrence internationale en Afrique et dans le monde arabe. Troisième piste : la rationalisation opérationnelle du modèle de consommation énergétique. D’abord à travers le réexamen du prix du gaz naturel offert aux industries hautement consommatrices (engrais, ammoniac, pétrochimie, acier, ciment) qui devrait être mieux régulé pour éviter les gaspillages et les transferts inappropriés de rente.
Pour les coups déjà partis il s’agit là aussi de trouver des compromis acceptables dans une stratégie de coopération de long terme.
Dernière remarque sur cet aspect : la structure des prix relatifs des carburants est à remodeler lorsque l’on constate la faiblesse de consommation du GPL disponible et propre et à l’inverse la surconsommation de gasoil plus polluant et surtout importé en grande partie. Ensuite dans la sphère commerciale internationale les menaces renvoient à la fois aux parts de marché et la structure des prix du gaz naturel et du gaz naturel liquéfié (GNL). Des signaux sont envoyés de plusieurs sources (AIE, think tanks énergétiques, groupes énergétiques européens) sur le deuxième sujet.
Décryptés ils suggèrent, d’une part ,de quitter la sphère des contrats à long terme au profit des marchés spots et d’autre part de revisiter la formule d’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole pour ne pas dire sa désindexation totale, sans d’ailleurs rien proposer à la place.
La réponse donnée à Doha, lors de la réunion du Forum des pays exportateurs de gaz a été sans équivoque : maintien de l’indexation et des contrats à long terme. Cependant il ne faudrait pas s’assoupir car la crise des dettes souveraines des pays européens, la fragilité politique vécue dans le monde arabe, et dans ce cadre les prochaines négociations pour le renouvellement de nos contrats de vente à long terme, sont autant de facteurs qui vont nous replacer dans cette problématique nouvelle. Il convient de s’y préparer sérieusement en anticipant toutes les options. Enfin, quoiqu’on dise pour nous rassurer, nos parts de marché sont menacés en Europe. Un exemple seulement celui du marché belge.
Tout le monde se souvient que le terminal de GNL de Zeebrugge (Belgique) avait été construit pour regazeifier le GNL algérien provenant du complexe GNL2 d’Arzew. Le contrat de long terme, arrivé à échéance, n’avait pas été renouvelé et le Qatar a pris notre place en consentant des prix plus bas. Le gazoduc North Stream reliant la Russie à l’Allemagne vient d’être mis en service.
Même si la bulle gazière européenne, produite à partir d’un marché américain désormais autosuffisant, est entrain de s’estomper la compétition sera rude.
Sur tous ces fronts des réponses gagnantes devront être apportées. Nonobstant la mise en oeuvre progressive du programme audacieux des énergies renouvelables, l’année 2012 devrait être une année décisive pour des ajustements féconds de la stratégie énergétique en matière d’hydrocarbures. Il faut espérer que les changements politiques qui s’opéreront au cours de la même année y contribueront par ailleurs.
M. M.
(*) Expert international