Après la cascade des scandales financiers, l’Etat se ressaisit et décide de créer un office central de lutte contre la corruption.
L’ordonnance de la loi de finances complémentaire 2010 (LFC), adoptée mercredi dernier, a lancé le coup d’envoi de cet organisme qui assumera, désormais, la mission d’enquêter et de constater les infractions de corruption. Il sera constitué d’officiers de la police judiciaire avec une compétence étendue au territoire national.
Une copie du défunt Office national de répression du banditisme (ONRB), créé au début des années 1990 et dissous, au milieu des années 2000, à la suite d’implication de certains de ses cadres dans des affaires scabreuses.
C’est d’ailleurs ce même office qui a eu à traiter de nombreux dossiers liés à la criminalité financière et dont certains ont défrayé la chronique, avant que sa dissolution ne soit décidée par feu Ali Tounsi, le patron de la Sûreté nationale.
Pour l’instant, rien n’indique que le tout nouveau Centre de répression de la corruption (CRC) soit dépendant uniquement de la police, du fait que l’ordonnance portant sa création précise qu’il sera composé d’officiers de la police judiciaire, sans pour autant faire référence à un des trois corps, gendarmerie, police, Département du renseignement de sécurité (DRS), qui ont cette qualité.
Il est pour l’instant inopportun d’anticiper sur ses capacités à résoudre l’endémique maladie de la corruption qui gangrène les institutions publiques et privées de l’Etat. Les expériences précédentes d’organismes chargés de la lutte contre ce fléau ont toutes montré leur incapacité à assumer leur rôle pour une raison ou une autre. Les discours prometteurs des pouvoirs publics et toutes les mesures prises pour juguler ce phénomène sont restées lettre morte.
Il est, à juste titre, important de rappeler que plus de trois ans après sa création par décret présidentiel, l’Observatoire de prévention contre la corruption n’a toujours pas vu le jour. Même si l’intention manifeste est de stopper la rapine, il n’en demeure pas moins que l’ampleur des dégâts occasionnés par les affaires de corruption a fait que l’opinion publique doute encore de la bonne volonté des pouvoirs publics, d’autant que dans tous les grands scandales qui ont fait la une de l’actualité nationale, ce sont ses représentants qui sont les premiers impliqués politiquement sans pour autant être inquiétés.
Il est tout de même étrange que l’ordonnance validée mercredi dernier instaure une obligation légale pour toute personne physique ou morale, nationale ou étrangère, soumissionnant pour l’obtention d’un marché public, de signer une déclaration de probité, par laquelle elle s’interdira de commettre ou d’accepter tout acte de corruption sous peine de s’exposer aux sanctions prévues par la loi, alors que le code pénal algérien réprime le corrupteur et le corrompu en même temps.
Mieux encore, le doute persiste également sur les nouvelles mesures contenues dans la même ordonnance relatives à l’élargissement des missions de la Cour des comptes, cet instrument judiciaire vidé de sa substance et utilisé souvent comme moyen de règlement de comptes plutôt que de contrôle des comptes.
Le nouveau texte introduit de nouvelles missions comme la prévention et la lutte contre les diverses formes de fraudes, de pratiques illégales ou illicites, portant atteinte au patrimoine et aux deniers publics mais également l’élaboration de recommandations visant au renforcement des mécanismes de protection des deniers publics et de la lutte contre la fraude et les préjudices au Trésor public ou aux intérêts des organismes publics soumis à son contrôle.
En vertu du nouveau texte, cette institution verra son champ d’action étendu au contrôle des comptes et de la gestion des entreprises dans lesquelles l’Etat détient une participation majoritaire au capital ou un pouvoir prépondérant de décision et veillera à l’existence, la pertinence et à l’effectivité des mécanismes et procédures de contrôle et d’audit interne, chargés de garantir la régularité de la gestion des ressources, la protection du patrimoine et des intérêts de l’entreprise, ainsi que la traçabilité des opérations financières, comptables et patrimoniales réalisées. Un renforcement de ses prérogatives, de ses missions et de son fonctionnement est également prévu.
En quelque sorte, des missions qui viennent en parallèle à celles dévolues à l’Inspection générale des finances (IGF), mais dont l’efficacité reste pour l’instant aléatoire vu que ses rapports (non publics) restent souvent sous le coude. Ces nombreuses mesures décidées par le Président pour lutter contre la corruption ne pourront jamais être efficaces s’il n’y a pas une volonté réelle d’éradiquer ce fléau.
Les plus importantes affaires de corruption qui ont éclaboussé les institutions de l’Etat ont eu lieu, faut-il le préciser, durant cette dernière décennie, celle où de nombreux mécanismes contre la délinquance économique ont été mis en place.
Néanmoins, sur le terrain, ils sont restés à l’état de décision, et la corruption n’a jamais été aussi grave que durant cette période. Peut-on espérer avoir enfin une réponse à la hauteur de ce fléau ? Même les plus optimistes ne risquent pas d’y croire…
Salima Tlemçani