De nombreux blessés, des domiciles et commerces incendiés,Ghardaïa : les démons du communautarisme se réveillent

De nombreux blessés, des domiciles et commerces incendiés,Ghardaïa : les démons du communautarisme se réveillent

Encore une fois, la violence intercommunautaire resurgit à Ghardaïa pour de fallacieux motifs, telle la construction d’un muret ceinturant un cimetière à Mélika, ou la tentation d’appropriation d’un terrain, objets de toutes les convoitises.

Dimanche, vers 18 heures, sur le carrefour de Merrakchi, en face du pont menant au Ksar de Mélika, des escarmouches entre citoyens des deux communautés ont pris une dangereuse tournure, dégénérant gravement. De véritables batailles rangées ont eu lieu dans les venelles de ces quartiers qui ont pratiquement dérapé pour s’étendre au quartier populaire de Théniet El-Makhzen, où plusieurs magasins ont été pillés avant d’être carrément incendiés. Au bas de l’arrêt de bus dit Café des amis, un magasin de bicyclettes a été complètement calciné par les flammes et ils ne restaient que les jantes et les rayons en métal qui n’ont pas fondu.

Au niveau de l’intersection du quartier El-Babor et le passage de gué de l’oued M’zab vers Mélika, un impressionnant déploiement des forces antiémeutes a bataillé toute la nuit avec les émeutiers qui les harcelaient avec des pierres et des cocktails Molotov. Plusieurs policiers ont été blessés dont un brûlé au bras par l’incandescence du cocktail Molotov. Plusieurs dizaines de policiers antiémeutes des Unités républicaines de sécurité de Sidi-Abbaz, dans la daïra de Bounoura, et celle de Berriane ont été dépêchés dans l’urgence pour s’interposer entre les belligérants des deux communautés qui tenaient coûte que coûte à s’affronter. Selon certaines sources, il y aurait plusieurs blessés parmi les émeutiers, mais il était impossible d’avoir le nombre exact puisque personne n’a été évacué vers les structures hospitalières de peur d’arrestations. Les affrontements, qui ont eu lieu dans plusieurs endroits, ont rendu plus difficile la tâche des forces de sécurité qui ont usé de gaz lacrymogènes pour d’abord éloigner, puis disperser les émeutiers. Toute la nuit, les explosions de grenades lacrymogènes ont retenti dans les quartiers de Mélika, de Tichrihine, de Théniet El-Makhzen et de Mérakchi. Même le petit pont faisant office de jonction entre Mélika et la ruelle au bas du Café des amis permettant à la population d’accéder au boulevard Émir-Abdelkader a été coupé par des affrontements et de jets de pierres des deux côtés. Une dizaine de colonnes de fumée, résultat de plusieurs incendies de demeures et de magasins, montait vers le ciel. La grande voie rapide qui monte de Sidi Abbaz vers la ville de Ghardaïa est coupée par les incendies de pneus, de troncs d’arbre et de palmiers découpés, de gravats et toutes sortes d’objets hétéroclites de diverses dimensions qui jonchent la chaussée sur toute sa longueur et sa largeur. Ce qui fait que même à moto, il est très difficile de slalomer pour y passer.

“Que font ces éléments des services de sécurité ? s’insurge slimane, un cadre quadragénaire. Des vandales sont en train d’incendier des magasins devant eux et ils ne bronchent même pas.” Ajoutant d’un air grave : “Est-ce que c’est ainsi que l’État est censé protéger les citoyens et leurs biens?” En fin d’après-midi, les heurts étaient encore signalés dans plusieurs quartiers de la ville, malgré l’impressionnant déploiement des forces de sécurité qui ont pris position dans tous les endroits sensibles. Lundi, soit le lendemain, la ville de Ghardaïa a été décrétée ville morte par les commerçants mozabites, qui sont les seuls à avoir été victimes de vols et d’incendie de leurs propriétés commerciales. Des dizaines d’entre eux se sont regroupés devant les grilles de la wilaya exigeant des pouvoirs publics de les protéger et de protéger leurs biens. Une délégation a été reçue par le wali de Ghardaïa, Ahmed Adli, qui s’est montré très attentif aux inquiétudes des commerçants et qui a promis de prendre toutes les mesures adéquates afin de ramener le calme. La nuit risque d’être longue au vu des déclarations de certaines parties connues dans la région qui ont insidieusement appelé les jeunes à continuer le harcèlement des forces de l’ordre auxquelles ils ont imputé l’entière responsabilité de la situation. En fin de journée, un impressionnant renfort de polices antiémeutes est arrivé à Ghardaïa en provenance de Laghouat et de Djelfa.

L. K