Des milliers d’Algériens employés dans des hôtels de luxe se révoltent contre l’exploitation et l’injustice. Durant cette semaine, on aura assisté à deux mouvements de grève enclenchés dans les principales infrastructures hôtelières du pays, à savoir Sheraton Club des pins et El Aurassi.
Le taux de suivi des débrayages renseigne sur le sentiment de colère et le ras-le-bol des employés, réduits parfois, au rang «d’esclaves», raconte un professionnel du secteur. En fait, des représentants de près de 400 travailleurs ont occupé le siège de la Centrale syndicale, hier et avant-hier, pour demander l’intervention du patron de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et contraindre la direction de l’hôtel El Aurassi à prendre langue avec le partenaire social. Ils reprochent à la direction de cette infrastructure publique de fermer la porte du dialogue et vouloir licencier des dizaines de travailleurs. A ce jour, le sort de plusieurs employés reste incertain et les responsables de l’hôtel continuent à faire la sourde oreille quant aux revendications exprimées, portant entre autres, sur leur droit à la formation, à l’augmentation des salaires et à l’exercice de leur droit syndical.
Au Sheraton d’Alger, la situation est encore plus insupportable. Des représentants des travailleurs ont été tout bonnement «mis à la porte», pour avoir osé exprimer leur intention de créer un syndicat, affilié à l’UGTA. Scandalisés par la réaction «hautaine et oppressive» de l’administration, près de 90% des 850 travailleurs de cet hôtel ont entamé une grève depuis près d’une semaine. Malgré une décision de justice déclarant cette action de protestation illégale, les travailleurs «poursuivent leur débrayage et ne comptent pas lâcher prise» indique un gréviste contacté hier. Selon lui, les apparences de luxe qu’offre ce grand hôtel cachent une misère sociale et des problèmes de toutes natures dont souffrent les travailleurs. «Le salaire de base d’une bonne partie de la masse ouvrière du Sheraton oscille entre 15 000 et 20 000 DA», s’indigne notre interlocuteur, affirmant que des pères de famille trouvent de la peine à boucler leurs fins de mois. «L’administration ne paye jamais les heures supplémentaires», ajoute-t-il. Outre El Aurassi et Sheraton, ce sont des milliers de travailleurs du secteur à se plaindre des mêmes dépassements et qui sont confrontés à des entraves similaires. L’année passée, c’était les travailleurs de l’hôtel Hilton qui étaient monté au créneau pour dénoncer l’interdiction par l’employeur de l’exercice de leur droit syndical et le harcèlement dont ils faisaient l’objet.
Contrairement à ce que pourrait croire le commun des mortels, les salaires des employés des grands hôtels ne dépassent point la rémunération d’un simple employé d’une administration publique. «Nous sommes tout le temps bien habillés, nous portons des classiques, cravates et chemises blanches bien repassées, nous sommes courtois et souriants, mais nous vivons dans la misère», raconte un gréviste du Sheraton.
Aomar Fekrache