Par Ghania Oukazi

C’est ce qu’on pourrait retenir en synthèse de la sortie médiatique que Amar Saadani a signée hier. Paradoxe des temps, des valeurs et des mœurs, c’est cet ex-secrétaire général du FLN, réputé pour ses frasques «fougueuses» ici et ailleurs, qui vient convoquer des faits pour ajuster des rôles, recadrer des situations et situer des responsabilités.
Le DRS et ses réseaux sont restés actifs
Pourtant, dans sa lettre du 11 mars dernier, le président de la République disait qu’«il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l’assise des fondations d’une nouvelle république en tant que cadre du nouveau système algérien que nous appelons de tous nos vœux.»
Si l’on remonte dans le temps récent, l’on pourrait déduire, selon Saadani, que l’ex-DRS et ses réseaux sont restés actifs même après 2015. Le FLN est dirigé, selon lui, par «un groupe de hors la loi que l’Etat profond a désigné.» Le fâcheux épisode du départ forcé de Bouhadja (ex-président de l’APN) ne serait donc qu’un coup monté par les services de Toufik et exécuté par Ouyahia. L’on pourrait alors avancer que l’affaiblissement et la destitution du clan Bouteflika sont programmés d’une manière minutieuse depuis quelques années si l’on se réfère aux nombreux soubresauts qu’a connus le pays avant et après l’éviction du DRS, le démantèlement et la restructuration des services secrets. Saadani cite l’affaire El Bouchi des 700 kg de cocaïne qui, dit-il, visait beaucoup plus la déstabilisation de l’état-major de l’ANP, proche du président.
L’amorce de la destitution du clan présidentiel
Si l’on continue les rappels, l’affaire Sonatrach l’a été plus que tout dans le démantèlement du clan présidentiel. Le 19 août 2013, l’on écrivait dans ces mêmes colonnes sous le sous-titre «relents de règlements de compte» que «depuis qu’elle a été jetée sur la place publique, l’affaire Sonatrach a été émaillée d’une multitude de non dits, d’hésitations et de grands marchandages. (…) De ce fait, elle dégage forcément de forts relents de règlements de comptes, par laquelle ceux qui l’ont constituée devaient obliger le clan présidentiel à se ressaisir et à avouer que nul n’est infaillible(…).» Ainsi déclaré, avions-nous écrit, l’acte aurait été pour concevoir, pour cette fois, «un enfant dans le dos du président de la république,», comme avancé par un haut responsable à l’époque.
Le temps de la revanche des vieux démons
Il semblait déjà, selon des responsables, que «le chef de l’Etat en avait fini avec la République mais pas avec le pouvoir.» L’on avait noté que l’affaire Chakib Khelil a failli emporter le clan présidentiel dans toute sa composante. La fin du règne de Bouteflika devait être amorcée en 2013, sur fond de «coup d’Etat à blanc».
Dans l’édition du 22 mars 2016, l’on écrivait aussi que «dans ce tumulte politico-judiciaire sans précédent, il y aurait, selon des stratèges, certainement la préparation d’un scénario pour que le président quitte la table de son plein gré. Ils rappellent qu’il a toujours prôné «un changement dans la sérénité.» A la même année, on avait avancé par ailleurs, que «bien qu’il ait défendu publiquement l’idée qu’il ne participe dans aucun plan politique, Lakhdar Brahimi est encore une fois, donné pour grand favori dans la gestion courante des affaires de l’Etat durant une période très courte de transition.
Si l’on croit Saadani, le DRS (re)prend sa revanche sur un clan avec lequel il avait coopéré pour sauvegarder des intérêts colossaux de pouvoirs et d’hégémonie. Aujourd’hui, il veut reprendre la main. La vengeance est bien ce plat qui se mange froid. L’on rappelle que Bouteflika avait pris 15 longues années pour limoger le DRS non pas parce qu’il voulait coopérer avec lui mais parce qu’il savait qu’il ne s’agissait pas uniquement de la personne de Toufik mais de tout un système de réseaux qui allaient devenir «dormants» pour être «réveillés» au moment que leurs mentors jugeraient opportun.
Saadani avait déclaré en 2016 que «la photo tweetée par Valls ne changera pas le président en Algérie et n’amènera pas un nouveau et que ceux qui rêvent d’un changement devront attendre 2019.» Le tonitruant enfant de Oued Souf, décrié par ses propres compatriotes «pour avoir spolié des petites gens», devait déjà en savoir quelque chose sur ce qui se passe aujourd’hui.