Il faut couper la tête du serpent et agir avec tous les moyens de la République pour revenir à la situation d’avant janvier 2017.
Depuis les soudaines émeutes de Béjaïa contre la loi de finances 2017, il semble que les instigateurs n’aient pas baissé les bras. Le flanc social ouvertement ciblé par les faiseurs d’émeutes est «agressé» de manière systématique ces derniers jours.
Les hausses intempestives des prix de nombreuses denrées alimentaires, la trop grande publicité faite autour de la banane auprès des consommateurs et la raréfaction d’un produit aussi stratégique que la pomme de terre, amenant au doublement de son prix, ne peut objectivement relever du hasard. Le ministre du Commerce par intérim l’a clairement souligné, hier, lorsqu’il a pointé un doigt accusateur en direction de «réseaux spécialisés dans le monopole et la spéculation». Abdelmadjid Tebboune est donc formel, les perturbations que vit le marché des fruits et légumes n’a pas de rapport direct avec le niveau de production, mais relève d’une sorte de machination qui s’est appuyée sur le gel de l’importation de la banane.
La décision du gouvernement de cesser d’approvisionner le marché local de ce fruit, a été exploitée par ces «réseaux» pour organiser la pénurie dans le sillage de la banane. Au moment où l’opinion nationale était braquée sur le prix du fruit exotique, la pomme de terre se faisait de plus en plus rare sur le marché, jusqu’à ce que son prix atteigne un niveau qu’on ne lui connaissait pas depuis près de 6 ans. Ce produit stratégique, agissant comme une locomotive de la mercuriale, a provoqué un effet domino sur l’ensemble des produits agricoles. La courgette, le navet, la carotte ont donc vu leurs prix respectifs prendre l’ascenseur du jour au lendemain, oscillant respectivement entre 120 et 200 DA.
L’inflation n’a pas duré quelques jours, mais semble s’inscrire dans la durée. Les budgets des ménages sont soumis à rude épreuve. Les citoyens qui, il n’y a pas si longtemps, dépensaient en moyenne 4000 DA hebdomadairement pour leurs besoins en nourriture, voient ce chiffre doubler en l’espace de quelques jours. La hausse est tellement subite qu’elle en devient choquante pour les familles algériennes.
Celles-ci s’en trouvent piégées par un salaire qui ne remplit plus sa fonction. Le désenchantement marque le pas sur l’espoir d’un retour des prix à leur niveau normal. Ce glissement inflationniste arrivera à son apogée avec le début du mois de Ramadhan. La situation deviendra intenable. Les Algériens seront poussés dans leurs derniers retranchements. La société n’aura d’autre voie que celle de la protestation violente pour se faire entendre des pouvoirs publics. Une explosion sociale pourrait intervenir au beau milieu du mois sacré ou juste après. Ce scénario est vraisemblable et pris au sérieux par les experts des mouvements sociaux.
On n’est donc pas là dans un mécanisme commercial anodin, mais vraisemblablement dans une entreprise de sape du moral de la classe moyenne algérienne. Le gouvernement qui multiplie les annonces d’un retour à une situation maîtrisable donne l’impression de courir dans tous les sens, sans une véritable stratégie pour contrer les tireurs de ficelles. Le ministre du Commerce par intérim est missionné pour gérer les effets, qu’on dit momentanés et d’autres membres de l’Exécutif censés apporter un précieux concours au règlement de la situation ne sont même pas sollicités. Nos ministres sont passifs face à ce qui pourrait constituer un précédent dans l’histoire immédiate du pays.
Il faut dire, à ce propos, que si la hausse des prix est le résultat d’une spéculation à grande échelle, la réponse de l’Exécutif doit être à la hauteur de la tentative de déstabilisation. Les départements de l’agriculture, de l’intérieur et de la justice sont tout aussi interpellés pour agir contre les «réseaux» qui veulent créer une situation exceptionnelle, jusqu’à pousser le peuple à la révolte. Ce schéma n’est pas nouveau. S’il n’a pas fonctionné en janvier dernier, c’était parce que les conditions n’étaient pas réunis.
On se souvient des émeutes de janvier 2011 ou encore des fameuses émeutes du pain qui ont endeuillé la Tunisie au début des années 1980. Les ingrédients de l’explosion sociale sont réunis un à un par les «réseaux» qui ne semblent pas avoir peur des menaces proférées par le ministre du Commerce par intérim à leur encontre. La raison tient du fait que Abdelmadjid Tebboune ne leur oppose que les moyens de son ministère.
Or, pour mettre un terme à la tentative de sédition qui se construit patiemment, la justice, l’intérieur, l’agriculture et le commerce, doivent coordonner leurs actions pour mettre un terme à ce climat de tension qui semble s’épaissir à mesure que les prix des produits de large consommation augmentent sans raison valable. La coordination de ces ministères devraient être dans des actions de tous les jours. Les spéculateurs doivent être arrêtés, jugés et condamnés à des peines exemplaires. Il faut couper la tête du serpent. Il faut agir avec tous les moyens de la République pour revenir à une situation d’avant janvier 2017. L’échec des émeutiers de Béjaïa n’était pas une fin en soi.