Juste après le diner mercredi soir suite à l’incroyable qualification à Khartoum, Rabah Saâdane en compagnie de son entraîneur adjoint Zouhir Djelloul nous ont fait le privilège de choisir notre journal en nous accordant une longue interview. Saâdane avec tantôt l’intervention de Zouhir sont revenus sur les péripéties vécues et ce de Coverciano avec le nombre impressionnant de blessés jusqu’au Caire où le traumatisme était énorme.
Le sélectionneur national a aussi raconté le match de mercredi et l’exploit qu’ont réussit ses poulains estimant qu’avant cette rencontre barrage il avait la certitude que l’Algérie allait décrocher son billet pour le mondial.
D’aileurs à la findu match de samedi dernier, et comme nous l’avions rapporté, il nous avait affirmé : « on les aura au Soudan ». Chose faite et Sâadane est devene désormais une vraie légende vivante en Algérie.
Tout d’abord, parlons du premier match de l’Egypte, et dites-nous sincèrement, avez-vous appréhendé, ne serait-ce que peu, l’accueil qui vous a été réservé et préparé le groupe par rapport à cela ?
Avant de parler du match en lui-même, je veux revenir sur le stage de l’Italie pour dire que la situation au sein de l’équipe était catastrophique. Les 8, 9, 10 et 11, on avait un effectif très réduit. Depuis que je suis à la tête de cette équipe, nous n’avons jamais eu autant de blessés. Imaginez-vous, huit blessés parmi les titulaires avec un Bougherra qui s’est entraîné à peine 15 minutes la veille de notre départ, et Antar 10 minutes seulement. C’est pour vous dire la complexité de la tâche en se posant la question qui on va bien pouvoir aligner samedi…
Vous voulez dire donc que deux jours avant le match, vous n’aviez pas une idée sur le onze rentrant ?
Et bien, non. Je dirai même plus, le mercredi soir, on n’avait pas encore une équipe capable de jouer la rencontre, et le pire est arrivé encore par la suite…
Justement, en tant que sélectionneur, comment avez-vous vécu l’incident ?
Il faut savoir que l’accueil à l’aéroport du Caire était bon. En fait, ils nous ont bien endormis, et lors des deux minutes du trajet qui nous séparaient de l’hôtel, il y a eu la catastrophe. Cette dernière a causé un traumatisme général au niveau de toute la délégation, et croyez-moi, nous étions tous choqués. Donc, ajouter à tous ces blessés, nous avions deux autres titulaires aussi, à savoir Halliche et Lemouchia. Donc, la problématique était encore plus grande, d’autant plus que nous étions à 48 heures du match.
Qu’est-ce que vous vous êtes dit à ce moment-là ?
– Et bien, nous étions sous le choc. Nous avons essayé d’éliminer le traumatisme, mais c’était terminé, puisque de jeunes joueurs étaient touchés et nous ont complètement échappés le jour du match. Halliche, par exemple, était victime d’une diarrhée. Pendant le match, il a été déshydraté.
C’est ce qui explique ses crampes puisqu’il ne pouvait plus bouger. Dans mes plans, ce n’était pas lui qui devait sortir, puisque je pensais que ça allait être plutôt Bougherra ou Ziani qui a d’ailleurs fait un super match et demandé à sortir. Mais ce n’était plus possible, puisque tous les changements étaient faits.
A quel moment avez-vous décidé du onze rentrant ?
– D’abord, heureusement que le staff médical a fait un travail énorme. Grâce à cela, nous avons pu récupérer tout le monde. Mais la question qu’on s’est posée : est-ce que ces éléments vont pouvoir tenir, vu qu’ils n’ont pas joué depuis plusieurs semaines. Et là s’est posée la problématique du onze rentrant et des 18.
Que voulez-vous dire par-là ?
Et bien, on savait pertinemment que certains éléments allaient être à court physiquement, mais on n’avait pas d’autres choix que de les aligner vu que le système de jeu fonctionnait très bien.
J’avais pour habitude de donner la liste des 18 joueurs 48 heures avant la rencontre, mais là, je l’ai donnée juste après le déjeuner, le jour même de la rencontre. D’ailleurs, j’ai dit aux joueurs que je ne pouvais pas faire autrement, car j’étais en train d’avancer doucement, vu la situation dramatique. Et donc exceptionnellement, j’ai donné le onze et les 18 à 14h, c’est-à-dire juste avant le départ.
Et là, début du match catastrophique ?
Pourtant, je leur avais dit de faire très attention à la première demi-heure, et on caisse un but à la 2’.
C’était le scénario catastrophe. En plus, ça a trop duré (17’), car c’était la grande pagaille, car l’équipe était traumatisée. Bien évidemment, la raison était le guet-apens dans lequel on nous a mis, car on était seuls et c’est pour cette raison que je ne leur pardonnerai jamais. Vous rendez-vous compte, ils ont tout prévu comme leur a demandé leur président de la fédération, avec notamment la sono maximale et les baffles placés derrière les bois de Gaouaoui pour le déranger, allant jusqu’à les déplacer en seconde période. Tout le monde était complice, y compris les autorités égyptiennes, puisqu’il y a eu des instructions à très haut niveau.
C’était la chasse à l’Algérien et tout le peuple a suivi. Maintenant pour revenir au match, je vous dis sincèrement, en encaissant ce 1er but, je me suis dis, ça y est c’est foutu, on va nous mettre le deuxième et ça sera terminé.
Et pourquoi vous vous êtes dit ça ?
Parce que tout simplement, l’équipe était tétanisée et ça ne marchait pas du tout, car on ne gardait pas la balle, on la donnait à chaque fois à l’adversaire. Mais à partir de la 18’, on a commencé à développer notre jeu et l’espoir est donc revenu. Nous avons même raté des occasions où on pouvait égaliser, mais je pense que c’est la main de Dieu.
Que voulez-vous dire par là ?
– Cette défaite nous a peut-être sauvés la vie. Vous étiez avec nous sur place, et tout le monde, journalistes, supporters, joueurs, dirigeants, ne serait sorti vivant du Cairo Stadium.
Quels ont été vos mots à la mi-temps ?
Je leur ai tout simplement dit qu’il faut garder le ballon. Si vous ne gardez pas la balle, vous êtes morts. Je leur ai dit ça avant la rencontre et durant la mi-temps, car en courant après le ballon, on va se fatiguer, déjà qu’on l’est au vu des blessés qu’on avait.
Vous avez décidé d’incorporer Bezzaz à droite à la place de Matmour, alors qu’habituellement il joue à gauche. Pourquoi ce choix ?
– Je vais vous rappeler quelque chose, car les gens ont tendance à oublier. Devant le Sénégal, c’est Bezzaz qui avait débloqué la situation. Ce jour-là, il jouait à droite. Vous savez, Messi est un gaucher qui joue à droite, c’est comme ça que je réponds aux personnes qui étaient étonnées par ce changement.
A la sortie de Halliche, tous les observateurs pensaient que vous alliez incorporer Zaoui, vu le gabarit de ce dernier…
Il faut savoir que Laïfaoui est excellent dans le jeu aérien, malgré sa taille. Si je l’ai fait rentrer, c’est qu’à mon sens, il était plus en forme. J’ai aussi estimé que Zaoui revenait de blessure. Voilà donc pourquoi j’ai jugé utile de faire incorporer Laïfaoui et non Zaoui.
Vous avez dit tout à l’heure que notre système avait jusque-là toujours fonctionné, pourquoi alors avoir joué avec seulement un seul attaquant ?
Croyez-moi que si tous nos joueurs étaient en forme, nous aurions gagné ce match car dans notre esprit et dès le départ, nous étions partis pour les battre. Bougherra, Antar et Ziani n’étaient pas à leur niveau en plus de Halliche et de Lemouchia.
Donc, il fallait être fou pour dégarnir et jouer avec deux avant-centres car je connaissais les forces de cette équipe égyptienne. Maintenant, comme je vous l’ai déjà dit, cette défaite nous a sauvés la vie car on a mis quatre heures pour sortir du stade et nos supporters ont passé pour leur majorité la nuit dans le stade et permettez-moi de vous dire une chose.
Oui, allez-y ?
Même si je suis tenu par le droit de réserve, je tiens à dire que théoriquement la FIFA n’aurait jamais dû maintenir cette rencontre car on avait deux joueurs titulaires blessés et pour moins que ça des matchs ne se sont pas joués.
Vos premiers mots dans les vestiaires aux joueurs ?
Personnellement, j’ai préféré laisser les joueurs se calmer, mais le président que je félicite d’ailleurs pour son discours a eu les bons mots. Il leur a tout simplement sorti l’exemple de l’Arabie Saoudite qui menait face au Bahreïn et ce jusqu’à la 90’ de jeu, et le Bahreïn qui égalise et qui élimine les Saoudiens pour montrer le double choc.
Et après il leur a dit c’est ça le football, on va partir à Khartoum et on va bien se préparer là-bas pour ce match barrage.
Et le lendemain vous partez pour le Soudan dans un tout autre contexte ?
Il faut d’abord savoir qu’au vu de l’immense déception, les joueurs n’ont presque pas dormi.
Au moment de notre départ et lorsque l’avion a décollé et a quitté le Caire, Matmour est venu nous voir Zoheir et moi pour nous dire que ce n’est qu’à présent que la grosse boule qu’il avait sur le cœur a disparu et qu’il est soulagé.
Nous lui avons répondu que c’est la même chose pour nous. Etonné, il a dit : ah oui ?
Content de savoir que je n’étais pas le seul dans cet état, nous a-t-il confié. Mais le gros déclic, c’est le chaleureux accueil que les Soudanais nous ont réservé à notre arrivée à l’aéroport. Les joueurs étaient très heureux de voir tout autre chose de ce qu’ils avaient vécu au Caire.
Je tiens à préciser aussi que je remercie notre président de la fédération qui est un grand monsieur d’avoir devancé tout le monde, puisque Mecherara est parti le jour même où le Soudan avait été désigné pour la rencontre pour réserver l’hôtel et tout préparer sur place.
Après notre défaite de samedi, l’objectif du stage c’était de faire un travail de récupération en demandant aux éléments qui avaient joué de bien récupérer et les autres de faire des séances normales.
Quelques minutes après la défaite, vous nous aviez déclaré que vous alliez changer de tactique, on peut dire donc que tout était prévu à l’avance ?
Tout à fait, nous avons tout prévu et étudié toutes les options. Donc, tactiquement on allait revenir au 3-5-2 ou plus exactement au 3-4-1-2 avec Yebda dans l’axe.
Il fallait bloquer les couloirs qui étaient une de leurs forces et l’axe puisque le danger venait aussi du milieu notamment avec des tirs et c’est ce que nous avons réussi à faire. Aussi et comme je vous l’ai dit après le match, il y avait derrière des joueurs de qualité comme Yebda qui a bien récupéré de sa blessure et bien évidemment Chaouchi.
On imagine que vous avez aussi effectué un grand travail psychologique durant ce stage de Khartoum ?
Tout à fait. On a d’abord commencé par leur dire que nous sommes dans un pays frère et ils avaient bien vu l’accueil des Soudanais. En plus, j’avais prévu que la première séance d’entraînement de dimanche soit à huis clos, mais quand j’ai vu tout ce monde venu nous encourager, j’ai dit au président il faut ouvrir les portes.
Et ce qui nous a vraiment fait plaisir c’est l’annonce du président de la République qui a annoncé que 40 avions allaient transporter nos supporters pour Khartoum.
Quelle a été votre réaction à ce moment-là ?
D’abord, on était très fiers de notre président. Ensuite, on est partis dire aux joueurs qui n’ont cessé de réclamer nos supporters : C’est bon, ils seront là avec vous. Et croyez-moi que nous avons vu des hommes complètement transformés car ils ont repris confiance.
Mais bon, nous avons poursuivi notre travail, puisque comme vous le savez il y a eu la psychose des morts au Caire et celle-ci s’est répercutée sur certains éléments.
Nous avons donc insisté pour dire qu’il faut rester en dehors de tout ça et que notre travail doit se faire sur le terrain et non en dehors, sinon on risque de passer à côté de la plaque. On leur a expliqué que ce sont les lois de la FIFA et non celles de l’ONU qui régissent un match et que même avec un esprit revanchard, il est impératif que ça reste dans le cadre sportif. Car dans le cas contraire, on risquait de se retrouver à 9 ou à 10, chose qui nous aurait handicapés fortement. La preuve, on a vu du cœur mais dans la limite d’une rencontre de football.
On vous a vu assez serein avant ce match ?
– Franchement, j’étais confiant car les joueurs, je les sentais bien contrairement au Caire. Et notre force à Khartoum en plus de notre très bonne défense derrière, c’est que même nos attaquants à l’image de Ghezzal, Ghilès et Saïfi ont fait un travail époustouflant défensivement et sur le plan de la récupération.
Et il y a eu ce but d’anthologie d’Antar Yahia ?
Ce but, c’était le grand délire car d’abord il est arrivé juste avant la mi-temps et en plus on allait défendre du côté de notre public, et on savait qu’avec le soutien de nos supporters, c’était un atout pour tenir le coup lors de la seconde mi-temps.
N’avez-vous pas appréhendé la seconde mi-temps ?
Franchement non, car comme je viens de vous le dire j’étais très confiant. En plus, on a travaillé non seulement sur 90’ mais sur 120’, théoriquement bien sûr. En fait, j’avais tout prévu notamment lorsqu’ils ont procédé à des changements, j’ai contrecarré en faisant rentrer Ghilès pour bloquer.
Même Ziani à qui on avait fait un marquage individuel a été intelligent et a permuté avec Meghni. Bon, il y a eu la sortie de ce dernier à la suite d’une blessure et celle d’Antar.
Vos consignes à la mi-temps consistaient en quoi ?
– J’ai dit qu’il fallait gérer et rester bien regroupé derrière et contre- attaquer, mais ce que je regrette c’est qu’on pouvait mettre le deuxième but notamment à deux ou trois reprises, mais malheureusement nous avons mal géré ces occasions.
Dommage, on pouvait tuer le match. Après la pause, certes, nous avons beaucoup subi mais je dirai que nous n’avions pas un autre choix car physiquement, on était diminués et lorsque vous n’arrivez pas à conserver le ballon, vous subissez d’autant plus qu’il y avait du vent et que l’état du terrain n’était pas très bon. Dieu merci, on a tenu le coup et je suis content qu’Antar marque car il en voulait beaucoup et il a été bien récompensé.
Vous aviez déclaré à chaud que c’était le plus beau jour de votre vie alors que vous aviez déjà réussi cet exploit par le passé ?
Ça l’est pour la simple raison que je ne m’attendais pas au départ. La CAN oui, mais pas la Coupe du monde surtout avec des stages courts. Rappelez-vous ce je vous ai dit au premier tour qu’on commencera à croire en nous quand on gagnera à l’extérieur et c’est ce que nous avons fait en Zambie.
A partir de là, j’ai commencé à y croire même si je vous dis sincèrement, là on est en Coupe du monde mais je n’y crois toujours pas. (Djelloul Zoheir intervient pour dire que nous sommes la seule équipe dans un groupe de 4 qualifiés au Mondial avec 16 points).
Je suis donc heureux de voir cette unité extraordinaire et je ne voulais pas que les Algériens soient déçus. Vous avez vu la Kabylie comment est derrière l’EN et c’est pour cette raison que c’est le plus beau jour de ma vie. Lorsque vous donnez la joie aux gens, cela n’a pas de prix croyez-moi
C’est quoi le secret de la réussite de Rabah Saâdane ?
Croyez-moi que c’est très dur de travailler en Algérie, mais là où je suis passé j’ai fait du bon boulot même dans les pays arabes. Peut- être que le secret de ma réussite c’est que je suis juste et honnête et lorsque je m’engage, je me sacrifie à fond. Lorsque Raouraoua était au comité olympique au temps de Haddadj, il m’a demandé de revenir après la coupe arabe avec Sétif, je lui ai demandé un temps de réflexion car je voulais prendre l’avis de ma femme qui était traumatisée après 1986, et après deux mois j’ai pris ma décision de revenir.
Vous avez certainement votre programme de préparation pour la Coupe du monde ?
Il y a d’abord la CAN qui nous permettra à coup sûr de travailler notre cohésion. Après, il y aura un seul stage au mois de mars très court. Pour la rencontre amicale, on n’a pas encore une idée sur notre adversaire. Ça sera bien évidemment un Mondialiste qui ne sera pas dans notre groupe et je rassure les Algériens, on jouera en Algérie car on a besoin de nos supporters.
Vous avez eu les nerfs solides cette fois-ci ?
Mais je voudrais juste dire que je ne pardonnerai jamais à une certaine presse qui m’a fait beaucoup de mal, notamment après la victoire face au Rwanda avec la main égyptienne, et que vous vous en sortez avec une victoire de trois buts à un et que vous lisez dans un journal qu’il faut changer le staff, c’est vraiment n’importe quoi. Donc, je ne pardonnerai pas à ces gens-là car c’est de la méchanceté gratuite.
A. H. A.
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D’aileurs à la findu match de samedi dernier, et comme nous l’avions rapporté, il nous avait affirmé : « on les aura au Soudan ». Chose faite et Sâadane est devene désormais une vraie légende vivante en Algérie. – Tout d’abord, parlons du premier match de l’Egypte, et dites-nous sincèrement, avez-vous appréhendé, ne serait-ce que peu, l’accueil qui vous a été réservé et préparé le groupe par rapport à cela ? – Avant de parler du match en lui-même, je veux revenir sur le stage de l’Italie pour dire que la situation au sein de l’équipe était catastrophique. Les 8, 9, 10 et 11, on avait un effectif très réduit. Depuis que je suis à la tête de cette équipe, nous n’avons jamais eu autant de blessés. Imaginez-vous, huit blessés parmi les titulaires avec un Bougherra qui s’est entraîné à peine 15 minutes la veille de notre départ, et Antar 10 minutes seulement. C’est pour vous dire la complexité de la tâche en se posant la question qui on va bien pouvoir aligner samedi… – Vous voulez dire donc que deux jours avant le match, vous n’aviez pas une idée sur le onze rentrant ? – Et bien, non. Je dirai même plus, le mercredi soir, on n’avait pas encore une équipe capable de jouer la rencontre, et le pire est arrivé encore par la suite… – Justement, en tant que sélectionneur, comment avez-vous vécu l’incident ? – Il faut savoir que l’accueil à l’aéroport du Caire était bon. En fait, ils nous ont bien endormis, et lors des deux minutes du trajet qui nous séparaient de l’hôtel, il y a eu la catastrophe. Cette dernière a causé un traumatisme général au niveau de toute la délégation, et croyez-moi, nous étions tous choqués. Donc, ajouter à tous ces blessés, nous avions deux autres titulaires aussi, à savoir Halliche et Lemouchia. Donc, la problématique était encore plus grande, d’autant plus que nous étions à 48 heures du match. – Qu’est-ce que vous vous êtes dit à ce moment-là ? – Et bien, nous étions sous le choc. Nous avons essayé d’éliminer le traumatisme, mais c’était terminé, puisque de jeunes joueurs étaient touchés et nous ont complètement échappés le jour du match. Halliche, par exemple, était victime d’une diarrhée. Pendant le match, il a été déshydraté. C’est ce qui explique ses crampes puisqu’il ne pouvait plus bouger. Dans mes plans, ce n’était pas lui qui devait sortir, puisque je pensais que ça allait être plutôt Bougherra ou Ziani qui a d’ailleurs fait un super match et demandé à sortir. Mais ce n’était plus possible, puisque tous les changements étaient faits. – A quel moment avez-vous décidé du onze rentrant ? – D’abord, heureusement que le staff médical a fait un travail énorme. Grâce à cela, nous avons pu récupérer tout le monde. Mais la question qu’on s’est posée : est-ce que ces éléments vont pouvoir tenir, vu qu’ils n’ont pas joué depuis plusieurs semaines. Et là s’est posée la problématique du onze rentrant et des 18. – Que voulez-vous dire par-là ? – Et bien, on savait pertinemment que certains éléments allaient être à court physiquement, mais on n’avait pas d’autres choix que de les aligner vu que le système de jeu fonctionnait très bien. J’avais pour habitude de donner la liste des 18 joueurs 48 heures avant la rencontre, mais là, je l’ai donnée juste après le déjeuner, le jour même de la rencontre. D’ailleurs, j’ai dit aux joueurs que je ne pouvais pas faire autrement, car j’étais en train d’avancer doucement, vu la situation dramatique. Et donc exceptionnellement, j’ai donné le onze et les 18 à 14h, c’est-à-dire juste avant le départ. – Et là, début du match catastrophique ? – Pourtant, je leur avais dit de faire très attention à la première demi-heure, et on caisse un but à la 2’. C’était le scénario catastrophe. En plus, ça a trop duré (17’), car c’était la grande pagaille, car l’équipe était traumatisée. Bien évidemment, la raison était le guet-apens dans lequel on nous a mis, car on était seuls et c’est pour cette raison que je ne leur pardonnerai jamais. Vous rendez-vous compte, ils ont tout prévu comme leur a demandé leur président de la fédération, avec notamment la sono maximale et les baffles placés derrière les bois de Gaouaoui pour le déranger, allant jusqu’à les déplacer en seconde période. Tout le monde était complice, y compris les autorités égyptiennes, puisqu’il y a eu des instructions à très haut niveau. C’était la chasse à l’Algérien et tout le peuple a suivi. Maintenant pour revenir au match, je vous dis sincèrement, en encaissant ce 1er but, je me suis dis, ça y est c’est foutu, on va nous mettre le deuxième et ça sera terminé. – Et pourquoi vous vous êtes dit ça ? – Parce que tout simplement, l’équipe était tétanisée et ça ne marchait pas du tout, car on ne gardait pas la balle, on la donnait à chaque fois à l’adversaire. Mais à partir de la 18’, on a commencé à développer notre jeu et l’espoir est donc revenu. Nous avons même raté des occasions où on pouvait égaliser, mais je pense que c’est la main de Dieu. – Que voulez-vous dire par là ? – Cette défaite nous a peut-être sauvés la vie. Vous étiez avec nous sur place, et tout le monde, journalistes, supporters, joueurs, dirigeants, ne serait sorti vivant du Cairo Stadium. – Quels ont été vos mots à la mi-temps ? – Je leur ai tout simplement dit qu’il faut garder le ballon. Si vous ne gardez pas la balle, vous êtes morts. Je leur ai dit ça avant la rencontre et durant la mi-temps, car en courant après le ballon, on va se fatiguer, déjà qu’on l’est au vu des blessés qu’on avait. – Vous avez décidé d’incorporer Bezzaz à droite à la place de Matmour, alors qu’habituellement il joue à gauche. Pourquoi ce choix ? – Je vais vous rappeler quelque chose, car les gens ont tendance à oublier. Devant le Sénégal, c’est Bezzaz qui avait débloqué la situation. Ce jour-là, il jouait à droite. Vous savez, Messi est un gaucher qui joue à droite, c’est comme ça que je réponds aux personnes qui étaient étonnées par ce changement. – A la sortie de Halliche, tous les observateurs pensaient que vous alliez incorporer Zaoui, vu le gabarit de ce dernier… – Il faut savoir que Laïfaoui est excellent dans le jeu aérien, malgré sa taille. Si je l’ai fait rentrer, c’est qu’à mon sens, il était plus en forme. J’ai aussi estimé que Zaoui revenait de blessure. Voilà donc pourquoi j’ai jugé utile de faire incorporer Laïfaoui et non Zaoui. – Vous avez dit tout à l’heure que notre système avait jusque-là toujours fonctionné, pourquoi alors avoir joué avec seulement un seul attaquant ? – Croyez-moi que si tous nos joueurs étaient en forme, nous aurions gagné ce match car dans notre esprit et dès le départ, nous étions partis pour les battre. Bougherra, Antar et Ziani n’étaient pas à leur niveau en plus de Halliche et de Lemouchia. Donc, il fallait être fou pour dégarnir et jouer avec deux avant-centres car je connaissais les forces de cette équipe égyptienne. Maintenant, comme je vous l’ai déjà dit, cette défaite nous a sauvés la vie car on a mis quatre heures pour sortir du stade et nos supporters ont passé pour leur majorité la nuit dans le stade et permettez-moi de vous dire une chose. – Oui, allez-y ? – Même si je suis tenu par le droit de réserve, je tiens à dire que théoriquement la FIFA n’aurait jamais dû maintenir cette rencontre car on avait deux joueurs titulaires blessés et pour moins que ça des matchs ne se sont pas joués. – Vos premiers mots dans les vestiaires aux joueurs ? – Personnellement, j’ai préféré laisser les joueurs se calmer, mais le président que je félicite d’ailleurs pour son discours a eu les bons mots. Il leur a tout simplement sorti l’exemple de l’Arabie Saoudite qui menait face au Bahreïn et ce jusqu’à la 90’ de jeu, et le Bahreïn qui égalise et qui élimine les Saoudiens pour montrer le double choc. Et après il leur a dit c’est ça le football, on va partir à Khartoum et on va bien se préparer là-bas pour ce match barrage. – Et le lendemain vous partez pour le Soudan dans un tout autre contexte ? – Il faut d’abord savoir qu’au vu de l’immense déception, les joueurs n’ont presque pas dormi. Au moment de notre départ et lorsque l’avion a décollé et a quitté le Caire, Matmour est venu nous voir Zoheir et moi pour nous dire que ce n’est qu’à présent que la grosse boule qu’il avait sur le cœur a disparu et qu’il est soulagé. Nous lui avons répondu que c’est la même chose pour nous. Etonné, il a dit : ah oui ? Content de savoir que je n’étais pas le seul dans cet état, nous a-t-il confié. Mais le gros déclic, c’est le chaleureux accueil que les Soudanais nous ont réservé à notre arrivée à l’aéroport. Les joueurs étaient très heureux de voir tout autre chose de ce qu’ils avaient vécu au Caire. Je tiens à préciser aussi que je remercie notre président de la fédération qui est un grand monsieur d’avoir devancé tout le monde, puisque Mecherara est parti le jour même où le Soudan avait été désigné pour la rencontre pour réserver l’hôtel et tout préparer sur place. Après notre défaite de samedi, l’objectif du stage c’était de faire un travail de récupération en demandant aux éléments qui avaient joué de bien récupérer et les autres de faire des séances normales. – Quelques minutes après la défaite, vous nous aviez déclaré que vous alliez changer de tactique, on peut dire donc que tout était prévu à l’avance ? Tout à fait, nous avons tout prévu et étudié toutes les options. Donc, tactiquement on allait revenir au 3-5-2 ou plus exactement au 3-4-1-2 avec Yebda dans l’axe. Il fallait bloquer les couloirs qui étaient une de leurs forces et l’axe puisque le danger venait aussi du milieu notamment avec des tirs et c’est ce que nous avons réussi à faire. Aussi et comme je vous l’ai dit après le match, il y avait derrière des joueurs de qualité comme Yebda qui a bien récupéré de sa blessure et bien évidemment Chaouchi. – On imagine que vous avez aussi effectué un grand travail psychologique durant ce stage de Khartoum ? – Tout à fait. On a d’abord commencé par leur dire que nous sommes dans un pays frère et ils avaient bien vu l’accueil des Soudanais. En plus, j’avais prévu que la première séance d’entraînement de dimanche soit à huis clos, mais quand j’ai vu tout ce monde venu nous encourager, j’ai dit au président il faut ouvrir les portes. Et ce qui nous a vraiment fait plaisir c’est l’annonce du président de la République qui a annoncé que 40 avions allaient transporter nos supporters pour Khartoum. – Quelle a été votre réaction à ce moment-là ? – D’abord, on était très fiers de notre président. Ensuite, on est partis dire aux joueurs qui n’ont cessé de réclamer nos supporters : C’est bon, ils seront là avec vous. Et croyez-moi que nous avons vu des hommes complètement transformés car ils ont repris confiance. Mais bon, nous avons poursuivi notre travail, puisque comme vous le savez il y a eu la psychose des morts au Caire et celle-ci s’est répercutée sur certains éléments. Nous avons donc insisté pour dire qu’il faut rester en dehors de tout ça et que notre travail doit se faire sur le terrain et non en dehors, sinon on risque de passer à côté de la plaque. On leur a expliqué que ce sont les lois de la FIFA et non celles de l’ONU qui régissent un match et que même avec un esprit revanchard, il est impératif que ça reste dans le cadre sportif. Car dans le cas contraire, on risquait de se retrouver à 9 ou à 10, chose qui nous aurait handicapés fortement. La preuve, on a vu du cœur mais dans la limite d’une rencontre de football. – On vous a vu assez serein avant ce match ? – Franchement, j’étais confiant car les joueurs, je les sentais bien contrairement au Caire. Et notre force à Khartoum en plus de notre très bonne défense derrière, c’est que même nos attaquants à l’image de Ghezzal, Ghilès et Saïfi ont fait un travail époustouflant défensivement et sur le plan de la récupération. – Et il y a eu ce but d’anthologie d’Antar Yahia ? – Ce but, c’était le grand délire car d’abord il est arrivé juste avant la mi-temps et en plus on allait défendre du côté de notre public, et on savait qu’avec le soutien de nos supporters, c’était un atout pour tenir le coup lors de la seconde mi-temps. – N’avez-vous pas appréhendé la seconde mi-temps ? – Franchement non, car comme je viens de vous le dire j’étais très confiant. En plus, on a travaillé non seulement sur 90’ mais sur 120’, théoriquement bien sûr. En fait, j’avais tout prévu notamment lorsqu’ils ont procédé à des changements, j’ai contrecarré en faisant rentrer Ghilès pour bloquer. Même Ziani à qui on avait fait un marquage individuel a été intelligent et a permuté avec Meghni. Bon, il y a eu la sortie de ce dernier à la suite d’une blessure et celle d’Antar. – Vos consignes à la mi-temps consistaient en quoi ? – J’ai dit qu’il fallait gérer et rester bien regroupé derrière et contre- attaquer, mais ce que je regrette c’est qu’on pouvait mettre le deuxième but notamment à deux ou trois reprises, mais malheureusement nous avons mal géré ces occasions. Dommage, on pouvait tuer le match. Après la pause, certes, nous avons beaucoup subi mais je dirai que nous n’avions pas un autre choix car physiquement, on était diminués et lorsque vous n’arrivez pas à conserver le ballon, vous subissez d’autant plus qu’il y avait du vent et que l’état du terrain n’était pas très bon. Dieu merci, on a tenu le coup et je suis content qu’Antar marque car il en voulait beaucoup et il a été bien récompensé. – Vous aviez déclaré à chaud que c’était le plus beau jour de votre vie alors que vous aviez déjà réussi cet exploit par le passé ? – Ça l’est pour la simple raison que je ne m’attendais pas au départ. La CAN oui, mais pas la Coupe du monde surtout avec des stages courts. Rappelez-vous ce je vous ai dit au premier tour qu’on commencera à croire en nous quand on gagnera à l’extérieur et c’est ce que nous avons fait en Zambie. A partir de là, j’ai commencé à y croire même si je vous dis sincèrement, là on est en Coupe du monde mais je n’y crois toujours pas. (Djelloul Zoheir intervient pour dire que nous sommes la seule équipe dans un groupe de 4 qualifiés au Mondial avec 16 points). Je suis donc heureux de voir cette unité extraordinaire et je ne voulais pas que les Algériens soient déçus. Vous avez vu la Kabylie comment est derrière l’EN et c’est pour cette raison que c’est le plus beau jour de ma vie. Lorsque vous donnez la joie aux gens, cela n’a pas de prix croyez-moi – C’est quoi le secret de la réussite de Rabah Saâdane ? – Croyez-moi que c’est très dur de travailler en Algérie, mais là où je suis passé j’ai fait du bon boulot même dans les pays arabes. Peut- être que le secret de ma réussite c’est que je suis juste et honnête et lorsque je m’engage, je me sacrifie à fond. Lorsque Raouraoua était au comité olympique au temps de Haddadj, il m’a demandé de revenir après la coupe arabe avec Sétif, je lui ai demandé un temps de réflexion car je voulais prendre l’avis de ma femme qui était traumatisée après 1986, et après deux mois j’ai pris ma décision de revenir. – Vous avez certainement votre programme de préparation pour la Coupe du monde ? – Il y a d’abord la CAN qui nous permettra à coup sûr de travailler notre cohésion. Après, il y aura un seul stage au mois de mars très court. Pour la rencontre amicale, on n’a pas encore une idée sur notre adversaire. Ça sera bien évidemment un Mondialiste qui ne sera pas dans notre groupe et je rassure les Algériens, on jouera en Algérie car on a besoin de nos supporters. – Vous avez eu les nerfs solides cette fois-ci ? – Mais je voudrais juste dire que je ne pardonnerai jamais à une certaine presse qui m’a fait beaucoup de mal, notamment après la victoire face au Rwanda avec la main égyptienne, et que vous vous en sortez avec une victoire de trois buts à un et que vous lisez dans un journal qu’il faut changer le staff, c’est vraiment n’importe quoi. Donc, je ne pardonnerai pas à ces gens-là car c’est de la méchanceté gratuite. A. H. A. |