J’ai été député(*) au Parlement italien pendant trois mandats et me suis toujours occupé de politique étrangère. Comme nous tous, j’ai été peiné et indigné par l’attentat terroriste du 11 septembre et j’ai approuvé la guerre lancée par Washington contre les taliban en Afghanistan.
La guerre en Irak a été une erreur énorme. Cela a sécurisé la frontière occidentale de l’Iran, cherchant à accroître son expansion en direction de la Méditerranée et à faire pression sur son pire ennemi. Bien sûr, je n’ai jamais eu de sympathie pour Saddam Hussein, mais avant même le début de la guerre, j’avais écrit dans les pages internationales d’un journal américain que le renversement de Saddam Hussein conduirait à un vide du pouvoir dangereux ou exigerait une présence massive de troupes américaines, installées pour une longue durée. Pour ne pas m’étendre sur les aspects négatifs de cette guerre, je préfère ne pas m’attarder sur les erreurs commises sur le plan opérationnel.
Mais ces erreurs ne sont pas propres à l’Irak. Les mêmes erreurs ont été commises en Syrie, en Egypte, en Libye (avec la complicité de Sarkozy et ses illusions de grandeur). Et à présent elles se répètent en Ukraine, ce qui entraîne une situation extrêmement dangereuse.
Je suis bien conscient qu’en raison d’un horizon étriqué, d’une forme de nostalgie, et en partie de fanatisme, beaucoup estiment qu’il est dans l’intérêt des Etats-Unis de mener une politique d’endiguement de la Russie. Je sais également que les Polonais et les Baltes souffrent par atavisme d’une peur de l’expansion russe. J’aime autant ne pas évoquer l’hypocrisie «humanitaire» qui se fait périodiquement entendre en Suède.
Néanmoins, je crois qu’attribuer à la Russie l’intention – inexistante – de restaurer l’Union soviétique, c’est faire une erreur tragique. Bien sûr, la Russie a des intérêts nationaux qui lui sont propres. Et il est clair qu’une fois que les Occidentaux eurent rompu le pacte passé avec Gorbatchev de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est, Moscou a de sérieux doutes sur les véritables intentions de l’Occident et ne souhaite pas voir émerger le long de ses frontières un Etat qui lui sera hostile et sera susceptible de l’affronter militairement.
Le monde occidental dans son ensemble ne peut et ne doit soutenir l’isolement de la Russie. Au contraire, au cours du siècle à venir, cette réserve de ressources naturelles, culturellement proche de l’Europe, doit être considérée comme l’un de nos principaux alliés politiques et économiques. La Russie a un grand potentiel de développement et pour permettre ce développement le Kremlin a toujours regardé vers l’Ouest. De plus, le pays pouvant à l’avenir menacer nos positions se trouve bien plus loin à l’Est et les Etats-Unis, en raison de leur dette publique, devraient concentrer leur attention sur lui.
Les Etats-Unis ont commis une erreur, mais ce que je ne comprends pas et ce qui nourrit de plus en plus mon ressentiment, c’est l’attitude des Européens qui, comme des masochistes, agissent au détriment de leurs propres intérêts à court et à moyen termes. On sait aujourd’hui combien il est facile d’alimenter le mécontentement des gens à coup d’aide financière et organisationnelle en provenance de certains pays occidentaux. Et il est inutile de blâmer la Russie pour l’aide et les armes qu’elle apporte aux séparatistes dans le sud-est de l’Ukraine.
Les Etats-Unis et leurs alliés procèdent sans doute autrement? Le pire c’est que les gouvernements des pays européens qui ont fait pression pour qu’un accord entre l’UE et l’Ukraine soit conclu, n’ont absolument pas anticipé le coût politique et surtout économique que leur citoyens vont devoir payer pour cela.
Les Grecs et les Portugais sont pris à la gorge, forcés à accepter les difficultés et le haut niveau de chômage auxquels leur économie est confrontée. Pourtant nous sommes prêts à dépenser des dizaines et des dizaines de milliards d’euros pour soutenir financièrement un pays avec une population de 50 millions d’habitants, dont l’économie est à plus de 50% dépendante de la Russie.
Il y a des limites à tout! Si les Etats-Unis commettent erreur après erreur, en mettant en péril leur position de première puissance mondiale, et si nous ne réussissons pas à faire entendre notre voix, il n’y a aucune raison pour que nous tombions avec eux. Cela ne nous rapportera rien, et à eux non plus.
En tant que citoyen, homme politique et ancien membre du Parlement italien, je demande à ce que notre gouvernement et à ceux qui en Europe ont encore un peu de bon sens déclarent leur opposition à cette politique menant à la rupture de nos bonnes relations avec notre voisin russe. Dario Rivolta – un ancien député italien et vice-président de la Commission des affaires étrangères.