La terre tchadienne brûle depuis le 4 mai dernier, date à laquelle des rebelles tchadiens de l’Union des forces de la résistance (UFR) venus du Soudan y sont entrés avec pour objectif affirmé de prendre N’Djamena et de renverser le président Idriss Deby Itno. Les forces gouvernementales continuent leur riposte et ont même réussi à remporter des combats dans l’Est et à repousser les troupes rebelles.
Mais ces dernières «disposent encore d’un potentiel de matériel et d’hommes», selon un observateur étranger qui a affirmé hier sous le couvert de l’anonymat que «226 rebelles ont été tués et 212 faits prisonniers». «Si on compare ces chiffres aux milliers de rebelles annoncés, il en reste. C’est pareil pour les véhicules», a poursuivi cette source. Les autorités tchadiennes font état de la destruction ou de la capture d’une centaine de véhicules rebelles, alors que N’Djamena estimait que les opposants armés étaient entrés en provenance du Soudan avec 300 à 400 pick-up.
Les rebelles affirment, eux, disposer du double. Chaque pick-up peut transporter jusqu’à dix ou quinze hommes, ainsi que des armes, des munitions et des fûts d’essence. Ce qui implique qu’une nouvelle attaque n’est pas à écarter comme l’affirment les rebelles eux-mêmes en déclarant que «l’offensive n’est pas finie. Il ne s’agit là que d’un repli tactique». Le colonel Adouma Hassaballah, l’un des principaux chefs rebelles, assure : «Nous nous sommes mis en retrait pour nous réorganiser. On va renforcer les rangs avec ceux qui sont restés dans les bases arrière et on réattaque».
Mais pour le gouvernement tchadien, il s’agit là d’«une victoire décisive», comme l’a déclaré le ministre de la Défense par intérim, Adoum Younousmi, ajoutant : «Les rebelles mettront deux à trois ans avant de pouvoir se reconstituer.» Selon ce responsable, il y a beaucoup de fuyards mais le ratissage se poursuit jusqu’à la frontière soudanaise «avec le dispositif mis en place, peu peuvent s’échapper». De nombreux observateurs tablent sur la fin d’une bataille. Une de plus. Cette grande offensive annuelle des rebelles tchadiens, si elle est effectivement finie, aura duré moins d’une semaine, et ne sera parvenue à régler aucun des problèmes qui nourrissent le conflit opposant en réalité les pouvoirs tchadien et soudanais.

Ces deux pays voisins s’affrontent par procuration : l’un nourrit la guerre civile au Darfour, l’autre, par mesure de rétorsion, a accueilli les rebelles professionnels tchadiens et les mécontents du système Déby pour leur donner les moyens de se lancer à l’assaut du pouvoir à N’Djamena. Au total, près d’une vingtaine d’attaques du Tchad ont eu lieu depuis 2005. En février 2008, les rebelles sont arrivés jusqu’à N’Djamena. Ils y ont été défaits en raison de leurs divisions internes, de la puissance de feu des blindés tchadiens et de l’appui de la France. Depuis, N’Djamena a été transformée en camp retranché. Un long fossé a été creusé autour de la ville, où ne subsistent que trois entrées fortement gardées.
Comme riposte, les rebelles darfouriens du Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), partis de leurs bases au Tchad, et dont le chef, Khalil Ibrahim, est un lointain parent par alliance du président Déby, avaient attaqué Khartoum. Le JEM a renforcé ses troupes au cours des mois écoulés et projette de lancer d’autres attaques au Soudan depuis sa base d’Am-Djeress, dans le nord-est du Tchad. Dimanche dernier, le Soudan a de nouveau accusé le Tchad de soutenir des rebelles du Darfour et s’est dit prêt à repousser toute attaque contre son territoire. Pourtant,
ces deux pays ont signé le 4 mai au Qatar un accord en vue d’une réconciliation alors que leurs relations continuent à se détériorer.