Après avoir promis de fournir du matériel à l’équipe du tournage, le MDN accuse un retard dans sa fourniture, ce qui risque de compromettre la réalisation de l’œuvre.
Lancé en avril dernier, le tournage du film Larbi Ben M’hidi, du nom de l’un des plus illustres héros de la Révolution, connaît depuis quelques semaines des perturbations, voire quelques retards, en raison de la “désaffection”, pour l’heure, du ministère de la Défense, lequel devait assurer la livraison d’un équipement militaire de l’époque. Outre cet équipement dont des voitures de type Jeep, l’armée est appelée à assurer la sécurité et l’escorte des acteurs dont une trentaine sont des Européens, selon le réalisateur Bachir Derraïs.
Après une première suspension en mai dernier, dans la région de Bouira, à la demande du MDN pour d’évidentes “raisons de sécurité” — le tournage a coïncidé avec
l’opération d’envergure lancée par l’armée et qui avait permis l’élimination de 25 terroristes —, le tournage devait reprendre le 25 juillet, comme convenu d’un commun accord entre les différents intervenants (société Les films de la Source, le ministère de la Défense, ministère des Moudjahidine et ministère de la Culture), avant d’être reporté au 1er août. Mais à ce jour, “aucune raison n’est avancée par le MDN pour justifier le retard”, explique Bachir Derraïs. “Pour des raisons de sécurité nationale et des missions à venir de l’ANP, le représentant du ministère de la Défense nous avait demandé d’arrêter le tournage prévu dans les régions de Kabylie, Bouira, Lakhdaria, Béjaïa et Boumerdès, ce que nous nous avions exécuté sans négociations ni contestation malgré l’investissement lourd en termes de financement dans la préparation du tournage. Nous nous sommes alors entendus avec la DCIO-MDN pour reprendre le tournage le 25 juillet dans la région de la Soummam. Tout a été réorganisé administrativement par notre société et la préparation a repris alors le plus normalement du monde. Mais à notre grande stupéfaction, le matériel ne nous a pas été livré comme convenu. Croyant à un cas de force majeure, nous avons tout de suite informé les services concernés de l’armée et — contraints et forcés —, nous avons retardé encore une fois le tournage d’une semaine, le fixant cette fois-ci pour le 1er août 2015”, écrit
Bachir Derraïs dans une lettre d’interpellation adressée au chef d’état-major de corps d’armée, le général major, Gaïd Salah, datée du 4 août et dont nous détenons une copie. “Aujourd’hui, le 4 août 2015, le matériel n’a toujours pas été acheminé vers les lieux de tournage, ce qui implique — cela va sans dire —, encore des dépenses inutiles, et un énorme préjudice financier pour notre société. Le bon déroulement de la production du film, déjà en souffrance par les premiers retards imposés pour des raisons sécuritaires, est gravement compromis”, peste-t-il.
Le retard est d’autant incompréhensible que le tournage concerne cette fois-ci le chapitre le plus important du film, celui relatif au Congrès de la Soummam. “Je vous précise encore que ce tournage de la Soummam ne peut se faire en dehors de la période du 1er au 30 août : nous travaillons sur la réalité historique comme vous le savez bien. Au-delà de ces dates, la saison et avec elle la végétation change ; les lieux ne concorderont pas avec la vérité historique et nous serions forcés d’attendre l’année prochaine pour tourner ces scènes. Cela est impensable”, affirme encore Derraïs.
Résultat des courses : des pertes en termes de financements, les vacances perturbées pour certains et le rythme et le moral des troupes qui prennent un sérieux coup. Selon certaines sources, le matériel promis serait mobilisé au profit du tournage du film Les Sept remparts de la citadelle, en tournage à Oran.
Pour préparer le tournage de la partie du Congrès de la Soummam, tout le village Timliouine (lieu avec Ighvane où se sont tenues les principales réunions du FLN) a été restauré et rénové durant 12 mois par la société Les films de la Source. 15 00 figurants de la région d’Ouzellagen ont été sélectionnés et recrutés ; plus de 1 000 costumes et accessoires civils et militaires ont été loués en France et acheminés vers cette région ; 35 acteurs algériens sont engagés pour les scènes ainsi que 45 techniciens.
En outre, 25 techniciens étrangers supplémentaires et 30 acteurs français ont été retenus et engagés dont les billets de transport ont été réservés et payés. Et tous les hôtels de la région ont été retenus par la société et des chèques de caution ont été déposés. “Chaque journée de retard nous est non seulement financièrement comptabilisée comme une journée de tournage perdue, mais c’est pour notre film, un désastre”, déplore Bachir Derraïs dans le texte. “Ce courrier n’a d’autre but que celui de sauver un film tant attendu par les Algériens, financé par les deniers publics et porteur de l’intérêt de notre État qui a mis des moyens financiers énormes pour sa réalisation. Nous tenons à souligner l’importance et le caractère urgent de votre intervention afin de sauver la réalisation de cette œuvre”, conclut le texte.
Écrit par Mourad Bourboune, le film bénéficie d’une enveloppe estimée à 10 millions d’euros dont la moitié est financée par l’État algérien.