Par
L’auteur a fait le choix d’entamer le récit de la vie tumultueuse et de bohème de Si Mohand par la fin. C’est-à-dire par l’hospitalisation du poète à l’hôpital Sainte-Eugénie de Michelet.
Raconter la vie du célèbre et insoumis poète kabyle Si Mohand Ou M’hand est incontestablement un défi. C’est cet exploit que s’est imposé l’écrivain Rachid Kahar.
Le défi s’avère double quand l’auteur décide aussi de narrer la vie, faite d’errance et de déceptions multiples, de Si Mohand en se mettant dans la peau de ce dernier. En effet, Rachid Kahar raconte Si Mohand à la première personne du singulier. On devine donc que la lecture de ce roman biographique ne pourrait être qu’exquise.
200 pages
D’ailleurs, Rachid Kahar a fait le choix d’intituler son roman biographique tout simplement: «Moi, Si Mohand Ou M’Hand» avec un sous-titre révélateur: «Ma vie de bohème et de poèmes».
Le roman vient de paraître aux éditions Tafat dirigées par le romancier prolifique Tarik Djerroud. L’auteur a fait aussi le choix d’entamer le récit de la vie tumultueuse et de bohème de Si Mohand par la fin. C’est-à-dire par l’hospitalisation du poète à l’hôpital Sainte-Eugénie de Michelet, actuellement Aïn El Hammam.
Il s’agit, en effet, de l’une des étapes les plus connues de la vie du poète qui a quitté ce monde après moult pérégrinations l’ayant conduit un peu partout en Algérie jusqu’en Tunisie où son frère l’a tout simplement éconduit sur un conseil de sa femme. Il est évident que le travail d’écriture mené par Rachid Kahar est loin d’être une sinécure, car il n’existe pas d’unanimité absolue au sujet de la vie du poète errant de Kabylie. Certes, certaines étapes de la vie de Si Mohand font plus ou moins l’unanimité chez les auteurs ayant écrit déjà sur lui à l’instar de Saïd Boulifa, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun et Younès Adli. Mais en général, les auteurs ayant précédé Rachid Kahar se sont intéressés plutôt et presque exclusivement à la poésie de Si Mohand.
Rachid kahar, quant à lui, s’intéresse dans son roman biographique aussi bien à la poésie qu’à la vie du barde. Avec une priorité à sa vie. Il est donc aisé de deviner que Rachid Kahar fait appel à son imagination fertile pour rédiger, avec un talent certain, les 200 pages de son roman.
D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle le livre porte la mention roman au lieu de biographie. Le résultat est donc une biographie imaginaire mais ponctuée, à maintes étapes, par des faits saillants de la vie de Si Mohand.
Les lecteurs qui ont déjà eu l’occasion de voir le film et le feuilleton consacrés à Si Mohand retrouveront, en lisant le roman de Rachid Kahar, les événements ayant marqué le parcours de Si Mohand dans la vie. C’est le cas, entre autres, de la période de l’arrivée des troupes françaises dans la région natale de Si Mohand au coeur de la Kabylie et qui allaient semer terreur et désolation dans l’esprit de l’enfant, poète. Un événement qui allait le marquer à vie et qui allait le traumatiser. Cette partie est décrite parfaitement par l’auteur qui saisit cet aspect de la vie du poète pour raconter du même coup un pan de l’Histoire de la Kabylie face au colonialisme français marqué par «un déluge de feu et de fer ayant surpris les combattants kabyles». Si Mohand avait treize ans. Malgré son jeune âge, il comprit tout.
Forger l’âme
A la fin de sa vie, Si Mohand «entend encore résonner dans sa tête les sonneries des clairons et les tumultes des carnages dans les villages». Ces souvenirs douloureux ayant émaillé la vie de Si Mohand et de tous les habitants du village Icheriwen, à Tizi Rached, contribuèrent bien sûr à forger l’âme sensible du poète. Rachid Kahar restitue cet épisode et tant d’autres de manière magistrale grâce à sa belle plume et à son vocabulaire précis. On comprend vite qu’en narrant la vie de Si Mohand, l’auteur raconte en même temps l’Histoire de la région tout entière de Larbaâ Nath Irathen et de ses environs.
Si Mohand, par la voix de Rachid Kahar, qui revient sur les souvenirs de toute sa vie sur son lit de mort, à l’hôpital de Michelet, a une mémoire d’éléphant. Il se rappelle de tout. Ou presque.
Il cite les lieux, les noms et les événements avec le moindre détail. Ce qui démontre que l’auteur Rachid Kahar s’est adonné à un travail de recherche et de documentation colossal. Ce qui rend la lecture de ce roman d’autant plus attrayante, c’est le fait que l’auteur ponctue chaque situation racontée, d’un poème de neuf vers de Si Mohand, traduit en français bien sûr. On y revisite alors tous les thèmes chers au barde de Kabylie comme l’amour, le désir, la pauvreté, le désespoir, la mort et l’injustice, les frustrations, etc.
En lisant le roman de Rachid Kahar; le lecteur effectue plusieurs voyages à la fois. Un voyage dans le temps, un autre en Kabylie et encore un autre dans la belle poésie de celui qui sera plus tard le maître et la source d’inspiration d’une infinité d’artistes ayant chanté et loué à satiété l’aspect sublime de l’oeuvre de Si Mohand Ou M’Hand.