Depuis Souk-Ahras, où elle a animé, hier, un meeting avec les cadres régionaux du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune a eu la main lourde avec certains membres du gouvernement, avec les nouveaux patrons du Forum des chefs d’entreprise et de la Caci, mais aussi avec les directions du FLN et du RND qu’elle n’a pas hésité à qualifier de soutien agissant de l’oligarchie régnante en Algérie.
La secrétaire générale du PT a, comme on s’y attendait, saisi l’opportunité de cette rencontre pour réagir aux appels à la modération, que lui a adressés Ahmed Ouyahia, en conférence de presse, en fin de semaine. “Le premier responsable du RND n’a pas apprécié les propos que j’ai tenus sur le devoir de neutralité de l’armée. Ouyahia m’a consacré 80% de son intervention pour me demander de peser mes paroles. Je le remercie pour ses conseils, mais je dois lui répondre que je n’accepte pas le paternalisme et que j’assume tout ce que j’ai dit sur la prise de position du commandant des forces armées en faveur du parti FLN. Je maintiens que le message de soutien qui a été adressé par l’ANP est une menace pour le multipartisme et que l’armée ne doit pas s’immiscer dans la politique, comme elle l’a toujours fait par le passé”, persistera-t-elle. Ceci avant de lancer que “son parti ne pratique pas la politique à géométrie variable” en guise de pique au patron du RND.
Tout au long du discours de près de deux heures qu’elle a prononcé, Louisa Hanoune n’a pas cessé de parler du siphonnage systématique dont font l’objet les fonds publics à la faveur de pseudo-réformes économiques initiées par “les tenants du libéralisme sauvage” et des dangers qui guettent le pays, aux plans interne et externe. Usant du langage passionné qu’on lui connaît, elle a passé en revue les changements inquiétants, voire périlleux, qui sont en train de s’opérer, de son point de vue, dans les domaines politique et économique, et surtout de l’accaparement des rênes de l’Algérie par les nouveaux riches.
“Toutes les lectures faites par le Parti des travailleurs sur la situation qui prévaut dans le pays depuis la tenue de la dernière élection présidentielle, et notamment depuis la fin de l’année 2014, nous ont amenés à constater qu’il y a eu un changement radical dans les orientations politiques et économiques nationales”, dira-t-elle. Poursuivant son propos, la secrétaire générale du parti dénoncera la montée au créneau “des nouveaux riches” et leur intronisation à la tête des principales institutions économiques, que sont le FCE et la Chambre algérienne du commerce et de l’industrie. Ce qui s’apparente à ses yeux à la mise en branle d’un processus d’installation de l’oligarchie au niveau des centres de décision vitaux.

“Une prise progressive de pouvoir, sinon un point de transformation, qui pourrait être la cause d’explosions sociales aux conséquences dommageables comme celles qui ont eu lieu dans l’Égypte de Moubarak et en Ukraine ; deux pays qui ont ouvert la voie au libéralisme radical au détriment du bien-être social de leurs peuples respectifs”, expliquera-t-elle sur un ton alarmiste. Les ministres des Finances et de la Santé ont également été pris à partie sans ménagement par elle. Le premier pour sa tendance libérale supposée et pour avoir demandé à ce que l’État se désengage de l’investissement public créateur de richesses et d’emplois au profit du secteur privé. Le second, qu’elle accusera d’œuvrer pour l’annulation de la gratuité des soins, bien qu’il s’en défende en soutenant que la carte Chifa continuera à ouvrir ce droit aux Algériens. Une décision qui, en réalité, privera à terme 17 millions d’Algériens travaillant dans l’informel, et donc, non détenteurs de ce sésame, arguera la conférencière.
A. A