Quand la valeur du dinar par rapport au dollar ou à l’euro recule, les prix sur le marché algérien partent automatiquement à la hausse. Quand les prix des produits importés augmentent sur le marché mondial, la hausse est très rapidement répercutée et les consommateurs en ressentent les effets.
Mais cette règle du marché ne s’applique presque jamais en sens inverse : quand les prix des produits importés baissent sur le marché mondial, ils ne baissent presque jamais dans les marchés et souks algériens.
Dans un contexte économiquement délicat, le ministre du commerce, Bakhti Belaïb a, semble-t-il, décidé de ne pas fermer les yeux en décidant de rappeler quelques « règles » aux importateurs « peu nombreux » au demeurant. Ses services ont fourni des chiffres qui justifient la mauvaise humeur du ministre et la mise en garde qu’il a adressé aux importateurs.
Les prix d’achat des matières premières destinées à l’industrie agroalimentaire, excepté ceux du blé dur (+26%) et de quelques huiles alimentaires brutes (entre +16% et 80%), ont reculé, fin juin, à un rythme comparable à celui du fin mai, indique une note d’analyse du ministère du Commerce relative aux importations de certains produits alimentaires, agroalimentaires et du ciment.
Cette note constate des reculs sensibles des prix d’achats de produits destinés à l’agro-alimentaire dont la traduction ne s’est pas faite sur le marché interne.
« Les prix à l’importation ont baissé de 42% pour la poudre de lait, de 19% pour le maïs, de 15% pour le blé tendre et de 6% pour les sucres roux » indique la note citée par l’agence APS.
La baisse a été de 44% pour le riz, de 23% pour le lait infantile, de 17% pour le sucre blanc, de 6% pour le triple concentré de tomate (-6%) et de 2% les pâtes alimentaires et couscous (-2%).
Les prix des viandes bovines réfrigérées ont reculé de 5% et ceux des poissons congelés de 34% alors que ceux des viandes bovines congelées et ceux des crustacés congelés ont augmenté de 12 et 24% respectivement.
Cette baisse de produits de consommation courante aurait pu compenser la flambée des prix constatée sur les marchés et qui a tendance à s’aiguiser à l’approche de l’Aïd a-Adha, annoncé pour le 24 septembre prochain.
Une répercussion dans le seul sens de la hausse
Cette tendance des importateurs à faire de la répercussion à sens unique, vers la hausse, de prix de produits importés n’a rien de nouveau, elle a été maintes fois constatées par des économistes qui ironisent sur le passage en Algérie d’un « socialisme spécifique » à un « capitalisme spécifique ».
La nouveauté est que les pouvoirs publics, jusque-là peu soucieux de veiller à la vérité des prix, ont haussé le ton en direction des importateurs pour les inviter à faire profiter aux consommateurs algériens des effets de la baisse des prix sur les marchés mondiaux des produits qu’ils importent.
Le ministre du commerce, Bakhti Belaïd, les a sommé de répercuter la baisse des produits achetés à l’international sur le marché interne en rappelant que ce refus de mettre à jour les prix dans le sens de la baisse était une infraction.
« Il faut que nous revenons sur une certaine orthodoxie où il y a des règles. Le fait de ne pas répercuter la chute des cours est une infraction », a averti le ministre lors d’une réunion avec les services des douanes.
Une « nouvelle mission »
Les services du ministère du commerce ont été chargés d’inviter les opérateurs concernés à traduire la baisse des prix des produits qu’ils importent sur le marché interne. Le ministère du commerce promet de suivre l’évolution des prix à l’international pour savoir dans « quelles proportions » les baisses doivent se répercuter sur le marché interne.
« Comme ils avaient (les opérateurs) attiré notre attention sur les hausses, aujourd’hui c’est à nous d’attirer leur attention sur les baisses, ils ne sont pas nombreux ils sont presque en monopole » a déclaré M.Bakhti.
Les services de contrôle vont être mobilisées pour accomplir cette « mission nouvelle » de contraindre les importateurs à assurer une répercussion sur le marché interne des baisses à l’international. Le fait d’omettre de répercuter sur le marché interne des baisses des prix d’achat sur le marché mondial est une infraction à la loi sur la concurrence qui « s’est accentuée ces dernières années. »
Un rappel pressant alors que des fuites organisées annoncent que des augmentations des prix de l’électricité et du gasoil sont prévues dans la loi de finances 2016. Fin de laxisme du gouvernement qui appréhende les impacts politiques à terme de la baisse des recettes pétrolières à l’égard des importateurs qui bafouent les présumées sacro-saintes règles du marché?
C’est le marché qui dira si le capitalisme spécifique algérien continue à faire sa loi !