C’est une première au Maroc où sous la pression de la rue, le roi annule la grâce accordée à un pédophile espagnol multirécidiviste afin de calmer la contestation populaire.
En effervescence depuis que la nouvelle de la grâce accordée au pédophile espagnol, la rue marocaine a fini par faire plier le souverain chérifien, lequel moins de vingt-quatre heures après sa décision d’ouvrir une enquête sur cette “regrettable libération”, a décidé de l’annuler. En effet, confronté à une indignation persistante au sein de la population, Mohammed VI a décidé, dimanche, d’annuler la grâce. Ceci constitue une démarche inédite, dont l’objectif est d’apaiser la colère populaire. Cette décision, “à caractère exceptionnel”, est motivée par “la gravité des crimes commis et le respect du droit des victimes”, a indiqué le Palais royal dans un communiqué publié par l’agence officielle MAP. Selon les médias officiels marocains, Daniel Galvan Fina, âgé d’une soixantaine d’années, a été condamné en 2011 à 30 ans de prison pour des viols sur onze mineurs. Son nom s’est retrouvé dans une liste de 48 prisonniers espagnols à libérer dans le cadre d’une grâce royale accordée au nom de l’excellence des relations bilatérales, quelques jours après une visite du roi Juan Carlos. Le pédophile aurait déjà quitté le Maroc, selon des médias des deux pays, et afin de mettre en oeuvre cette mesure, Rabat devrait demander à l’Espagne de remettre la main sur lui. Selon le communiqué du Palais royal, le ministre marocain de la Justice, Mustapha Ramid, devra “examiner avec son homologue espagnol les suites à donner à l’annulation de cette grâce”. Cette annulation “ouvre la voie” à une demande de Rabat pour que le pédophile y purge le reste de sa peine (28 ans, ndlr), a affirmé l’ambassadeur d’Espagne au Maroc, Alberto Navarro, cité par le quotidien El Pais. La même source ajoute que le Palais royal prend en outre soin de rappeler que Mohammed VI a ordonné, samedi soir, l’ouverture d’une “enquête approfondie (…) visant à déterminer les responsabilités et les défaillances”. Dans cette première prise de position, il avait également assuré que Mohammed VI n’avait “jamais été informé, de quelque manière que ce soit et à aucun moment, de la gravité des crimes abjects pour lesquels l’intéressé a été condamné”. Pour rappel, de nombreux Marocains ont protesté vigoureusement depuis l’annonce de cette grâce, en milieu de semaine dernière, et des manifestations ont eu lieu dans diverses villes du royaume, l’affaire virant au scandale.
Dimanche soir, une nouvelle manifestation, en présence de plusieurs centaines de personnes, a eu lieu à Kénitra, là-même où le condamné espagnol a vécu puis y a été incarcéré, a constaté un journaliste de l’AFP. Elle s’est déroulée sous forte présence policière mais sans incidents. Les participants ont exprimé leur satisfaction du retrait de la grâce, mais demandaient toujours des explications. Les sit-in programmés, aujourd’hui, à Casablanca et demain à Rabat sont pour l’heure maintenus, selon leurs organisateurs. Des versions contradictoires ont circulé sur la raison de la présence du nom de ce pédophile sur la liste royale. Vendredi soir, plusieurs milliers de personnes s’étaient rassemblées devant le Parlement de Rabat, bravant la répression policière. Dans un pays marqué par plusieurs affaires de pédophilie au cours des derniers mois, d’autres manifestations ont ensuite eu lieu dans le nord ou encore à Agadir.