Dans l’Algérie de Missoum Sbih, tout le monde n’a pas la chance de parler librement à 08h05 du matin

Dans l’Algérie de Missoum Sbih, tout le monde n’a pas la chance de parler librement à 08h05 du matin

Les représentants officiels de l’Algérie en France ont ceci de commun qu’ils se trompent de jugement quand ils sont sollicités pour donner leur avis sur la situation de leur pays.

Avec vingt trois ans d’intervalle, l’ambassadeur d’Algérie à Paris, Missoum Sbih, a fait presque du « couper-coller (comme dirait le Premier ministre Ahmed Ouyahia) d’une déclaration faite en 1988 par Ali Amar, président de l’Amicale des Algériens en Europe.



Pressé de commenter la révolte d’octobre 1988, ce dernier l’avait qualifiée de « chahut de gamins ». Sollicité par RTL pour commenter les émeutes qui ont secoué l’Algérie en janvier 2011, M. Missoum Sbih a rétorqué : « Des émeutes ?! Quelles émeutes !! ».

Du « couper-coller », comme dirait Ahmed Ouyahia !

On attendait de son excellence qu’il développe le même discours que celui seriné depuis des années par les officiels algériens. A savoir que l’Algérie est un pays de justice, de droit, que la presse y est libre, que le pluralisme politique y est consacré, que les autorités ont déployé des efforts considérables pour développer le pays, le doter d’infrastructures, que plus de 2 million de logements y on été construits, que le chômage est presque résorbé… Bref que l’Algérie est aujourd’hui « fière et forte » pour reprendre la formule choc de son président.

A écouter son excellence Missoum Sbih, on se demanderait même pourquoi des milliers de harraga partent à l’assaut de la mer ? Pourquoi 8 citoyens dont deux sont décédés se sont-ils immolés par le feu ? Pourquoi les manifestants sont-ils sortis durant 5 jours au début du mois de janvier pour tout casser ? Pourquoi encore, samedi 22 janvier, l’Etat a-t-il déployé 15 000 policiers, mis Alger la capitale sous état de siège, pour empêcher « 300 » militants d’un patri d’opposition de marcher pacifiquement dans la rue ? Oui, on se demanderait bien si nous parlons du même pays, l’Algérie.

Au cours de son passage sur RTL, son excellente s’est laissé aller à quelques contre-vérités, au moins deux, qu’il conviendrait de relever.

En Algérie, la « presse est entièrement libre », assène-t-il. Entièrement libre ? Les Américains nous envieraient presque que notre presse soit aussi entièrement libre que la leur. Mais ce n’est pas tant le mot « libre » qui heurte, mais plutôt l’adverbe « entièrement ».

Oui, en Algérie la presse jouit d’une certaine liberté. Oui, en Algérie, il y a des journaux qui ne sont pas soumis à la censure, qui écrivent librement, qui critiquent le pouvoir, qui exercent leur droit à la libre expression, droit qui ne leur a pas été offert sur un plateau, mais arraché de haute lutte.

Mais cette liberté est relative, limitée, restreinte, sans cesse remise en question par le pouvoir. Il n’y a qu’à voir l’obstination des autorités à refuser d’abroger les amendements apportés au code pénal en mai 2001, amendements jugés répressifs, pour s’en convaincre.

En Algérie, la presse y est « entièrement libre » ? Et pourquoi donc les autorités algériennes refusent-elles de lever le monopole sur les médias audiovisuels, le monopole sur la manne publicitaire gérée et distribuée encore aujourd’hui par un organisme d’Etat, l’ANEP, comme au bon vieux temps du parti unique ?

Les partis politiques sont libres de s’exprimer, affirme encore son excellence l’ambassadeur ? Pauvres opposants algériens ! Il leur aura fallu attendre le lundi 24 janvier 2011 pour s’apercevoir, via leur ambassadeur d’Algérie à Paris, qu’ils sont libres de s’exprimer dans leur pays.

En vérité, les partis politiques, excepté ceux qui font partie de la coalition présidentielle, n’ont pas droit de cité dans les médias publics, pourtant financés avec l’argent du contribuable. Ils ne peuvent pas non plus organiser des manifestations de rue, tenir des meetings, sans devoir formuler une autorisation aux pouvoirs publics, autorisation refusée dans la plupart des cas.

Et que dire de ces partis qui ont déposé des demandes d’agrément auprès du ministère de l’Intérieur et qui attendent depuis des lustres une réponse qui ne vient jamais. Et qui ne viendra sans doute jamais…

Dans l’Algérie de Missoum Sbih, les opposants n’ont pas l’opportunité de venir sur une radio privée, à 8h05 du matin, s’exprimer librement comme l’a fait son excellence sur RTL ce lundi 24 janvier 2011.