Damas signe l’échec du plan de Kofi Annan

Damas signe l’échec du plan de Kofi Annan

La Syrie dit mettre en œuvre le plan de paix, ce que Paris nie formellement.

Le plan de paix pour la Syrie, incarné par Kofi Annan et soutenu en principe par toute la communauté internationale, est-il moribond? La question sera au centre des discussions qu’auront les chefs de la diplomatie du G8, mercredi et jeudi, à Washington. À la veille de ce rendez-vous, toutefois, le diagnostic était très réservé. La date du 10 avril, mardi donc, était l’échéance fixée par le plan Annan pour un retrait de l’armée syrienne des grandes villes. Un cessez-le-feu devait théoriquement suivre sous quarante-huit heures, c’est-à-dire avant le 12 avril. Toutefois, à l’expiration de ce délai, aucune application tangible du plan n’était observable sur le terrain. À l’approche de l’ultimatum, les combats entre soldats gouvernementaux et insurgés continuaient à faire rage comme cela a été le cas, avec une intensité accrue, ces derniers jours. Pourtant, les autorités syriennes ont fait savoir à Moscou qu’elles avaient commencé leur retrait militaire de la ville de Homs. Et depuis la capitale russe, où se trouvait le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem, son homologue russe Sergueï Lavrov a assuré que Damas avait commencé à obtempérer. Il a même appelé son allié syrien à être «plus actif» en la matière, lors d’une conférence de presse conjointe. «Nous avons déjà effectué le retrait de nos unités militaires dans certaines provinces», a ajouté le ministre russe, sans autre précision.

Une surenchère sans limite

Ces affirmations ont suscité un démenti catégorique à Paris. «Les faits que relève l’envoyé spécial (Kofi Annan, NDLR) sont sans ambiguïté. Non seulement les tirs à l’arme lourde n’ont pas cessé, non seulement les libérations de prisonniers politiques sont minimes par rapport à l’ampleur de la répression, non seulement Damas s’attaque maintenant à ses voisins, mais ce qui est présenté comme un retrait n’est en fait qu’un redéploiement à peine déguisé», a observé Alain Juppé.

Après les incidents frontaliers de ces derniers jours, la tension turco-syrienne s’est en effet rajoutée à l’équation. De leur côté, les rebelles ont appelé au respect «immédiat» d’un cessez-le-feu et fait savoir qu’ils reprendraient leurs attaques si l’armée syrienne n’avait pas quitté les villes sous 48 heures.

Face à la course de lenteur engagée par le régime de Bachar el-Assad, la marge de manœuvre de Kofi Annan se réduit comme peau de chagrin. L’émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe, qui s’est déplacé mardi à Téhéran après avoir visité un camp de réfugiés syriens en Turquie, a rendu compte mardi dans une lettre au Conseil de sécurité des difficultés extrêmes de sa mission. Selon Kofi Annan, l’armée syrienne se retire bien de certains endroits, mais pour prendre position dans d’autres qui n’étaient pas visés auparavant. Volontariste, il a toutefois estimé qu’établir un acte de décès de son plan était prématuré et réitéré un appel au cessez-le-feu avant jeudi. Le Conseil de sécurité de l’ONU a relayé cet appel.

La fenêtre diplomatique se réduit de jour en jour sans qu’une alternative apparaisse. Mardi, la Maison-Blanche a dit souhaiter que l’ONU agisse si Bachar viole ses engagements. «Nous arriverons très bientôt au moment de vérité», a estimé l’émissaire américaine Susan Rice. Quelle forme pourrait prendre cet engagement de l’ONU? La Russie, qui a appuyé le mois dernier la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité soutenant le plan Annan, exerce bien une «pression» sur le régime de Bachar el-Assad mais elle se refuse à toute initiative qui accroîtrait ses difficultés. Un déploiement d’observateurs (200 à 250) est envisagé, après un cessez-le-feu. Mais Damas a déjà commencé à tergiverser en exigeant un droit de regard sur la composition de cette mission. Enfin, un renforcement des sanctions est à l’étude, même si la panoplie est déjà bien étoffée. Une réunion devrait avoir lieu à Paris le 17 avril.