Dailymotion et YouTube en crise

Dailymotion et YouTube en crise

Les soucis judiciaires sont derrière nous », veut-on croire chez Dailymotion. Le site français de partage de vidéos, qui permet gratuitement aux internautes de poster leurs films ou de regarder ceux des autres, a défrayé la chronique ces dernières années à cause de la quantité de contenu diffusée sans permission des ayants droit. Dans un arrêt du 6 mai rendu public lundi 11 mai, la cour d’appel de Paris a confirmé le statut d’hébergeur de Dailymotion dans un différend l’opposant aux ayants droit du film Joyeux Noël. En clair, la société ne peut pas être tenue responsable pour le contenu qu’elle diffuse.

Le 27 avril, le tribunal de commerce de Paris avait déjà reconnu le statut d’hébergeur du site à propos de la diffusion du film Le Parfum. « Nous n’avons plus d’assignations au fond depuis un an », se félicite Giuseppe de Martino, directeur juridique de Dailymotion.

Le deuxième site le plus visité de l’Internet hexagonal – 54 millions de visiteurs uniques en mars 2009, selon ComScore – n’est pas pour autant tiré d’affaire. Il lui reste à prouver la pérennité de son modèle économique. Pour l’instant, ses performances financières ne sont pas à la hauteur de son audience. En 2008, il n’a engrangé que 11,5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Martin Rogard, son directeur France, refuse de préciser si la société est rentable et confirme qu’elle cherche depuis plusieurs mois à boucler une levée de fonds (la troisième depuis sa création, en 2005).

Comme YouTube, son très gros concurrent américain filiale de Google (415 millions de visiteurs uniques en mars, selon ComScore), Dailymotion a fait le pari, risqué en ces temps de crise, d’un modèle 100 % publicitaire. Or, selon Martin Olausson, du cabinet Strategy Analytics, « une grande majorité des annonceurs est très réticente à acheter des espaces publicitaires en regard des vidéos postées par les internautes. Ils disent qu’il est difficile de protéger leur image, car ils ne contrôlent pas ce contenu ». Ils préféreraient coller leurs publicités aux contenus certifiés par les ayants droit, contenus qui sont encore loin de représenter la majorité de l’offre sur YouTube ou Dailymotion. YouTube est aussi à peine engagé dans cette démarche et, selon une étude publiée début avril par Credit Suisse, ne « monétiserait » pas plus de 3 % de ses vidéos.

HULU, le nouveau modèle

Pour aggraver leur cas, les deux sites ont des coûts de fonctionnement élevés. YouTube dépenserait 1 million de dollars par jour au titre de la bande passante, selon Credit Suisse… M. Rogard, chez Dailymotion, assure cependant que le premier poste de dépense du site,  » ce sont les frais de personnel ».

Enfin, la concurrence se fait menaçante. Jusqu’à présent très frileuses sur Internet, les télévisions françaises ont constaté que la diffusion de leur contenu en ligne ne portait pas forcément préjudice à leurs audiences. La mise en ligne de la « Nouvelle star » sur M6 a boosté l’audience du jeu à l’antenne. Même succès pour « Koh Lanta » sur TF1 et TF1.fr. Du coup, elles passent à l’offensive avec la « catchup tv », la télévision de rattrapage sur le Web, en reprenant à leur compte les recettes qui ont fait le succès de YouTube et Dailymotion : émissions en version intégrale ou zapping des meilleurs moments des programmes. Avec succès.

M6 va annoncer dans les prochains jours 100 millions de programmes vus sur son site M6 Replay depuis son lancement en mars 2008. TF1 a recensé un milliard de vidéos vues sur TF1.fr en 2008. Or, « quand leurs audiences décolleront, les chaînes n’auront plus intérêt à être présentes sur les agrégateurs de contenu YouTube ou Dailymotion », selon Laurent Geffroy, de Greenwich Consulting.

Du coup, le modèle auquel croient les spécialistes est plutôt celui de Hulu, le site de partage de vidéos lancé en 2007 par News Corp. et NBC Universal, qui agrège les contenus télé et cinéma des deux groupes de média et dont l’audience croit à vitesse exponentielle. « Hulu semble avoir réussi à convaincre Hollywood et les chaînes qu’il est une bonne plate-forme pour diffuser des programmes longs et des films. Il va ainsi bientôt diffuser une partie du contenu de la filiale de Disney ABC (« Desperate Housewives », etc.) », selon Peter Kafka, journaliste sur le blog Allthingsdigital. « Hulu est le site qui a le plus de chances d’être rentable rapidement », note M. Olausson.