Le gouvernement Ouyahia poursuit ses réunions en série avec, au «menu» aujourd’hui samedi, deux projets de lois d’une extrême importance : le code de l’information et la loi sur les partis. Ce dernier texte risque de faire beaucoup de bruit. Plus que tous les autres, en tout cas.
La mouture concoctée par le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia réduit, de manière drastique, la marge de manœuvre des partis politiques. Selon une source informée, Ouyahia avait préalablement ordonné à son ministre de l’Intérieur de reformuler un article qui, s’il était maintenu, aurait provoqué une grande polémique.
«Initialement, Ould Kablia proposait un article qui limitait le nombre de mandats pour les chefs de parti à un seul ! Cela avant qu’il ne reformule dans le sens d’une obligation faite aux partis de garantir l’alternance à la tête de leurs instances dirigeantes. » Une formule ambiguë et qui, de fait, érige le ministère de l’Intérieur en véritable maître du jeu politique dans le pays. «Tout sera question de l’interprétation qu’en fera le ministère de l’Intérieur de l’alternance en question», estime notre source. «Car si les gens focalisent sur le seul chef de parti, ce dernier peut très bien prétexter qu’en la matière, il a satisfait à cette obligation de la loi dès lors que des instances, comme le bureau national ou le conseil national, auront été renouvelées comme cela se fait à chaque congrès», explique notre source. Ceci, tandis que cette même ambiguïté pourrait fournir des munitions à des mouvements de fronde, phénomène récurrent dans la classe politique algérienne. Quiconque pourrait en effet s’appuyer sur cette disposition pour réclamer le départ d’un chef de parti contesté et qui aura cumulé plus d’un mandat. En d’autres termes, quasiment l’ensemble des actuels dirigeants des partis algériens. Autre disposition qui créera certainement la controverse, au sein des partis de l’Alliance surtout, celle consistant à interdire tout lien entre les partis politiques et les organisations associatives. Prévue par ailleurs par la nouvelle loi sur les associations, cette disposition fera certainement s’ériger contre elle des partis comme le FLN, le RND et le MSP qui se partagent les grosses organisations de masse comme l’Ugta, l’Unja, l’Unfa, l’Unea, l’Unpa, les Scouts, l’Ugel, El Irchad, en plus des organisations de la famille révolutionnaire comme la toute-puissante ONM, l’Onec, la Cnec, etc. Tous les membres dirigeants de ces organisations sont militants et cadres dirigeants des partis suscités.
L’ex-parti unique réserve même des quotas, «au titre du mouvement associatif et de la famille révolutionnaire», à ses satellites, dans ses instances dirigeantes comme le comité central ou le bureau politique. Inversement, ces mêmes organisations s’adonnent, elles, à une véritable alchimie politique, lors de leurs congrès respectifs pour satisfaire à cette règle non écrite consistant à assurer un certain équilibre entre ces mêmes partis dans les instances dirigeantes. Même le PT de Louisa Hanoune y est adjoint parfois, comme c’est le cas de l’UGTA. Le pouvoir privera-t-il réellement ses propres partis de leurs «antennes associatives» ? Ce sera difficile à croire et, certainement, les toutes prochaines élections législatives et locales constitueront un véritable test pour Ould Kablia. Un Ould Kablia qui s’arroge «du reste» des prérogatives exorbitantes dans la mouture qu’il présente aujourd’hui au gouvernement. C’est le cas de cette obligation faite aux partis, par exemple, de présenter un bilan financier annuel au ministère de l’Intérieur. Mais aussi cette prérogative, jadis apanage de la justice, de procéder à des dissolutions de partis. En vertu de cette nouvelle loi aussi, la langue amazighe est enfin admise dans l’activité politique nationale. Il y est expressément écrit que «les activités des partis politiques se font uniquement dans les langues nationales ». Au pluriel donc et non plus «dans la langue nationale», comme c’était le cas de l’ancienne loi. Enfin, il y a lieu de relever que la nouvelle loi sur les partis enterre définitivement le FIS en interdisant toute éventualité de «faire agréer un parti qui a fait déjà l’objet d’une dissolution».

K. A.