A la veille de la célébration du 1er Novembre, le président de l’Association nationale du Malg a fait une curieuse sortie qui incite à moult interrogations.
Le projet de loi criminalisant le colonialisme en Algérie «ne trouve pas de fondement juridique», «de soutien législatif» et son «application est illusoire». C’est en ces termes que Daho Ould Kablia a qualifié l’initiative des 125 députés porteurs d’un projet de loi criminalisant le colonialisme.
A la veille de la célébration du 56e anniversaire du 1er Novembre 1954, date chère aux Algériens, le président de l’association des anciens du Ministère de l’Armement et des Liaisons générales (Malg), semble ainsi avoir mis les pieds dans le plat en se prononçant sur une loi, pour le moment au stade de projet. Selon des propos du quotidien arabophone, Ech Chourouk, repris par l’Agence France Presse, M.Ould Kablia précise qu’il s’exprime sous sa casquette de moudjahid et ancien haut combattant de la guerre de Libération nationale. «L’idée aujourd’hui d’une loi criminalisant le colonialisme, initiée par certaines parties, en réponse à des lois françaises, même si elle peut se justifier d’un point de vue moral lié à la mémoire, ne peut, à mon avis, avoir de fondement juridique de soutien du point de vue de la législation pour son application», a ainsi déclaré M.Ould Kablia, au journal arabophone Ech-Chourouk.
Et de qualifier l’application d’une telle loi «d’illusoire». «Si le projet de loi des députés venait à être adopté, il désignerait des responsables: l’Etat français, ses gouvernements successifs, son armée, ses dirigeants politiques et militaires qu’il faudra nommer. C’est ce qui rend son application illusoire», explique-t-il. Hormis ce jugement, M.Ould Kablia n’a apporté ni précisions ni explications à propos de son point de vue. Il aurait été pourtant judicieux d’expliquer aux Algériens, qui fêtaient le 56e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération, le pourquoi de cette irrecevabilité juridique.
Sans remettre en cause, ni commenter la réponse du ministre de l’Intérieur, ce dernier aurait sans doute enrichi le débat portant sur la criminalisation de la colonisation. Certes, M.Ould Kablia s’exprime en tant qu’ancien membre du Malg, selon la même source, mais son intervention peut, sous certains aspects, traduire la position du gouvernement dont il est membre.
Dans ce cas, il appartient au ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, d’apporter de telles précisions. Des explications qui peuvent être fournies, aussi bien par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ou encore le premier magistrat du pays, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika.
Il y a lieu donc de s’interroger sur le pourquoi de cette sortie alors que le pays se préparait à commémorer le 1er Novembre à travers de nombreuses festivités organisées à travers tout le territoire national. Selon des observateurs, les déclarations du patron de renseignement de l’Armée de libération nationale (ALN) se justifieraient par un des articles des Accords d’Evian lequel amnistie les actes commis avant 1962».
Or, le droit international prime sur les accords bilatéraux. Le droit international condamne le crimes de génocide, crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité. Ces crimes sont, selon le droit international, imprescriptibles. Ce qui veut dire que le temps ne joue pas pour ce qui les concerne, même un siècle après les faits.
De fait, la Loi fondamentale algérienne garantit une couverture pour l’application de cette proposition de loi. L’article 132 de la Constitution stipule en effet que «les traités ratifiés par le président de la République, dans les conditions prévues par la Constitution, sont supérieurs à la loi».
Cela signifie que le droit international, Convention de Genève de 1949 paraphée par l’Algérie en 1963 portant sur les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, sont supérieurs à toute autre loi ou accords bilatéraux ou nationaux. Il devient clair, ainsi, que le droit international est au-dessus des Accords d’Evian.
Ces derniers ne peuvent constituer en aucune manière un frein ou un obstacle pour légiférer sur le crime contre l’humanité ou l’incrimination du colonialisme. Mais le débat, à l’évidence, demeure ouvert, d’autant plus que plusieurs pays qualifient leurs juridictions à connaître de tels crimes ou génocides.
Tahar FATTANI