C’est une déclaration lourde de sens que le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, a lancée hier depuis Tizi Ouzou. Coiffé de la casquette de président de l’Association des anciens du MALG (ministère de l’Armement et des Liaisons générales au temps de la guerre de Libération), le ministre regrette que les hommes qui ont conduit l’Algérie à l’indépendance aient été écartés des instances dirigeantes du pays après 1962.
«C’est malheureux que les négociateurs d’Evian n’aient pas gouverné», a déclaré Ould Kablia lors de la conférence-débat qu’il a animée à la grande salle de la maison de la culture Mouloud-Mammeri à l’occasion du 50e anniversaire des accords d’Evian. Pour lui, «l’Algérie aurait été un pays démocrate au lendemain de l’indépendance». Le conférencier a mis en exergue le rôle joué par les hommes qui ont négocié l’indépendance de l’Algérie.
«Le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) a d’ailleurs approuvé l’accord par 47 voix ; seuls quatre membres ont voté contre, dont Houari Boumediene», précise le président de l’association des anciens du MALG, ajoutant que «le chef d’état-major n’a pas apprécié le fait de ne pas avoir été associé aux négociations».
Le conférencier, en sa qualité d’ancien du MALG, a retracé l’histoire de toutes les négociations qui ont eu lieu entre l’Algérie et la France coloniale bien avant 1954 et jusqu’au 18 mars 1962, date de la signature de l’accord de cessez-le-feu. Il dévoilera par la même occasion des documents inédits dont des PV qu’il projette de remettre aux Archives nationales «au moment opportun», «après l’écriture de mon livre», dit-il.
Krim a marqué l’histoire de l’Algérie et des accords d’Evian
Entamant sa conférence, Ould Kablia dira d’emblée que le choix de Tizi Ouzou pour entamer sa série de conférences n’est pas fortuit, eu égard au rôle de Krim Belkacem, chef de la Wilaya III historique : «Il faut reconnaître que Krim est l’homme qui a marqué l’histoire du pays et des négociations finales d’Evian qui ont abouti à l’indépendance de l’Algérie»,
a déclaré le ministre. Et d’enchaîner que les postes occupés par Krim Belkacem, notamment celui de vice-président du GPRA, ministre des Forces armées, ministre des Affaires étrangères et enfin ministre de l’Intérieur lui ont permis d’acquérir un bagage qui lui permettait de mener à bon port les négociations.
Des contacts secrets aux rencontres officielles en passant par des interruptions, le conférencier a expliqué que la ligne directive du FLN au temps de la guerre n’a jamais changé, puisque celui-ci a toujours insisté sur l’intégrité du territoire national et sur le droit du peuple algérien à l’indépendance.
D’ailleurs, en 1961, alors que deux communiqués simultanés sont rendus publics à Tunis et Paris pour annoncer la reprise des négociations, le FLN posera cinq conditions : l’unité du territoire national, le Sahara partie intégrante du pays, pas de cessez-le-feu avant les résultats des négociations, la libération des cinq détenus du FLN et sa reconnaissance comme seul et unique représentant du peuple algérien.
«Les détenus, fera savoir Ould Kablia, ont été toujours mis au courant des négociations et de leurs résultats». «Le 31 janvier 1961, Krim, Ben Tobal et Ben Yahia sont allés même à leur rencontre en prison», dit-il.
Le conférencier regrette par ailleurs que «la France actuelle ait devancé l’Algérie en racontant notre histoire à travers l’écran». Le ministère de la Défense nationale «détient toujours plus de dix tonnes d’archives» qui demeurent inaccessibles aux jeunes qui ont soif de connaître la vraie histoire de leur pays.
Aissa Mouss