Daho Ould Kablia à propos des législatives «Parler de désintérêt total ne reflète pas la réalité»

Daho Ould Kablia à propos des législatives «Parler de désintérêt total ne reflète pas la réalité»
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«Il faut attendre le résultat des élections pour voir si la mobilisation peut être comprise comme une intention de vote»

A deux jours du rendez-vous des urnes, le ministre de l’Intérieur est des Collectivités locales tire un bilan positif de la campagne électorale. Pour lui, il revient aux électeurs de juger l’impact du discours politique. M.Ould Kablia affirme qu’il n’est pas attendu des observateurs qu’ils donnent un chèque en blanc aux autorités. Ce n’est pas leur rôle et chacun doit être replacé dans le sien. Ecoutons-le.

L’Expression: La campagne électorale arrive à son terme. Quel est votre bilan?

Daho Ould Kablia: En tant que ministre de l’Intérieur, il est important de faire le bilan sur le respect des textes de lois, sur le respect des règles démocratiques et sur le climat qui a prévalu pendant la campagne. Globalement, l’ensemble des partis et des candidats ont été respectueux des règles établies par les lois et leurs textes d’application. II y a eu beaucoup d’engagement, d’efforts de la part de ceux qui se sont impliqués dans la bataille électorale: meetings, rencontres, actions de proximité. Les espaces médiatiques ont été occupés. Par ailleurs, tout cela s’est fait dans un climat caractérisé par le respect. Il n’est pas apparu de conflits, de problèmes d’ordre public. Sur ces aspects, le bilan de la campagne est globalement positif. Maintenant concernant l’impact des discours électoraux sur les citoyens, c’est un autre débat. Il revient aux électeurs d’en juger.

Il a été constaté un désintérêt total des citoyens pour le discours politique produit au long de cette campagne. Les partis sont-ils responsables de cet état de fait?

Parler de désintérêt total ne reflète pas la réalité. A mon avis, il faut nuancer et analyser les activités de la campagne. Tout d’abord, il était attendu que les nouveaux partis, malgré de gros efforts pour être présents à travers la quasi-totalité des wilayas, ne puissent pas mobiliser de grandes foules. Ils sont en train de se construire, de «recruter» des militants, d’essayer de convaincre. Ce n’est pas facile. Pour les autres partis qui existaient déjà, la campagne a fait apparaître des situations très diverses, influencées par plusieurs facteurs, notamment:

– l’ancrage du parti dans la société avec l’existence des militants et leurs capacités à mobiliser,

– la crédibilité des candidats et les critères affichés pour leur choix,

– le réalisme du discours. -les représentations locales ou même tribales à travers les listes,

– la proximité des candidats vis-à-vis du citoyen.

Tout ceci a fait que les partis ont mobilisé à des niveaux différents, et pas de manière uniforme dans l’ensemble des wilayas. Mais il y a, incontestablement sur le plan de la mobilisation, ceux qui ont drainé plus que les autres. Il faut aussi tenir compte de la mobilisation faite par les indépendants qui est très diverse. Maintenant, il faut attendre le résultat des élections pour voir si la mobilisation peut être comprise comme une intention de vote qui se confirme le jour des élections.

Selon vous, un fort taux d’abstention ne signifierait-il pas un échec du processus des réformes politiques, quand on sait que la prochaine Assemblée aura pour mission de revoir la Loi fondamentale du pays?

Il faut déjà rappeler que, traditionnellement, et pas seulement en Algérie, les élections législatives sont celles qui mobilisent le moins, parce que la perception des enjeux autour des élections présidentielles, locales ou législatives ne sont pas les mêmes. L’autre aspect qui pèse, c’est que le député, même s’il est élu localement à un mandat national, est souvent coupé de la base qui l’a élu et des préoccupations qu’elle exprime. Maintenant, il faut restituer cette législature dans le contexte des réformes politiques engagées par notre pays.

Vous parlez déjà d’échec, mais il faut rappeler que nous sommes dans un processus de réformes et à ce titre, nous ne pouvons pas parler d’échec, parce qu’un processus permet au fur et à mesure que l’on avance de faire évoluer les choses, et d’adapter, si nécessaire, le contenu des réformes aux attentes des citoyens.

Un fort taux d’abstention, c’est aussi une manière qu’ont les citoyens de s’exprimer sur le discours politique tenu par les partis, et leur niveau d’adhésion aux projets des uns et des autres. Enfin, une participation importante donnera effectivement, de par sa représentativité, plus de légitimité à l’Assemblée pour examiner la Loi fondamentale et les amendements qui y seront apportés. Tous ceux qui sont conscients de cet enjeu par rapport à l’avenir de l’Algérie, iront voter.

Selon vous, il n’y aura pas de majorité partisane à la future APN. Pourquoi?

Le nombre de listes des partis et des indépendants en lice laisse présager un éparpillement de voix, et une majorité absolue de 232 voix, semble difficile à obtenir. Cet éparpillement peut faire aussi que de nombreuses listes qui ont moins de 5% des suffrages exprimés, ne seront pas admises à la répartition des sièges, tel que le stipule la loi. Toutefois, une grande diversité à l’Assemblée peut être aussi une richesse qui conforte une expression démocratique plurielle.

La Cnisel a relevé plusieurs infractions lors de cette campagne, entre autres un abus dans l’utilisation des moyens de l’Etat par des partis au pouvoir. Pourtant, vous avez donné des instructions fermes aux walis quant à cet aspect de la campagne?

Il y a eu effectivement des infractions qui ont été relevées sur l’utilisation de véhicules ou gardes du corps, mais qui restent marginales et elles ne sont pas le fait de l’administration territoriale. Aucun wali n’a mis à la disposition des partis au pouvoir des moyens de la wilaya (ni véhicules ou autres), et les instructions fermes qui ont été données me semblent avoir été respectées.

La loi électorale prévoit des sanctions qui pourraient aller jusqu’à l’emprisonnement. Dans quelles mesures seront-elles appliquées?

A mon avis, il faut distinguer deux situations différentes: les cas d’incivilité qui s’expriment çà et là, mais qui n’ont pas d’impact notable sur le déroulement de la campagne, et les résultats qui vont en sortir Il s’agit surtout de l’affichage sauvage. Par contre, il y a les délits qui ont été énumérés par la loi, qui a prévu les sanctions correspondantes et qui peuvent aller jusqu’à 20 ans de réclusion. Pour ces infractions, si elles devaient survenir, il appartient à celui qui constate le délit de saisir la justice qui est chargée de juger, délivrer les sanctions et les faire appliquer.

Les observateurs de la scène politique estiment que la présence des observateurs internationaux est un alibi pour crédibiliser davantage ces élections…

Quand on parle d’alibi, on renvoie à de la suspicion. A mon avis, la présence d’observateurs et les facilitations qui leur sont faites pour accéder à toutes les informations relatives au processus électoral sont un indicateur de la régularité de l’opération, et de la neutralité des pouvoirs publics. Quand la transparence est là, il y a de la crédibilité.

Le chef de la mission d’observation électorale de l’UE a déclaré qu’il ne va pas donner un chèque en blanc aux autorités algériennes.

Il n’est pas attendu des observateurs qu’ils donnent un chèque en blanc aux autorités. Ce n’est pas leur rôle et chacun doit être replacé dans le sien. Le rôle des observateurs est fixé par le mémorandum qu’ils ont signé avec le ministère des Affaires étrangères et qui leur confère la possibilité d’observer les élections et le respect de la stricte neutralité de tous les acteurs intervenant dans le processus.

L’Etat a mis d’énormes moyens pour assurer un bon déroulement des élections, peut-on savoir à combien s’élève l’enveloppe financière de couverture du scrutin du 10 mai?

L’Etat est détenteur de la mission régalienne d’organisation des élections. A ce titre, il doit mettre les moyens correspondant aux coûts inhérents à l’opération; notamment:

– le coût du matériel.

– le coût du personnel

– le coût relatif à la confection des bulletins de vote.

Le nombre des bureaux de vote et du personnel est sensiblement le même.

Par contre, vous devinez bien que le coût de la confection des bulletins de vote a été multiplié du fait du nombre des listes. Les urnes transparentes ont été aussi une acquisition nouvelle. Tout cela a généré effectivement un coût supplémentaire.

Votre dernier mot?

Le dernier mot est mon souhait: c’est que tous les moyens qui sont mobilisés qu’ils soient d’ordre juridique, organisationnel, humain, financier, convergent vers la création d’un climat propice à un jeu démocratique qui conforte les libertés publiques et permette au citoyen de participer aux décisions qui concernent son avenir, conformément aux voeux réitérés de Monsieur le Président de la République