D’Aghbalou à Bechloul, La face cachée de Bouira

D’Aghbalou à Bechloul, La face cachée de Bouira

P131208-11.jpgAghbalou, anciennement Thakarboust reste l’un des villages les plus peuplés d’Algérie

Les dernières perturbations naturelles qui ont affecté la wilaya de Bouira ont dévoilé plusieurs dysfonctionnements, mais surtout augmenté les difficultés au quotidien de milliers de citoyens vivant dans les zones retirées et enclavées.

Les exemples sont nombreux et concernent toutes les régions de la wilaya sans distinction. Certes, des avancées ont été enregistrées sur le plan du gaz et de l’électrification, en matière d’ouverture de pistes, de réalisation d’écoles… mais il reste beaucoup à faire. La visite prochaine du Premier ministre, si Bouira est bien sûr retenue, doit permettre de demander de l’argent pour répondre aux multiples doléances de ses habitants. Nous commencerons notre ronde depuis l’extrême nord-est de la wilaya.

Aghbalou, anciennement Thakarboust reste l’un des villages les plus peuplés d’Algérie. Ce titre n’a pas pesé dans la répartition des richesses du pays. Le gaz naturel est une réalité. Dernièrement, au mois d’octobre dernier, le village de Tiksiridène a bénéficié de ce produit, puisque plus de 900 familles ont été raccordées au réseau public parti de Chorfa. Pour diverses raisons, justifiées quelquefois mais subterfuges d’autres fois, des milliers de foyers attendent. Quand on connaît l’extrême rudesse du climat dans cette partie collée au flanc du majestueux Djurdjura, on devine les raisons de l’impatience des habitants.

La tristesse qui a eu raison de feu Amirat Slimane, l’enfant prodige de la région, au chevet de son ami feu Boudiaf, se voyait sur le visage de ces enfants qui dans un froid glacial rejoignaient leurs écoles où des poêles à mazout tentent de réchauffer l’atmosphère. Le combat entre la nature et l’homme est en faveur du premier antagoniste. En remontant vers la capitale de la wilaya, on découvre un autre tracas, mais pas des moindres. Il y a du beau monde aux multiples points qui font office d’arrêt tout au long de la route qui relie Chorfa à la wilaya de Tizi Ouzou par le col de Thirourda. Les fourgons acquis dans le cadre de l’Ansej et quelque J5 aménagés font les aller-retour. «Ce travail ne rapporte rien. On le fait par solidarité avec nos compatriotes. Le relief est dur et nos véhicules ont une durée de vie limitée. Les banques et l’Ansej doivent se pencher sur notre cas. Nous ne sommes pas comme ceux qui travaillent dans les régions plates» nous confiera Omar, un jeune qui fait jusqu’à 20 rotations /j entre Chorfa et Thakarboust. Une route a été réalisée pour désenclaver la partie est de la commune. Cet axe montre déjà des signes d’usure à cause des tracteurs.

Si Omar a fait son beurre dans l’huile

Tout au long du trajet qui nous conduit à M’chedallah, des filets de fumée, semblables à ceux utilisés dans les films par les Indiens, émergeaient des champs sur les deux bords de la route. C’est le signe du début de la cueillette des olives. Nous marquons un arrêt dans un pressoir à Chorfa celui des Salhi. Cette famille est dans l’huile depuis la nuit des temps. L’outillage a été modernisé, mais la technique est restée la même et le métier s’hérite de père en fils. «La récolte sera moyenne cette année. La persévérance de la sécheresse a eu raison du grain. Par région, il tombe prématurément, dans d’autres, il donne des signes de pourrissement…», nous confie Si Omar, un ancien dans la profession. Le voyage vers Bouira continue. Une halte s’impose à Raffour, un village né autour de la RN28. Les cafés, les restaurants s’alignent sur les deux bords de la route.

Les prix dans ce village ressemblent à ceux des grands halls d’outre-mer. Malgré les multiples interdictions, des jeunes sont venus «coller» des baraques à l’entrée et à la sortie pour créer un petit marché aux fruits et légumes. «Pour le coût, c’est toujours deux fois le prix ailleurs», nous avertit un voyageur en direction de Béjaïa. Sur la rive est de la Soummam ou du Sahel (appellation locale de l’oued) apparaît le village d’Ath Bouali. Les constructions en pierre bleue côtoient des habitations plus modernes.

La mosquée tout en haut du mont domine les lieux. Ighrem» est le dernier village avant la daïra de Bechloul. Ce village donne l’impression d’être d’une autre époque. Chaque bicoque propose de l’huile d’olive. Avant l’ouverture de l’autoroute Est-Ouest notre village vivait du commerce aujourd’hui, il n’y a rien. Nous sommes une espèce en voie d’extinction» nous déclare Djalal, un natif du village. El Adjiba se modernise. Cette petite commune vit à son rythme.

Dès son arrivée, un air de tranquillité s’empare du visiteur.

«L’isolement créé par l’autoroute est partout. Les voyageurs ne passent plus par la ville. Le commerce a reçu un bon coup.

«Heureusement que nous ne dépendons pas de ces activités» nous précisera un ancien élu, aujourd’hui retraité.

L’abondance de l’eau due au barrage de Tilesdit a boosté l’agriculture et les champs de cardes s’étalent à perte de vue. La pomme de terre aussi est fortement produite. Parceque la situation est identique un peu partout, nous prendrons trois villages de la daïra de Bechloul en l’occurrence Azaknoun, Tizza et Bouakache que nous avons déjà visités et rapporté dans des éditions précédentes..

Des régions coupées du monde

De l’avis de tous, la vie en ces milieux ruraux qui se caractérise par la quiétude s’est transformée, en l’espace d’une quinzaine de jours, en véritable calvaire. Par le passé déjà, le village «Azaknoun», situé à moins de dix kilomètres au sud de la commune d’Al Adjiba, daïra de Bechloul, figurait sur la liste des localités les plus démunies en matière de développement. Le chemin communal bitumé qui relie le chef-lieu de la commune et les autres bourgades de la partie Sud, les pistes qui sillonnent, de long en large, le village, sont dans un état d’impraticabilité totale et ont subi de plein fouet les aléas d’une neige qui a détérioré ces axes de passage. Les pluies qui se sont succédé aussi ont porté atteinte à ces infrastructures puisqu’il suffit de petites averses pour que tout devienne marécage. Le village de Tizza ou Taaribatt, situé à deux kilomètres au sud de la commune d’Ahl El Kseur, vit une situation identique. L’arrivée de l’hiver suscite déjà l’inquiétude parce qu’en plus de la dégradation des réseaux routiers, ce village vit annuellement un autre manque: le gaz butane. Ce souci succède à celui de l’été: le manque d’eau. Il ne s’agit pas d’un manque de ce liquide vital, mais une insuffisance générée par la dégradation et la vétusté du réseau AEP. Les quantités d’eau qui coulent, vainement, dans la nature, sont très importantes comparativement à quelques gouttes atteignant les robinets. Le projet portant la réalisation de nouvelles conduites d’AEP, à l’image de ce qui a été fait dans d’autres communes et les bourgades environnantes, a contourné le village. Et pour assurer la distribution de l’eau potable à partir du barrage de Tilesdit, les services concernés se contentaient d’utiliser un réseau existant déjà, et dont la réalisation remonte à l’époque coloniale. Le débit et la pression générés par le refoulement de l’eau à partir du barrage sont venus à bout de ces canalisations qu’aucune partie ne tente de réparer ou simplement de changer. S’agissant du village de Bouakache, situé à deux kilomètres à l’est de la commune d’Al Adjiba et à quelques centaines de mètres de la RN 05, il souffre de l’isolement. Là aussi les difficultés sont les mêmes. Les habitants souffrent le martyre. Le gaz qui a été un vrai problème lors des dernières intempéries est arrivé pour atténuer les difficultés. Le chemin menant à ce village impraticable tout au long de l’année, hiver comme été, a été réaménagé grâce à une action de volontariat et aussi au nouveau maire de Bechloul. Un terrain vague fait office de gare routière. L’ordre est imposé par les propriétaires des fourgons. Chacun attend son tour en file indienne (les Indiens sont partout). Tout au long du déplacement une image marque l’usager. Ces abribus réalisés à la va-vite, n’importe comment. Chaque jour que Dieu fait, écoliers, fonctionnaires et autres passent des heures et des heures au niveau de l’abribus en attendant le transport public. Qu’il vente ou qu’il neige, des centaines de personnes prennent leur mal en patience. Même si les récentes dégradations du temps n’ont engendré aucune victime, elles auront eu le mérite de rappeler que le développement ne doit en aucun cas se résumer aux villes et aux grandes agglomérations.

L’administration, en facilitant l’aide à la construction rurale, veut freiner l’exode rural. Pour que l’objectif soit atteint, il est peut-être opportun de s’occuper de ces hameaux qui font l’Algérie profonde. Prochainement, la voie ferrée se fera sur la ligne Bouira Lakhdaria, Bouira -Bir Ghbalou et Bouira-Dirah.