Depuis le déclenchement de la guerre en Syrie et contre la Syrie, en mars 2011, la machine de guerre médiatique en Occident, appuyée sur une autre machine de guerre non moins redoutable, les chaînes télévisées wahhabite, la qatarie Al-Jazeera et la saoudienne Al-Arabiya financées par les monarchies esclavagistes et moyenâgeuses du Golfe, s’est mise en branle.
Objectif : refonder le Moyen-Orient actuel. Au nom de l’alternance, de la démocratie, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, on cherche à le transformer en zone de libre-échange totalement inféodée aux intérêts américains. Il s’agit en fait, comme nous l’a expliqué l’ancien diplomate et politologue français Michel Raimbaud (Afrique Asie, mars 2015), de mettre en place le projet du Grand Moyen-Orient (GMO), une « expression de George Bush. Ce n’est plus un Moyen-Orient dans la mesure où elle va de la Méditerranée à la Chine centrale ».
Après avoir misé sur les Frères musulmans pour incarner un projet né après l’invasion de l’Irak en 2003 et relancé, depuis 2011, à travers les « printemps arabes », les Américains ont vite réalisé que les adeptes de cette confrérie ne faisaient pas le poids : trop divisés, incapables de gérer un État et, malgré leur brillante maîtrise de la communication et de la désinformation, pas assez représentatifs dans les sociétés arabo-musulmanes. Les fiascos égyptien, tunisien, libyen, yéménite et syrien ont contraint les Américains à trouver d’autres marionnettes plus « efficaces », du genre Al-Qaïda, Dae’ch et consorts.
L’utilisation de groupes radicaux, comme Al-Nosra en Syrie et Dae’ch en Irak, pour semer le « chaos constructif » dans cette région, n’est plus une hypothèse ou un scénario écrit par un conspirationniste.
Un rapport confidentiel datant de 2012 et émanant de la Defense Intelligence Agency (DIA), une agence de renseignement qui travaille sous les ordres du Pentagone, déclassifié grâce au groupe Judical Watch qui traque les dérives du gouvernement fédéral américain, le dit noir sur blanc. « L’Occident, les pays du Golfe et la Turquie [qui] soutiennent l’opposition [syrienne]… il y a la possibilité d’établir une principauté salafiste, officielle ou pas, dans l’est de la Syrie (Hassaka et Deir Zor), et c’est exactement ce que veulent les puissances qui soutiennent l’opposition, afin d’isoler le régime syrien… »
La collusion entre certains dirigeants en Occident et les mouvements intégristes, depuis la guerre d’Afghanistan jusqu’à l’avènement de Dae’ch, est un secret de Polichinelle. Tous les moyens sont bons pour casser la moindre velléité de résistance à l’hégémonie américaine dans le GMO et l’Eurasie. Ronald Reagan appelait, depuis 1995, les futures recrues d’Al-Qaïda en Afghanistan les « combattants pour la liberté ».
Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, a estimé, lui, dans une conférence de presse en décembre 2012 au Maroc, avec son ancien homologue saoudien, Saoud al-Fayçal : « Le Front al-Nosra [filiale officielle d’Al-Qaïda] fait du bon boulot en Syrie. »
Un an après la prise de Mossoul, deuxième ville d’Irak, par les hordes de Dae’ch, et leur conquête, il y a quelques semaines, de Ramadi, capitale de la province irakienne d’Al-Anbar, avant de foncer sur la ville emblématique de Palmyre, au centre de la Syrie, « la principauté salafiste » prévue et souhaitée par la DIA est non seulement bien installée, mais en expansion constante. Certains « analystes occidentalistes » se demandent déjà laquelle des capitales arabes, Damas ou Bagdad, tombera la première dans leur escarcelle !
Dae’ch, ou État islamique en Irak et en Syrie, est un pur produit de l’embargo barbare contre l’Irak (1990-2003), puis de l’invasion américaine de ce pays en 2003. Profitant de la zone d’exclusion aérienne imposée illégalement par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France dans le Kurdistan irakien après la Tempête du désert en 1991, un groupuscule affilié à Al-Qaïda, Jound al-Islam, s’y est installé sous la protection des avions de l’Otan. En laissant ce monstre se développer, ses géniteurs et complices visent à faire voler en éclats le monde arabe et à le retourner contre ce qu’ils appellent le « croissant chiite », dont le centre de gravité est l’Iran. Une fois cette mission accomplie (démembrement de l’Irak, partition de facto de la Syrie), les apprentis sorciers se préparent à réhabiliter Al-Nosra, qui deviendrait ainsi un interlocuteur « modéré » pour le combattre ! Déjà, ce front noue des rapports plus qu’amicaux avec les occupants israéliens du Golan syrien et continue à être financé et armé par la Turquie et les monarchies du Golfe. Faute de pouvoir renverser le régime syrien, ces apprentis sorciers se retrouvent désormais face à un chaos dévastateur dont ils ne sortiront pas indemnes. Il est grand temps d’arrêter les dégâts .
Par Afrique Asie