Les derniers attentats qui ont endeuillé la capitale belge relancent le débat général sur le terrorisme islamiste, ses causes et les moyens d’en sortir.
Par-delà les sempiternelles thèses accusant les musulmans en faisant l’amalgame ou celles expliquant le phénomène d’un point de vue géopolitique, le mystère du basculement de jeunes Européens dans le crime « djihadiste » n’a pas fini d’intriguer les analystes les plus subtils.
Personne ne semble comprendre comment les idéologues de la nébuleuse terroriste ont réussi à recruter autant de jeunes hommes et de jeunes filles dans les rangs des soldats de l’horreur.
Une énigme qui reporte probablement à la prévention du mal à la racine. Les photos des terroristes impliqués dans les attentats meurtriers défilent sur les écrans des télévisions comme sur Internet. Patronymes et prénoms de consonance arabe ou musulmane et visages juvéniles, mais parcours bien local avant des voyages vers des terrains de guerre. Avant un voyage au bout de l’enfer.
Du joint à la Kalash
Tous les récits d’enfance ou de tendre jeunesse se ressemblent. Jeunes normaux, enfants de la deuxième, troisième voire quatrième génération d’immigrés. Parmi eux d’anciens délinquants, des adolescences un peu difficiles pour certains, mais aucune trace ADN de leur gène monstrueux.
Au contraire. Ces commentaires sur le web qui témoignent que Hasna Ait Boulahcen, la cousine du sinistre Abaoud, abattue elle aussi dans l’appartement-planque de St Denis dans la région parisienne, était une « gentilles fille, bringueuse, libérée et non-violente, mais qui a fini par basculer… »
Des mots qui rappellent les images de Merah, le desperado toulousain à peine émancipé de ses rodéos automobiles sur les parkings, de « jeune con pas méchant » et qui termine son palmarès d’écervelé par des actes ignobles en tuant des enfants sous prétexte qu’ils étaient juifs ou des soldats de son âge en faction dans la ville. Le couple Amedy Coulibaly-Hayet Boumediene, passé de la photo love-story en maillot et bikini sur la plage au terrorisme islamiste en kalashnikov et niqab.
Et, maintenant, Salah Abdeslam, hier gérant d’un bar en Belgique, soudainement devenu l’un des membres d’une cellule terroriste qui a à son actif le massacre du 13 novembre à Paris et peut-être celui de mardi à Bruxelles.
En quelques mois, des beurs d’aujourd’hui qui ont grandi au biberon de l’école républicaine, fumeurs de cannabis ou consommateurs d’alcool dans des sociétés de droits, plutôt tolérantes voire permissives, se convertissent au terrorisme islamiste.
Sans vraiment avertir, ils se transforment en bourreaux d’innocentes victimes de leurs attentats. Ni les orientalistes de renom, ni les spécialistes de la lutte antiterroriste n’ont su expliquer pour l’instant le phénomène.
Vers dans le fruit
La terminologie tente pourtant de mettre le doigt sur la plaie : « Des jeunes radicalisés » dans des mosquées ou sur Internet. Mauvaise rencontre et fragilité psychologique, rancœur personnelle, etc…La peur, l’effroi imposent une grille de lecture qui prétend saisir le processus d’adhésion de jeunes Européens à une idéologie venue de terres lointaines et nourries par un conflit au Moyen-Orient. La guerre civile en Syrie, source d’émotions et de propagande djihadiste.
Après des années de complaisance des superpuissances s’accommodant de la « guerre sainte » que la nouvelle enseigne terroriste Daech mène contre l’ennemi commun Bachar El Assad, le retour de boomerang ensanglante, et la Turquie passage complice des djihadistes européens vers le territoire syrien, et les pays pourvoyeurs de recrues de l’Etat Islamique.
Véritable catastrophe nationale, le terrorisme de type islamiste ébranle les vieilles démocraties européennes qui ont du mal à admettre qu’elles ont généré, en leur sein, des monstres capables de tuer massivement dans une entreprise criminelle transfrontalière. En constatant que la folie djihadiste touche aussi des nationaux de souche, même si l’on veut déchoir de leur nationalité ceux dont les origines seraient un peu moins pures…
Guerre et paix
Du coup, l’escalade paranoïaque des responsables politiques conduit à déclarer leurs pays en guerre contre le terrorisme, confondant allègrement la question des mouvements migratoires et celle de la sécurité intérieure.
En guerre contre leurs enfants pendant que les Etats du Golfe qui financent, sans s’en cacher, le terrorisme islamiste et actionnent les mouvements politiques sous-jacents, demeurent des alliés inconditionnels des capitales occidentales criant au loup obscurantiste.
Cette politique paradoxale fait le lit des partis d’extrême droite qui n’ont aucun mal à mettre évidence la faillite des gouvernements face à la menace terroriste.
Le racisme et l’islamophobie sont dopés, aggravent le malaise des jeunes Européens de confession musulmane stigmatisés, dont beaucoup peuvent se replier vers la maison djihad. On a rapporté que les attentats de novembre à Paris auraient provoqué des applaudissements ignobles dans les prisons-ghettos de France.
Expression d’un cynisme général chez cette population de Français en échec disposés à troquer leur survêtement à capuche de dealer contre une ceinture de kamikaze. Horrible conjoncture de sociétés malades contaminées par des conflits lointains qui exacerbent le malaise intérieur.
Les Etats réels devront peut-être faire la paix chez eux s’ils veulent gagner la guerre contre Daech, un Etat islamique virtuel qui parvient curieusement à fédérer des citoyens monstrueux. L’Algérie, dans ce domaine, en sait quelque chose.