Sans vouloir remettre en cause globalement la politique actuelle menée par Abdelmalek Sellal, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) en appelle, cependant, à une réorientation des politiques sociales, à lier les augmentations de salaires à la productivité et à leur impact inflationniste, à rendre le climat d’affaires davantage attractif aux investissements…
«L’Algérie a l’occasion de créer sa propre réussite», a déclaré jeudi dernier à la Résidence El Mithak, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). En présence notamment du gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Laksaci, de représentants de l’establishment économique et universitaire national, Mme Christine Lagarde a estimé que cette réussite est possible, certes, mais à des conditions.
L’économie algérienne, «très robuste»
Possible, dans la mesure où l’économie algérienne, dans un contexte international «fragile», est pourtant «très robuste», dira-telle, avec une croissance de l’ordre de 3,5% en 2013. Selon la DG du FMI, l’Algérie enregistre de «bons résultats financiers réalisés grâce à une politique macroéconomique avisée et une gestion prudente des réserves de change». Mais aussi, notera Mme Lagarde, dans le cadre d’une action publique importante, une supervision bancaire «excellente» de la Banque d’Algérie et au regard d’une «décision judicieuse» d’(avoir) créé le Fonds de régulation des recettes (FRR). A ce propos, Mme Lagarde, qui recommande de «continuer à épargner pour les générations futures», a estimé que «l’Algérie sait exploiter de manière sage ses réserves financières». Comme l’Algérie bénéficie, selon elle, du «dividende» qu’est sa force active, sa jeunesse.
Ne pas crier «victoire» avec 10% de chômage
Pour autant, et une appréciation qu’elle a partagée, laisse-t-elle entendre, avec le président de la République et le Premier ministre qui l’ont reçue en audience la veille et l’avantveille, cette réussite reste conditionnée par une diversification de l’économie. Certes, Christine Lagarde s’est refusée à toute remise en cause globale, directe des choix de l’équipe Abdelmalek Sellal, tant jeudi dernier lors d’une conférence sur le thème «Développement et défis économiques au niveau mondial, régional et en Algérie» que la veille lors d’une conférence de presse. Ainsi, la responsable du FMI constate que l’économie algérienne reste trop dépendante des hydrocarbures, celles-ci ne contribuant qu’à 2% de la création d’emplois. Comme le chômage qui a baissé à 10% ne peut justifier de «crier victoire», assure la patronne du FMI d’autant qu’il reste encore élevé notamment chez les jeunes (plus de 20%), sans omettre le chômage des femmes.
Une autre politique de croissance s’impose
D’où la nécessité d’une politique autre à même de stimuler davantage la croissance, de manière davantage «inclusive» et qui protège les populations les plus vulnérables. Il s’agit de diversifier les sources de cette croissance et de réduire la dépendance aux hydrocarbures qui représentent près de 40% de la richesse nationale et 98% des recettes, constituant un facteur de «déséquilibre», voire de risque à cause des fluctuations de prix. Et ce, en impliquant davantage le secteur privé, de manière «ardue» et «à côté» du secteur public, d’autant que ce dernier ne peut suffire seul en matière de financements et d’investissements et que «yed ouahda ma tsaffek» (une seule main ne peut pas applaudir), dira Mme Lagarde. Ce qui implique également d’œuvrer à améliorer le climat d’affaires, la DG du FMI en appelant notamment à le rendre davantage attractif aux investissements privés, libéré des contraintes bureaucratiques. L’on incite ainsi à lever les restrictions sur les IDE, faciliter l’acte d’entreprendre, faciliter l’accès aux services bancaires et financiers, voire à adopter une politique fiscale «plus souple» pour traiter la problématique de l’informel.
Les politiques sociales doivent être «réorientées»
Mais c’est dans le domaine de la politique monétaire et sociale que le discours de Mme Lagarde, préoccupée par la forte pression inflationniste (8,9% en 2012 quoique baissière 7,8% en début 2013), s’est voulu surtout différent. Certes, la DG du FMI estime que l’objectif d’atteindre les taux de 5% et 4% d’inflation escomptés respectivement par le Fonds et par l’Algérie «ne sera pas facile à atteindre». Toutefois, et même si elle observe que la question de l’inflation est «bien prise en charge » par la Banque d’Algérie, Christine Lagarde recommande, ce faisant, de «continuer de resserrer la politique monétaire et les dépenses courantes». Soit, et outre d’élargir l’offre, «encourager la concurrence» et assurer plus de transparence dans le circuit de la distribution, de cibler les dépenses «de qualité » et continuer à «résister à toutes nouvelles pressions inflationnistes» qui pourraient découler des augmentations de salaires.
Les augmentations salariales conditionnées
A ce propos, la DG du FMI a tenu à préciser que l’institution multilatérale n’a jamais suggéré de procéder à des «compressions» salariales. Toutefois, Christine Lagarde relève la pertinence d’une «corrélation entre les niveaux de salaires et les gains de productivité ». En d’autres termes, le FMI appelle à lier toute augmentation de salaires à la productivité du secteur ciblé, en prenant soin d’«être extrêmement attentifs» quant au «coût unitaire du travail» et à éviter l’impact inflationniste. Comme elle observe par ailleurs que les subventions dites implicites (non budgétisées) représentent 12% du PIB national, dans le domaine énergétique, mais ne profitent cependant pas aux populations vulnérables. A contrario, ces subventions profitent «à ceux qui n’en ont pas besoin», dira Christine Lagarde qui, partant, recommande aux autorités algériennes de réorienter leur politique sociale pour que les populations les plus vulnérables «puissent profiter d’un partage plus équitable de la richesse».
C. B.
PRÊT DE 5 MILLIARDS DE DOLLARS AU FMI
Mme Lagarde «remercie» l’Algérie
«Je suis venue remercier l’Algérie pour le prêt accordé au Fonds monétaire international) en octobre dernier, et qui témoigne d’une bonne gestion des réserves de change.» C’est ce que la directrice générale du FMI a assuré mercredi et qu’elle a réaffirmé le lendemain, en saluant la bonne réactivité de l’Algérie à l’égard de la demande du FMI de renforcer les capacités d’assistance aux pays en situation de vulnérabilité budgétaire. Mais en précisant aussi que ce prêt, cinq milliards de dollars sous forme de droits de tirage spéciaux (DTS) et bien rémunérés, reste encore dans les réserves algériennes et qu’il «n’a pas été utilisé à ce jour», de même que les 460 milliards de dollars collectés grâce à l’emprunt international lancé par le FMI. Voire, le Fonds ne sollicite pas de second prêt de l’Algérie ou une autre rallonge, précise Mme Lagarde.
C. B.
Le système bancaire sous la loupe du FMI
Le système bancaire et financier algérien fera l’objet durant les prochains mois d’un diagnostic précis du Fonds monétaire international. C’est ce qu’indique Mme Lagarde, précisant que le FMI répond à une demande de la Banque d’Algérie. Une autorité monétaire et bancaire dont les politiques monétaires et les dispositifs de supervision bancaire ont été fortement salués par la dirigeante de l’institution financière multilatérale. Dans cet ordre d’idées, Christine Lagarde avait, la veille, annoncé que son institution est disposée à «continuer à fournir des conseils de politique économique et de l’assistance technique en vue d’accroître la robustesse de l’économie algérienne».
C. B.
FACILITATION DU COMMERCE EXTÉRIEUR
Le guichet unique opérationnel à la mi-avril, selon Sellal
Le guichet unique permettant la facilitation des opérations de commerce extérieur, notamment les importations, devrait être opérationnel dès la mi-avril 2013. C’est ce qu’indique la dirigeante du FMI, se référant aux propos du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui aurait avancé cette date, exprimant fermement son souhait d’œuvrer à réduire les fortes lourdeurs bureaucratiques existantes. Au-delà du fait que le Premier ministre ait confirmé l’évidence, la possibilité de concrétiser ce projet de guichet unique, confié au ministère des Transports, reste cependant sujette à caution. C. B.