Crise politique: Les initiatives se multiplient pour des feuilles de route consensuelles

Crise politique: Les initiatives se multiplient pour des feuilles de route consensuelles

Ghania Oukazi

Les forums politiques et d’étudiants projettent de devancer le panel en organisant, avant lui, des conférences nationales pour adopter «des feuilles de route consensuelles de sortie de crise» et «des chartes d’engagement».

A défaut d’idées novatrices qui trancheraient avec la monotonie ambiante qui sclérose la scène politique, divers milieux comptent organiser des événements identiques -ou presque- à ceux programmés par le panel de médiation pour le dialogue. Ce sont les dernières nouvelles rapportées d’un côté, par la Confédération des syndicats algériens (CSA), des doyens professionnels, des organisations et associations nationales et locales réunis sous l’appellation «les dynamiques de la société civile», et d’un autre, par le Pôle des étudiants représentant différentes écoles ainsi que le Forum des étudiants issus de plusieurs établissements universitaires. Les premiers font savoir qu’ils vont organiser samedi prochain une rencontre de concertation qui va regrouper 15 partis politiques dont le FFS, le RCD, le PT, Talaïe El Houriet, MSP, FJD, Jil Jadid et l’UFDS et 20 personnalités nationales affiliées au «hirak».

C’est leur représentant, Messaoud Boudima, qui a expliqué que «dans un premier temps, nous allons commencer par une rencontre de concertation et nous proposons de travailler sur les points communs qui font consensus, et pourquoi pas mettre en place un document appelé charte d’engagement.» Ce conglomérat compte se réunir plusieurs fois avant d’aller vers une conférence nationale qui devra sortir, selon son porte-parole, «avec une feuille de route consensuelle et un plan d’action à proposer aux vis-à-vis pour sortir de cette situation de crise politique dans le pays». Ces «dynamiques de la société civile» semblent vouloir se substituer au panel, le rejettent même parce que leurs initiateurs soutiennent «que la solution soit celle de ceux qui représentent le pouvoir aujourd’hui, imposée par la force s’il le faut, nous sommes convaincus que cela ne pourra pas résoudre le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui». Mais l’on rappelle que «le collectif des activistes et membres de la société civile pour une transition démocratique», la CSA et le Forum civil pour le changement qui sont membres «des dynamiques de la société civile» étaient le 1 juin dernier à leur troisième réunion de concertation avec comme objectif «sortir avec une feuille de route consensuelle et la préparation d’une conférence nationale de la société civile».

«Nous totalisons 3 millions de votants»

Tous appelaient à «un dialogue sérieux et responsable pour trouver une issue à la crise politique du pays, le départ des B (symboles du système), l’application des articles 7 et 8 de la Constitution, la levée de toutes les restrictions à l’activité politique, syndicale et associative, et permettre à la presse d’exercer librement sa mission d’information de l’opinion publique, l’arrêt de toutes les arrestations et les poursuites à l’encontre des activistes au sein de la révolution populaire et pacifique». Ils avaient convenu de la tenue de ladite conférence pour le 15 juin mais ne l’ont fait que le 6 juillet dernier à l’ESHR (Ecole Supérieure d’Hôtellerie et de Restauration) de Ain Benian. Ils se sont retrouvés à 13 partis politiques et 6 groupements d’associations et syndicats pour adopter une plateforme qu’ils ont préparée durant deux mois sur la base de «larges» discussions et concertation. Abdallah Djaballah, Ali Benflis, Sofiane Djilali, Abderrezak Makri, Nouredine Bahabouh, Mohand Saïd, Tahar Benbaïbèche, Abdelkader Merbah, Guemazi, Boukhemkhem étaient tous présents dans cette rencontre qui été coordonnée par Abdelaziz Rahabi.

Un des initiateurs de la rencontre du 17 août prochain le «Forum de la société civile», défend ce qu’il estime être «le 1er projet d’initiative des forces de la société civile pour une transition démocratique pour une nouvelle république.» Le Professeur Mustapha Khiati qui en est membre nous a fait savoir hier que «le Forum est constitué de 73 représentants entre corporations professionnelles (santé, enseignement, transports, imams…) syndicats, associations (Forem, des Oulémas, ancien scouts…) et autres organisations socioprofessionnelles, nous totalisons 3 millions de votants.» Il nous explique que «nous sommes unis par une plate-forme d’éthique qui exige de nous le respect mutuel et surtout l’engagement pour notre plate-forme revendicative et concertée et non une autre».

Un remake de Ain Benian et des exclusions

Leurs revendications repose, selon lui, sur «la mise en place d’une instance composée d’une ou de plusieurs personnalités consensuelles chargée de diriger une période de transition qui ne dépassera pas une année, la nomination d’un gouvernement de compétences nationales, la création d’une commission indépendante d’organisation, de suivi et de contrôle des élections dont les membres seront désignés par la classe politique et les représentants des associations et des syndicats, l’ouverture d’un débat national sans exclusion autour des problèmes politiques, économiques et sociaux du pays, suivi d’une conférence nationale inclusive pour déterminer la période de transition, accélérer la transition démocratique pacifique selon un processus électoral concerté qui coupe définitivement avec le régime ancien, et permet l’organisation des élections présidentielles, législatives et locales.»

Cette feuille de route, Khiati la considère comme étant «le chemin le plus sûr, le plus rationnel et le plus logique pour une sortie de crise.» De prime abord, les organisateurs de la rencontre du samedi prochain plaident pour un remake de Ain Benian mais en excluant notamment le Forum civil pour le changement que dirige Abdelkader Arar. «On a constaté qu’on a été infiltré à Ain Benian par des représentants du pouvoir, donc on ne peut continuer à travailler avec les mêmes personnes, on n’a pas apprécié que le réseau Nada présente une liste de 13 personnalités sans nous consulter,» soutiennent des organisateurs. L’on nous précise qu’ «aucun parti politique que nous avons contacté pour se joindre à la réunion du 17 août prochain n’a dit non, beaucoup restent en attente, on a aussi contacté Sifi, Rahabi, Taleb Ihrahimi, Hamrouche, il y a des réserves de la part de ceux qui plaident pour une période de transition sans limite et une assemblée constituante (RCD, FFS, PT, MDS(« ).»

Pour Khiati «il y a des attentes et des réserves mais personne n’a dit non.» Il précise que «ce ne sera pas la même chose qu’à Ain Benian, on n’a pas apprécié le fait que la parole soit donnée à tous les chefs des partis politiques, on avait demandé à ce qu’il y ait un intervenant en leur nom et un autre au nom de la société civile, or, l’idée de faire adopter une plate-forme déjà prête a été complètement diluée dans les nombreux et longs discours». Le professeur Khiati n’est pas le seul à dénigrer ce qui s’est passé à Ain Benian. Des personnalités ont reproché aux islamistes incarnés «notamment par Abdallah Djaballah» de vouloir récupérer la mise de Ain Benian.

«On reste attachés à la plate-forme de Ain Benian»

«Les islamistes présents le 6 juillet dernier ont tenu à s’occuper du côté organisationnel de la rencontre parce qu’ils voulaient en être les leaders», est-il rappelé. Joint hier, le président de l’UFDS (Union des forces démocratiques et sociales) nous a dit qu’il a été contacté pour participer à l’initiative du 17 août «mais on ne sait pas grand-chose à ce sujet», a-t-il noté. Nouredine Bahbouh estime qu’ «on a besoin d’information pour savoir de quoi il s’agit et pour étudier la proposition qui nous a été faite.» Proposition qu’il affirme «ne pas rejeter parce que je ne peux fermer la porte à aucune initiative». Ceci, en précisant qu’ «on reste attaché à la plate-forme de Ain Benian qui a été envoyée à tout le monde et adoptée par plus de 800 personnes parmi lesquelles celles qui veulent organiser la rencontre du 17 août prochain.»

Samedi prochain sera aussi cette journée que les étudiants retiennent pour organiser leur première conférence nationale. Deux sections estudiantines l’ont fait savoir mardi dernier, jour de leur «hirak» hebdomadaire. Il s’agit du Pôle des étudiants algériens et du Forum des étudiants qui affirment s’être concertés «pour débattre d’une initiative commune de sortie de crise». Le Pôle fait mieux en faisant savoir qu’il présentera «deux feuilles de routes, une avec le maintien de Bensalah et l’autre sans le chef de l’État intérimaire» et proposera la mise en place d’une charte pour garantir leurs revendications.

«Dynamiques de la société civile», «Collectif des activistes et membres de la société civile pour une transition démocratique», «Forum pour une sortie de crise et une transition démocratique pour une nouvelle république», «Forum du dialogue national», «Forum civil pour le changement», «Confédération des Syndicats Algériens», «Forum des étudiants», «Pôle des étudiants algériens», beaucoup d’appellations mais une composante diffuse entre les uns et les autres formations. En attendant que les partis les plus en vue brisent leur expectative face au dialogue mené par le panel, des activistes veulent que «la mobilisation soit encore maintenue pour les deux dernières semaines d’août pour bien marquer la rentrée sociale».