Les femmes tunisiennes au centre d’un bras de fer entre opposants et islamistes
Le face-à-face islamistes-oppositions se poursuit en Tunisie par la femme interposée, chacune des parties ayant appelé à manifester hier, dans le cadre de la célébration de loi de 1956 sur le Code personnel tunisien.
La Tunisie se préparait hier à des manifestations des camps pro et anti-islamistes pour marquer la journée célébrant les acquis de la femme, au lendemain de pourparlers n’ayant esquissé aucune solution à la crise déclenchée par l’assassinat d’un opposant.
Les détracteurs comme le parti islamiste Ennahda qui dirige le gouvernement espèrent ainsi relancer dans l’après-midi la mobilisation dans la rue qui a fortement déclinée avec les fêtes marquant la fin du Ramadhan la semaine dernière.
La manifestation anti-gouvernementale réunissant associations féministes, partis d’opposition et le puissant syndicat Ugtt doit débuter à partir de 17h00 GMT (18h00 algérienne) avec pour slogans la défense des acquis de la femme, qui bénéficient de droits sans pareil dans le monde arabe depuis 1956 même si l’égalité n’est pas consacrée. Or, les islamistes au pouvoir sont sans cesse accusés de vouloir revenir sur cette spécificité, Ennahda ayant tenté notamment d’inscrire le principe de «complémentarité» des sexes dans le projet de Constitution, toujours paralysé. Ce brouillon ne mentionne par ailleurs toujours pas explicitement l’égalité hommes-femmes.
Ainsi, l’Association tunisienne des femmes démocrates appelle à manifester pour «l’égalité pleine et effective» entre les sexes mais aussi contre «la montée du terrorisme et de la violence», en référence notamment à l’assassinat le 25 juillet, attribué à la mouvance jihadiste, du député Mohamed Brahmi. Et les manifestants devraient aussi reprendre largement des slogans appelant à la démission du gouvernement dirigé par les islamistes, revendication phare depuis ce meurtre qui a déclenché la profonde crise actuelle.
Le parcours de la marche sera d’ailleurs éminemment politique puisqu’il s’achèvera sur la place faisant face à l’Assemblée nationale constituante où l’opposition manifeste quotidiennement depuis près de trois semaines. Ennahda organise pour sa part un rassemblement rival, avenue Habib Bourguiba, haut lieu de la révolution de 2011 à Tunis, sous le slogan «les femmes de Tunisie, piliers de la transition démocratique et de l’unité nationale». Là aussi, le thème rappelle la position des islamistes, ces derniers insistant sur un maintien des «institutions transitoires» issues d’élections en octobre 2011 et toujours en place faute de consensus sur la Constitution.
Malgré la pression de l’opposition, mais aussi de l’Ugtt -fort de 500.000 membres et capable de paralyser le pays- et du patronat Utica, le parti islamiste exclut encore et toujours la démission du gouvernement et la mise en place d’un cabinet d’indépendants pour conduire la Tunisie vers l’adoption d’une loi fondamentale.
L’hétéroclite coalition d’opposants a d’ailleurs prévu d’annoncer cette semaine un cabinet gouvernemental alternatif. Ennahda propose pour sa part d’élargir le gouvernement à d’autres partis tout en gardant la tête.
Les islamistes ont aussi promis des élections en décembre. De premiers pourparlers entre Ennahda et l’Ugtt n’ont conduit lundi soir à aucune avancée laissant présager une sortie rapide de la crise, même si d’autres rencontres auront lieu dans les jours à venir.
L’Ugtt s’est retrouvée à contrecoeur dans le rôle de médiateur entre Ennahda et les partis d’opposition après que le président de la Constituante a gelé les travaux de l’assemblée en demandant à la centrale syndicale d’assumer son «rôle historique» en parrainant les pourparlers.