Le sort du président sud-africain Jacob Zuma, pressé de toutes parts de démissionner, devrait être connu «dans les prochains jours», a annoncé hier le chef du parti au pouvoir et probable futur chef de l’Etat, Cyril Ramaphosa.
«Hier soir, le président Jacob Zuma et moi-même avons entamé des discussions directes sur la transition et les questions liées au poste de président de la République», a déclaré M. Ramaphosa dans un communiqué. Les deux hommes «seront en mesure de rendre compte au pays dans les prochains jours» de l’issue de ces échanges, a-t-il ajouté. «Les discussions ont été constructives et ont posé les fondations d’une résolution rapide de la situation dans l’intérêt du pays», a ajouté M. Ramaphosa. «C’est une période difficile», a reconnu le vice-président sud-africain. «Je suis conscient que l’incertitude liée au poste de chef de l’Etat est une source d’inquiétude parmi de nombreux Sud-Africains (…) nous pourrons communiquer davantage sur la position du président Zuma en tant que chef de l’Etat une fois finalisés tous les points pertinents», a-t-il encore dit. En l’espace de vingt-quatre heures, les rebondissements se sont succédé dans la saga Zuma, empêtré dans les scandales de corruption et pressé de quitter le pouvoir. Le très attendu discours annuel du président sur l’état de la nation, un des temps forts de la vie politique sud-africaine, a été repoussé à une date indéterminée pour éviter les débordements dans l’hémicycle. Une première. Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en 1994, avait convoqué hier une réunion extraordinaire pour trancher la question de la «transition». Mais, nouveau coup de théâtre, il a fait marche arrière et l’a reportée au 17 février en raison de «discussions fructueuses» entre les deux principaux acteurs de la crise, le président Zuma et son possible successeur Cyril Ramaphosa. Hier, la présidente du parlement Baleka Mbete a appelé les Sud-Africains à «la patience». «On ne peut pas présumer de ce qui va se passer. Par conséquent, on doit respecter le fait qu’il y ait des consultations» entre MM. Zuma et Ramaphosa, a-t-elle estimé. «Il n’y a pas besoin de paniquer», a assuré de son côté le secrétaire général de l’ANC, Ace Magashule. «Nous allons gérer ce problème avec la responsabilité qui s’impose». La question épineuse d’un départ anticipé du président Zuma, dont le mandat expire en 2019, empoisonne l’ANC depuis l’élection en décembre de son nouveau chef, Cyril Ramaphosa, qui s’est fait le chantre de la lutte anti-corruption. Le pays est depuis tiraillé entre deux centres de pouvoir: la présidence de la République et l’ANC. Une situation intenable. Les jours du chef de l’Etat semblent comptés mais l’ANC s’est jusque-là montré incapable de trancher, divisé entre pro et anti-Zuma. «Il y a des positions différentes», a admis mardi la secrétaire générale adjointe du parti, Jessie Duarte. L’ANC pourrait rappeler le chef de l’Etat, comme il l’a fait en 2008 avec Thabo Mbeki, ou saisir le Parlement d’une motion de défiance ou d’une procédure de destitution. Le report du discours sur l’état de la nation illustre la profondeur de la crise au sein de l’ANC. «Ce report est extraordinaire. Il paralyse les affaires courantes du gouvernement», a constaté l’analyste politique Richard Calland. «On est plongé dans l’inconnu. Il y a énormément de spéculations et il revient à l’ANC de clarifier» ce que se sont dit MM. Zuma et Ramaphosa, a-t-il ajouté. «Cette incertitude porte préjudice à tout le monde». Pour l’analyste Ralph Mathekga cependant, le report de la réunion de l’ANC prévue hier «laisse à penser qu’un accord a été conclu pour le départ» de M. Zuma. Dans un pays suspendu à l’avancement de leurs discussions, MM. Zuma et Ramaphosa participaient hier au Cap à des conseils des ministres restreints prévus de longue date. La présidence a annoncé en outre la participation du «président Jacob Zuma» à une réception samedi, toujours au Cap. 1Depuis son élection à la tête de l’ANC, M. Ramaphosa n’a de cesse que de pousser rapidement vers la sortie M. Zuma. Mais la tâche s’avère extrêmement compliquée, comme le résumait hier un dessin dans le quotidien Business Day représentant le chef de l’ANC tentant vainement de fermer un rideau de théâtre: «C’est humiliant», lâche M. Ramaphosa. Mis en cause dans de nombreux scandales de corruption, M. Zuma a plusieurs fois semblé proche de la démission ces dernières années. Mais il a jusque-là toujours réussi à l’éviter. Dimanche, il a une nouvelle fois refusé obstinément de se plier aux injonctions de la direction de l’ANC, affirmant selon les médias locaux n’avoir rien à se reprocher.