«La France et l’Algérie sont aujourd’hui sur une même ligne face aux défis majeurs que recouvre le dossier malien»
Le Mali est devenu un immense «dépotoir» d’armes de guerre éparpillées entre les différents groupes terroristes.
Les relations entre l’Algérie et la France ont toujours été passionnelles, malgré toutes les bonnes volontés qui s’étaient manifestées en diverses occasions, ici et de l’autre côté de la Méditerranée.
Elles ont connu des hauts et des bas tout au long de ces cinquante dernières années, avec des pics de crise faisant craindre la rupture. Fragilisées par la position en faveur du FIS exprimée par Mitterrand et son fameux «il faut», elles ont pris une tournure tragique dès 1995; juste après le détournement de l’Airbus d’Air France, fin décembre 1994.
Par la suite, ni la visite de Chirac, ni celle de Sarkozy n’ont réussi à y remédier. Alors, la visite officielle qu’effectuera demain en Algérie François Hollande saura-t-elle apporter du concret à des rapports qui restent «minés» par plusieurs litiges historiques, économiques et politiques? Quel impact aura-t-elle sur l’évolution des relations bilatérales entre Alger et Paris, alors qu’elle intervient à un moment crucial où les deux capitales ne développent pas la même démarche au sujet de la crise malienne? Selon l’ambassadeur français à Alger, il n’existerait aucune divergence entre les deux pays. «Je sais que certains défendent l’idée selon laquelle il existerait des divergences majeures entre Alger et Paris sur ce sujet. C’est regrettable, et surtout c’est contraire à la réalité, car la France et l’Algérie sont aujourd’hui sur une même ligne face aux défis majeurs que recouvre le dossier malien», a-t-il déclaré. Valable sur le plan diplomatique, cette déclaration n’en reste pas moins discutable lorsqu’on se penche sur l’attitude et le comportement des deux diplomaties à l’endroit d’un pays comme le Mali, menacé de scission, de guerre civile et de famine; un pays que la France considère toujours comme une chasse gardée et que l’Algérie regarde comme un voisin avec lequel elle partage plus de 1300 km de frontière.
Sans jamais manquer à sa position traditionnelle qui consiste à respecter méticuleusement le principe de non-ingérence, l’Algérie ne considère pas moins son voisin du Sud comme une profondeur stratégique à assainir de toute menace, quelle que soit son origine.
Considéré comme l’un des pays les plus pauvres de la planète, le Mali a toujours compté sur le soutien de l’Algérie. Alger est tenue en haute estime par l’ensemble des ethnies maliennes et sa contribution agissante à aplanir les différends entre les dirigeants de Azawad et le pouvoir central a épargné à cette région de nombreuses crises.
Aujourd’hui, le Mali est pris au piège d’un terrorisme tentaculaire qui a exploité la faiblesse économique et politique d’un régime qui n’a jamais réussi à étendre son pouvoir sur l’ensemble de son territoire. Ce pays est devenu aussi un immense «dépotoir» d’armes de guerre éparpillées entre les différents groupes terroristes que la France a l’intention d’éradiquer à l’issue d’une «intervention chirurgicale» menée par des armées africaines dont on connaît la compétence et qui ne ciblerait que les éléments d’Ansar Eddine et du Mujao. Devant cet état de fait, il est logique que l’Algérie soit particulièrement sensible à l’endroit de tout ce qui se passe dans ce pays qui risque de connaître une grave crise humanitaire. Ils sont déjà plus de 25.000 réfugiés maliens qui ont été accueillis par l’Algérie.
Le volet humanitaire, qui a tendance à être minimisé par les partisans de l’intervention militaire étrangère dont la France, est important. Il suffit de quelques frappes pour déclencher l’enfer dans le Sahel.
L’Algérie en est consciente, et c’est pour cette raison qu’elle continue de privilégier un traitement complet de la crise malienne qui prenne en compte les aspects socio-économiques et culturels de ce pays meurtri. Sur le plan sécuritaire, elle est la mieux placée pour connaître à fond le soubassement criminel des groupes terroristes. Sa position gêne de nombreux intérêts français, même si Paris contourne diplomatiquement ce sujet à la veille d’une visite présidentielle qui ne manquera pas de soulever les éternelles discordes liées à l’Histoire, à la circulation des personnes et aux relations économiques.
A Alger, Bouteflika ne manquera certainement pas d’exposer à son hôte le plan proposé par l’Algérie axé sur une approche globale qui offrira au peuple malien les moyens d’imposer son choix de manière libre. Théoriquement, les deux pays semblent en phase.
L’ambassadeur de France à Alger évoque une concertation étroite et régulière entre les pays concernés, mais ne dit pas dans quel sens. Même lorsqu’il parle d’ «approche commune qui s’étend à l’ensemble de la communauté internationale», cela ne veut absolument pas dire que l’Algérie est incluse. Les Algériens aimeraient bien connaître la recette française qui va «rétablir le pouvoir central à Bamako et éradiquer le terrorisme et les trafics d’armes et de drogue du nord du Mali». «Nous parlons d’enjeux majeurs pour la stabilité régionale et internationale, qui concernent bien plus que nos deux États et qui ont fait l’objet d’un consensus lors du vote de la résolution 2071 du Conseil de sécurité des Nations unies.
On ne peut pas faire comme si les autres pays, et notamment les pays subsahariens, directement menacés par le terrorisme, n’existaient pas et n’avaient pas demandé l’aide de la communauté internationale», a déclaré l’ambassadeur.
Les propos sont trop académiques pour pouvoir refléter une triste réalité, mais le diplomate ne pouvait pas s’offrir le luxe d’appeler les choses par leur nom.