Crise malienne: Le forcing de Paris

Crise malienne: Le forcing de Paris

Le sommet des dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) s’est ouvert, hier, à huis clos, à Abuja, pour trancher sur un plan d’intervention militaire au Mali préparé par les chefs d’états-majors de l’organisation. Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, représente le président Bouteflika à ce sommet extraordinaire.

Alors qu’à Ouagadougou, le mouvement islamiste, Ançar Dine, a confirmé son engagement à rejeter le terrorisme, et se dit prêt à dialoguer avec les autorités maliennes, le concept stratégique, mis au point par les chefs d’états-majors des pays de la Cédéao et des experts de différentes nationalités devrait être approuvé, lors du Sommet de la Cédéao qui s’est tenu à Abuja. Puis, il sera examiné par le Conseil de sécurité du 26 novembre, qui donnera, ou non, son feu vert pour la suite du processus.

Il faudra, alors, voir quels seront les États qui vont financer l’opération et ceux qui vont fournir des contingents. Il devrait y avoir une participation des pays africains, hors Cédéao, et notamment des troupes sud-africaines, Paris agissant dans ce sens. L’Europe, pour sa part, participera à la formation de l’armée malienne.

Le feu vert devra être donné, lors du Conseil des ministres européens des Affaires étrangères, en décembre. La perspective militaire n’est sans doute pas étrangère à la nouvelle position d’Ançar Dine. Si elle pousse les mouvements qui occupent le nord du Mali à envisager le dialogue, l’option militaire ne consistera pas en une simple reconquête du Nord-Mali.

Ce processus ira de pair avec un projet politique, autrement dit un dialogue entre les différentes parties maliennes que Bamako devra mener. Pour sa part, Paris, qui a pris «bonne note» des déclarations d’Ançar Dine, estime que le volet politique et le volet sécuritaire sont complémentaires, essaye d’entraîner Berlin dans l’intervention militaire.

C’est ainsi que le ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, a publié une tribune dans le quotidien français Le Figaro, conjointement avec son homologue français, Laurent Fabius, pour plaider «le déploiement et l’engagement d’une force internationale au Mali». L’objectif sera de former l’armée malienne.

Les deux hommes souhaitent le soutien de l’Union européenne. Le ministre des Affaires étrangères allemand mise, d’abord, sur une solution politique du conflit. Guido Westerwelle veut, pourtant, tout faire pour éviter une implication militaire de son pays.

Les déclarations de la chancelière, Merkel, sur un soutien allemand à une opération internationale, celle du ministre de la Défense, cette semaine, n’excluant pas une intervention de son pays, suscitent des réserves de Westerwelle qui craint qu’un engrenage inévitable vers une opération militaire ne soit en oeuvre. Pourtant, l’Allemagne songe plutôt, comme dans le cas de la Somalie, à un déploiement de quelques dizaines d’hommes pour former l’armée malienne.

Au-delà, l’Allemagne, premier pays à avoir reconnu le Mali, en 1960, pourrait jouer un rôle d’intermédiaire en coulisses. L’absence de passé colonial de l’Allemagne ne peut que faciliter ce rôle. La proposition d’une mission européenne d’entraînement des forces africaines au Mali sera étudiée par les ministres de la Défense et ceux des Affaires étrangères de L’UE, mi-novembre.

Pour ce qui est de la prochaine étape des négociations, le médiateur burkinabé Bassolé, MAE burkinabé, dans des déclarations de presse, pense qu’il faut opérer une cohésion interne entre mouvements maliens touareg, principalement le MNLA [Mouvement national pour la libération de l’Azawad, ndlr], et ensuite d’entrer en contact direct avec les autorités de transition, à Bamako, pour un dialogue sur l’adoption d’un cadre global de paix.

«Je parle d’un cadre, pour l’instant, parce que si nous ne pouvons pas négocier les termes d’un accord définitif de paix, il faut au moins que nous puissions en définir les modalités : que négocie-t-on ? Quels sont les objectifs que nous voulons atteindre ? Quel est l’agenda de nos négociations ? Quelles sont les mesures d’accompagnement et de confiance, etc. Cela devrait se faire dans les jours qui suivent.» «Nous parlons des mouvements maliens touareg qui ont des revendications politiques.

Ceux qui demandent la création de l’Azawad, comme État indépendant, portent une revendication politique. Ceux qui revendiquent l’application de la Charia, comme loi de l’État malien, en portent, également, une. C’est à eux de s’accorder sur une plate-forme minimale commune. Maintenant, il apparaît que les deux revendications semblent opposées. Mais par la concertation, on finit toujours par trouver un juste milieu.

Dans tous les cas, nous voulons que les mouvements touareg se démarquent des groupes terroristes qui ont récupéré en quelque sorte la lutte touarègue. Nous ne voulons pas, nous, pays voisin membre d’une même communauté régionale, déclarer la guerre à une communauté donnée», dit-il.

«Si des exactions continuent de se commettre au nom de Ançar Dine, cela se saura. Nous voulons aller en guerre contre des fléaux, contre le terrorisme et contre le crime organisé. C’est la raison pour laquelle nous voulons donner la chance aux mouvements touareg de se ressaisir, de se démarquer de ce qui a complètement changé la nature, même, de ces revendications, c’est-à-dire la criminalité et le terrorisme», a-t-il ajouté.

Mokhtar Benbib