Crise libyenne,L’infiltration d’Al Qaïda inquiète l’Algérie

Crise libyenne,L’infiltration d’Al Qaïda inquiète l’Algérie
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La crise libyenne, les multiples prises dans les dépôts de stocks d’armes de guerre et l’infiltration des terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), inquiètent de plus en plus l’Algérie, d’autant qu’il s’agit d’un pays voisin.

Un danger majeur pèse sur la sécurité du territoire algérien et l’Etat en est conscient. Face à cela, les autorités algériennes ont mobilisé, depuis le premier jour du soulèvement populaire en Libye, d’importants moyens militaires le long de la frontière algéro-libyenne afin de dissuader les desseins diaboliques des groupes terroristes d’Aqmi. Ces derniers veulent à tout prix avoir leur part du gâteau.



En d’autres termes, les chefs sanguinaires d’Al Qaïda au Maghreb cherchent à posséder un lot important d’armes de guerre, composé surtout des RPG 7, FM PK, kalachnikovs et des munitions, qui leur permettent de relancer leurs activités dans la bande sahélo-saharienne, actionner d’autres enlèvements de touristes et attentats spectaculaires, sans oublier les embuscades meurtrières contre les patrouilles de militaires et de gendarmes. Ce risque majeur a poussé les autorités algériennes à mobiliser et mettre en place un important dispositif militaire au niveau du poste-frontalier de Deb-Deb, composé de plusieurs milliers de gardes-frontières (GGF), patrouilles militaires (forces de l’ANP), hélicoptères et avions de chasse. L’alerte est à son maximum, d’autant qu’un terroriste éclaireur a été récemment capturé par les GGF au niveau du poste frontalier cité plus haut.

Il aurait été envoyé par Droukdel pour une mission très particulière, à savoir négocier l’achat d’armes de guerre avec certaines parties libyennes et avoir des informations sur le nombre et la présence des forces de sécurité au niveau de cette frontière. Fort heureusement, la vigilance des GGF a permis son arrestation. Il aurait avoué la mission dont il a été chargé par son émir. Les vols commis au niveau des dépôts d’armes en Libye font peser un risque important sur la sécurité de l’ensemble de la région. L’Algérie, de par sa position géographique, est concernée par ce risque.

Des terroristes d’Aqmi ont pu regagner la Libye

Plusieurs sources sécuritaires affirment que des dizaines de terroristes affiliés à Al Qaïda au Maghreb islamique ont pu regagner la Libye, en utilisant des voies secrètes, et ce, malgré le resserrement de l’étau sur les frontières qui séparent les pays avec la Libye, notamment le Tchad, l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte. Ils peuvent donc acheter des armes de guerre, surtout que des armes lourdes circulent en toute liberté dans plusieurs villes libyennes. Par contre, à l’heure où les Occidentaux s’interrogent sur l’opportunité d’armer les rebelles libyens, les principales agences de renseignement manquent d’informations sur l’infiltration, par des membres d’Al Qaïda, de l’insurrection anti-Kaddafi.

Devant le Sénat américain, l’amiral James Stavridis, commandant des forces de l’Otan en Europe, a évoqué «des soupçons» de présence de djihadistes parmi les insurgés. «Nous devons être très vigilants quand on parle d’armer les rebelles, affirme Mike Shereur, ancien haut responsable de la CIA en charge de la traque d’Oussama Ben Laden.

Les Libyens ont été parmi les premiers à établir leur propre camp d’entraînement en Afghanistan au milieu des années 1980. Et, aujourd’hui, ils jouent un rôle important autour de Ben Laden, qu’il s’agisse d’Abou Yaya, le numéro 3 d’Al Qaïda, ou d’Abou Laith, l’un des plus importants chefs militaires de l’organisation terroriste».

Les Américains n’ignorent pas que la Libye a été l’un des principaux pourvoyeurs de moudjahidine étrangers en Irak. En décembre 2007, à Sinjar (nord de Baghdad), le Pentagone mit en effet la main sur 700 fiches décrivant les pays d’origine, motivations et itinéraires empruntés par chacun des djihadistes étrangers infiltrés dans le pays via la Syrie.

Les conclusions du rapport Sinjar ne peuvent que nourrir l’inquiétude. À l’époque, les Libyens constituaient le deuxième contingent djihadiste derrière les Saoudiens, avec 112 Libyens, soit près de 20% des moudjahiddine étrangers entrés en Irak au pic de la violence en 2006 et 2007, loin devant les Algériens, les Syriens et les Yéménites. Autre donnée alarmante : Darnah, un des fiefs de la rébellion contre Kaddafi, est la ville qui fournit le plus de djihadistes, devant Riyadh, la capitale saoudienne. Sur les 112 Libyens infiltrés dans l’ancienne Mésopotamie, 53 venaient de Darnah et 21 de Benghazi, capitale de l’insurrection contre Tripoli. Enfin, les moudjahiddine libyens étaient les plus déterminés à se transformer en kamikazes, 85% d’entre eux avaient délibérément choisi de mourir en martyrs.

Vétérans afghans

Abou Abbas, Abou Al Walid ou Abou Bakar – leurs noms de guerre – s’étaient répertoriés comme «employé», «étudiant» ou «enseignant» : bref, ils étaient issus de toutes les strates de la société, comme ceux qui combattent aujourd’hui pour se libérer du joug de Kaddafi. Opposés de longue date au régime de Tripoli, Darnah et Benghazi sont en fait des bastions de l’islamisme radical.

Au milieu des années 1990, les deux villes ont été le théâtre de soulèvements intégristes extrêmement violents contre Kaddafi, qui dut recourir aux hélicoptères de combat pour soumettre les «barbus». Ces dernières années, la montée en puissance des Libyens dans le djihad mondial fut le résultat direct de l’adoubement donné par Ben Laden en novembre 2007 à la succursale libyenne d’Al Qaïda : Djama’ah Al Libiyah Al Mouqatilah. Beaucoup de Libyens ont très certainement péri en Irak.

L’un d’entre eux a été arrêté en fin d’année dernière, lors du démantèlement d’une cellule d’Al Qaïda à Baghdad. Les retours en Libye sont actuellement scrutés par les espions occidentaux qui cherchent également à savoir combien de vétérans afghans combattent aujourd’hui avec la rébellion. L’un d’entre eux, Abdul Hakim Al Hasadi, s’est livré récemment à un journal italien. «Les membres d’Al Qaïda sont de bons musulmans et luttent contre l’envahisseur», a déclaré ce moudjahed de Darnah, rentré d’Afghanistan en 2002. Selon Il Sole/24 Ore, une radio de la ville diffuserait le message suivant : «Frères qui avez combattu en Irak et en Afghanistan, il est temps maintenant de défendre votre terre».

«Il ne s’agit pas de commettre la même erreur qu’en Afghanistan», prévient un diplomate français, qui rappelle les livraisons d’armes américaines consenties aux djihadistes avant que ces derniers ne les utilisent contre leurs ex-alliés. En Libye, les sympathisants d’Al Qaïda ont aujourd’hui tout intérêt à masquer leurs amitiés. Ils ont besoin des Occidentaux pour se débarrasser de Kaddafi et asseoir leurs positions. Un peu comme les rebelles chiites d’Irak qui avaient accueilli à bras ouverts les soldats américains en 2003 afin que la démocratie leur donne le pouvoir, avant de retourner ensuite leurs armes contre leurs libérateurs.

Par Sofiane Abi