Des députés rivaux du nouveau Parlement libyen se retrouvaient hier pour la première fois autour d’une table de négociations sous l’égide de l’ONU qui tente d’amorcer un dialogue politique en vue de mettre fin à l’anarchie institutionnelle.
La réunion, initialement prévue dans la matinée, a débuté en début d’après midi hier. Outre les violences qui ponctuent leur quotidien depuis la chute de Maâmar El Gueddafi il y a trois ans, les Libyens font face actuellement à une situation inédite: deux Parlements et deux gouvernements, compliquant encore un peu plus la difficile transition politique. Le nouveau Parlement, issu des élections du 25 juin et dominé par les anti-islamistes, est reconnu par la communauté internationale mais est contesté par des milices de la coalition «Fajr Libya» qui contrôle Tripoli depuis août.
Des élus, dont certains soutiennent Fajr Libya, boycottent les travaux du nouveau Parlement qui est contraint de se réunir à Tobrouk, à 1.600 km à l’est de Tripoli, pour échapper à la pression des milices. Le chef de la mission de l’ONU, Bernardino Leon, est parvenu, à l’issue de discussions marathoniennes, à convaincre des élus des deux camps de s’asseoir à la table du dialogue. Il s’est rendu dimanche soir à Tobrouk puis à Tripoli pour rencontrer les élus qui boycottent les réunions, selon un communiqué de l’UNSMIL. Douze membres de chaque camp doivent prendre part à la réunion, a déclaré, cité par à l’AFP, le porte-parole de la chambre des représentants Fraj Abou Hachem.
Hier dernier, l’UNSMIL avait précisé que le dialogue serait fondé sur la «légitimité des institutions élues», en l’occurrence la Chambre des représentants, sur le rejet du terrorisme et sur le respect des droits de l’Homme. Selon l’UNSMIL, la réunion doit aboutir à un accord sur le règlement intérieur du Parlement et sur «d’autres questions liées à la gouvernance» du pays. Un accord devrait également être trouvé sur un lieu et une date pour la passation du pouvoir entre le Congrès général national (CGN, le Parlement sortant) et le nouveau Parlement, un des points de discorde entre les islamistes et leurs rivaux.
Fajr Libya avait pris le contrôle de Tripoli après avoir conquis fin août l’aéroport aux dépens des milices pro-gouvernementales de la ville de Zenten (au sud-ouest de la capitale). Forte de son succès militaire, cette coalition a formé un gouvernement parallèle à Tripoli, tandis que le CGN dont le mandat a expiré théoriquement avec l’élection du nouveau Parlement, a repris ses travaux, compliquant d’avantage la situation.
Depuis la chute du régime de Maâmar El Gueddafi, les différentes milices qui l’ont combattu font la loi dans le pays plongé dans le chaos et où aucune autorité n’a réussi à rétablir l’ordre. Après Tripoli, Fajr Libya a élargi ses opérations militaires à l’ouest de Tripoli, dans la région de Ouercheffana alliée des Zentanis, et accusée d’abriter des fidèles de l’ancien régime. Un accord sur un cessez-le-feu doit être également discuté lundi, selon un membre de l’UNSMIL.
Plusieurs observateurs, dont des élus, estiment cependant que cette réunion de dialogue a peu de chance d’aboutir à des résultats concrets, notamment en l’absence des milices qui contrôlent une grande partie du pays, dont Bengahzi (est), deuxième ville du pays tombé en juillet aux mains de milices islamistes, dont Ansar Ashari’â, classée organisation terroriste par Washington.
Le nouveau Parlement et le gouvernement d’Abdallah al-Theni sont accusés par la coalition Fajr Libya de «traîtrise» et d’avoir été complices, lors des combats pour le contrôle de l’aéroport de Tripoli, des raids aériens menés, selon eux, par les Emirats arabes unis, avec le soutien de l’Egypte, contre leurs combattants. Le nouveau Parlement, quant à lui, n’a cessé de dénoncer les «exactions» des miliciens de Fajr Libya, n’hésitant pas à les qualifier de «groupe terroriste», comme Ansar Ashari’â.