Un peu éclipsée par l’intervention militaire franco-malienne, la situation humanitaire au Mali est préoccupante. Alors que des dizaines de milliers de personnes continuent de fuir les zones d’affrontements, les besoins ne cessent de croître. Les Maliens, qu’ils soient au nord ou dans les pays voisins, manquent de tout. Un véritable désastre humanitaire que ni la France ni le Mali n’a pris en compte.
Le problème malien ne se limite pas à la reconquête du nord du pays. Si les armées malienne et française reprennent une à une les positions des groupes terroristes, une autre bataille s’engage avec, au coeur de celleci, les populations civiles.
Depuis le début des frappes aériennes, des dizaines de milliers de personnes ont ainsi fui, en partie vers les pays voisins. Pour ces déplacés et réfugiés la galère ne fait que commencer.
Malnutrition, risques de choléra, accès aux soins, le manque est partout et l’ONU a déjà annoncé qu’il faudrait au bas mot 373 millions de dollars pour la seule année 2013. Dans le nord, à Kidal, la ville est à bout de souffle, frappée par une crise humanitaire sévère. Ce qui explique pourquoi la population a manifesté ces derniers jours pour réclamer l’aide de survie de la France. Sur place, il est de plus en plus difficile de vivre.
La frontière avec l’Algérie est désormais verrouillée et les camions de ravitaillement qui arrivaient régulièrement du grand voisin du Nord sont bloqués. Les humanitaires qui interviennent sur place confirment que l’approvisionnement est compliqué avec les raids aériens dans la zone et les routes fermées pour cause de mines posées par les terroristes.
Les ONG sont unanimes : «La région de Kidal connaît une crise alimentaire et les taux de malnutrition sont dangereusement à la hausse» Des préoccupations énoncées noir sur blanc par les chefs des tribus arabes et touaregs de la région de Kidal.
Dans une déclaration publique, les chefs traditionnels lancent un appel pressant à la France et à la communauté internationale afin qu’elles prennent rapidement leurs responsabilités face au drame que vivent les populations de l’Azawad tout entier.
Un appel à l’aide humanitaire mais aussi un message politique. Les chefs de tribus, à l’instar du MNLA, plaident pour la voie du dialogue. Pour eux, l’Azawad et le Mali ont souffert de l’instabilité qui règne depuis des décennies dans cette région.
Ils demandent un dialogue avec Bamako basé sur le respect de l’intégrité territoriale du Mali. Un dialogue qui ne soit pas «porteur de supercherie comme par le passé». La situation humanitaire dans le nord du Mali reste préoccupante, constate pour sa part le CICR. «Le pays fait face à une situation humanitaire difficile», affirme Jean-Nicolas Marti, chef de la délégation régionale du CICR pour le Mali et le Niger.
«Dans le nord, l’accès à l’eau potable demeure une préoccupation majeure, tant pour les populations récemment déplacées de Tinzaouatène, près de la frontière algérienne, que dans certains centres urbains de Ménaka, Tombouctou ou Gao». Depuis la reprise des hostilités au Mali de nombreuses allégations font état d’arrestations.
Le CICR poursuit son dialogue avec les parties au conflit pour avoir accès à toutes les personnes arrêtées et détenues en relation avec les hostilités, sur l’ensemble du territoire malien. Des délégués du CICR ont pu visiter des personnes détenues par les autorités maliennes, à Mopti, Sévaré et Bamako, pour évaluer leurs conditions de détention et leur traitement.
Des militaires maliens accusés d’exactions Un responsable de la communication de l’armée malienne a annoncé lundi soir à la télévision publique ORTM que des militaires «fautifs» ont été rappelés du nord du Mali, où des soldats ma-liens ont été accusés d’exactions dans le cadre de la guerre en cours contre les terroristes.
Des «éléments ont manqué de tact dans certaines situations, et le chef d’état-major général a pris des dispositions, il a rappelé les éléments fautifs qui seront mis à la disposition des autorités judiciaires », a déclaré le capitaine Modibo Naman Traoré de la direction de l’information de l’armée, à l’antenne de l’ORTM, chaîne captée à Dakar.
Interrogé sur les accusations d’exactions contre des soldats maliens à Tombouctou (nord-ouest) et des images diffusées par «certains médias internationaux» sur ce sujet, il a répondu : «Effectivement, c’est vrai». La France a réitéré hier à Genève son appel aux autorités maliennes qui combattent des groupes terroristes dans le nord du pays à «mettre en oeuvre leurs engagements en matière de droits de l’Homme et de lutte contre l’impunité».
«Nous devons tous être vigilants face à des risques d’exactions», a déclaré la ministre déléguée auprès du ministère des Affaires étrangères, chargée de la Francophonie, Yamina Benguigui. Ces exactions sont commises dans la plupart des cas par l’armée malienne contre les populations du nord et touareg arabe.
D’autant que ces populations ne devront pas être négligées dans quelques mois, lorsque le temps sera venu, selon le gouvernement malien, d’organiser des élections libres.
Si les dates des 7 et 21 juillet ont été fixées par les autorités pour la présidentielle – elles ont annoncé ce choix le 14 février –, d’aucuns ont d’ores et déjà trouvé cette échéance prématurée. Mais délai tenu ou non, il faudra une nouvelle fois trouver les fonds nécessaires afin d’assurer le bon déroulement du scrutin et, surtout, sa sécurisation.
M. A. M.