Les cartes sont en train d’être rabattues dans le jeu énergétique européen. Le mois de mai 2025 a confirmé une tendance qui ne cesse de se dessiner depuis plusieurs mois. L’Union européenne importe de moins en moins de gaz naturel par pipelines. En toile de fond, des bouleversements géopolitiques, une stratégie de désengagement progressif vis-à-vis de la Russie, et la montée en puissance des alternatives, dont le gaz naturel liquéfié (GNL). Mais au milieu de ces flux contrariés, un acteur discret, mais constant, continue de gagner du terrain, l’Algérie.
L’évolution du marché européen du gaz révèle ainsi une recomposition silencieuse des équilibres entre fournisseurs historiques et nouvelles priorités stratégiques. Si les chiffres traduisent une baisse globale des volumes, ils disent aussi les choix politiques et les nouvelles dépendances à venir. Et l’Algérie, deuxième fournisseur de l’Europe via pipelines depuis le début de l’année, semble bien placée pour capitaliser sur cette transition.
Une baisse marquée des importations européennes de gaz par gazoducs
En mai 2025, l’Union européenne a importé 12,1 milliards de mètres cubes de gaz via pipelines, contre 13,6 milliards à la même période en 2024. Soit un recul de 11 % en glissement annuel. Même sur un mois, la tendance est à la baisse, avec une diminution de 1 % par rapport à avril.
Ce repli a été amorcé en début d’année. Entre janvier et mai 2025, les importations cumulées de gaz par canalisation atteignent 60 milliards de mètres cubes, en recul de 10 % par rapport aux cinq premiers mois de 2024. Une baisse structurelle, accentuée par la fin de l’accord de transit du gaz russe via l’Ukraine à la fin de l’année 2024, qui privait l’UE de 15 milliards de mètres cubes annuels.
Dans ce contexte, l’approvisionnement norvégien, jusqu’ici pilier de la sécurité énergétique européenne, a reculé en mai. Malgré quelques hausses ponctuelles vers l’Allemagne (+2 %), la Pologne (+6 %), l’Irlande (+2 %) et la Belgique (+1 %). À l’inverse, la France (-16 %) et les Pays-Bas (-12 %) ont reçu nettement moins de volumes norvégiens.
L’Algérie, deuxième fournisseur de gaz par pipeline et partenaire énergétique stratégique
Derrière la Norvège, l’Algérie confirme sa place de deuxième exportateur de gaz vers l’Union européenne par canalisation depuis le début de l’année 2025. Entre janvier et mai, elle a accru ses livraisons vers deux de ses principaux clients européens. +4 % vers l’Espagne et +2 % vers l’Italie, par rapport à la même période en 2024.
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En mai, l’Algérie est devenue le deuxième fournisseur de gaz à l’Espagne, juste derrière les États-Unis. Une bascule notable, bien qu’elle ait marqué une pause dans ses exportations de GNL vers ce pays pour le troisième mois consécutif. Le canal des pipelines, notamment via Medgaz, reste donc l’axe central de la relation énergétique algéro-européenne.
Selon la plateforme Attaqa, ce regain algérien intervient dans un contexte où la Russie, longtemps omniprésente, a vu ses volumes compressés par la guerre en Ukraine et les sanctions européennes. L’Algérie, en tant qu’acteur stable et historiquement lié à l’Europe, tire ainsi profit d’un marché en quête de fiabilité.
Énergies renouvelables : la nouvelle donne énergétique européenne
Face à la chute des flux gaziers russes, l’Europe s’est tournée vers le gaz naturel liquéfié. Au cours des cinq premiers mois de 2025, les importations européennes de GNL ont bondi de 23 %, atteignant 57,9 millions de tonnes. Soit environ 79 milliards de mètres cubes. Un renversement qui redéfinit les priorités logistiques et les partenariats internationaux, notamment avec les États-Unis et le Qatar.
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Parallèlement, la Commission européenne pousse pour un arrêt total des importations de gaz russe. Sous forme gazeuse ou liquéfiée, d’ici fin 2027. Un projet qui reste suspendu à l’approbation du Parlement européen et des États membres.
Sur le moyen terme, les perspectives sont claires. L’UE prévoit de réduire ses importations de gaz de 25 % d’ici 2030. À mesure que le déploiement des énergies renouvelables s’intensifie et que les politiques d’efficacité énergétique produisent leurs effets. En 2024, l’Union avait importé environ 275 milliards de mètres cubes, contre une demande attendue de 233 milliards en 2030.